Sous les grands pins
se prendre pour une fourmi
allongée sur le dos
Mois : mars 2017
Juste une frange de mer
Juste une frange de mer
pour nourrir le désir
de traverser
Un Chien dans ma box
Ne sais comment ni pourquoi
a atterri dans ma boîte mail
Pif le Chien
l’ai accueilli en souriant
et le remerciant
de raviver bons souvenirs d’enfant
me rappelle Hercule
Brutos et Krapulax
Pifou aussi
c’était dans l’Huma
puis Vaillant puis Pif Gadget
réentends le langage sommaire
des personnages d’Arnal
les glop glop
et les pas glop du héros
me souviens des gadgets
très « farces et attrapes »
j’adorais les pois sauteurs
et leur petite boîte en plastique
sans doute les ancêtres magiques
du résolument insoumis et moderne Holopif
L’oiseau du matin
Patiemment
ai cherché l’oiseau qui chantait
espéré son envol
depuis le nid
guetté son retour
parmi les branches
en vain
c’était
un oiseau transparent
de bon matin
Zoé chante le retour de l’heure d’été
En grande forme
ma fille Zoé
joyeuse et drôle
inspirée par le retour
de l’heure d’été
Marcel Dégun – Parfois & Pas assez
Marcel Dégun est mon double
quelques jours d’existence à peine et il me poursuit
du réveil au coucher il s’agite et parle en moi
même la nuit
devant les tremblements et les mélodies du monde
face au pas beau qui sourd en moi
je reste souvent coi
mais lui il a choisi de parler
à travers moi
là où souvent je n’oppose que silence lui il s’exprime
avec ses mots à lui
à travers moi
Marcel Dégun a des états d’âme à partager des choses à dire des mots à lâcher des constats à dresser des pensées à soumettre des rêves à émettre des regrets à regretter des riens à souligner des prières à murmurer des rires à lâcher
Marcel Dégun est le camarade de parole de Jean Barbin ; François Bon lui a donné vie début mars sur la page YouTube de son TiersLivre ; je le regarde et l’écoute jour après jour comme dans un feuilleton ; Jean Barbin me touche m’attriste me fait mourir de rire parfois ; il me bouleverse aussi dans son intense solitude ; et c’est dans ce mouvement de fond en moi face à la solitude de Jean que Marcel est apparu ; qu’il a commencé à parler ; à Jean et peut-être à vous autres aussi.
Marcel Dégun va tenter de prendre la parole chaque jour
jusqu’à ce que je lui coupe le sifflet.
Tout comme le propose François Bon pour Jean, si vous souhaitez vidéo d’un texte écrit non encore enregistré, signalez je transmettrai à Marcel.
SévillHaïku #14 A mi manera à la radio
Rouler vers le sud
pour respirer la mer
au bout du continent
la radio à fond
ambiance sixties
sur les routes d’Andalousie
et cette chanson des Gipsy Kings
A mi manera
Comme d’habitude
pour rejoindre l’extrème bout du sud
de notre vieille Europe
SévillHaïku #13 L’amour aux murs
Sur les murs de la ville
l’amour cru poétique
et politique
SévillHaïku #12 Le vieux peintre
Toujours ses fenêtres ouvertes
le vieil et généreux
artiste peintre
ne s’isole de la rue
José Pérez Conde
que tard dans la nuit
lorsque il va au lit
sinon, demeure toujours grande ouverte
à la vie de sa rue
aux passants curieux
aux échanges improvisés
depuis son salon-musée
où se côtoient vierges et tableaux
à bientôt 80 ans
José peint et sculpte moins souvent
se souvient du temps de sa jeunesse
raconte avec pudeur
son passé en beauté
car fut restaurateur de tableaux
au Musée des Beaux-Arts de Séville
et à Madrid
au Musée du Prado
SévillHaïku #11 À la Casa del Flamenco
Tous les soirs en spectacle
Casa del Flamenco
ces artistes d’ici
jouent ensemble chaque soir
en plein cœur de Séville
dans un patio au large tablao
et aux azulejos foncés
tous sont enfants d’Andalousie
nourris depuis petits
de ce chant fiévreux
ces danses en arabesques
ces fiers et sensuels jeux de mains et de pieds
douloureux et plaintif
leur art conte la passion
les amours impossibles
dévoile avec fougue
les plaisirs offerts
il évoque en pleurant
le deuil
l’absence
les souvenirs enfouis
et leurs chagrins profonds
SévillHaïku #10 Au Flamenco Bar
Au Flamenco Bar
chacun est libre
de jouer ou d’écouter
le professeur et son élève
partagent leur vie
et leur passion du flamenco
en ce lieu aux murs tout blancs
petit et bondé
repère discret et réputé
des aficionados de leur art
SévillHaïku #9 Une Toccata pour Murillo
Sur son orgue doré
le virtuose offre
Bach à Murillo
une brillanteToccata et fugue en ré mineur
le chef d’œuvre de Jean-Sébastien Bach
pour célébrer les quatre-cents ans
de la naissance ici du peintre baroque
Bartolomé Esteban de son prénom
vénéré par Séville
comme son aîné Velásquez
privilège d’assister
au concert-hommage
donné en l’église toute en dorures
de l’Hospital de los Venerables *
le virtuose
Padre José Enrique Ayarra
est depuis bientôt un quart de siècle
organiste titulaire de la Giralda
la monumentale cathédrale sévillane
ce grand maître de l’orgue
a donné plus de mille concerts
dans trente deux pays
* jusqu’au deux avril
l’Hospital de los Venerables
accueille une expo dédiée
aux deux peintre enfants de la cité
Illustration de ci-haut : La Vierge de l’Immaculée Conception – Murillo
SévillHaïku #8 Yo soy Gitana !
Font la fête entre femmes
avec à gogo
alcool et flamenco
https://soundcloud.com/ericschulthess/yo-soy-gitano
le rendez-vous des copines
ce bar du quartier
Las Alamedas de Hercúles
décompressent ensemble
après longue semaine
boulot casa minots
ne sont pas les seules à Séville
à s’escaper ainsi le samedi
pour retrouver l’ambiance
du temps où leur vie
ne s’écrivait pas encore
avec chéri ou mari
SévillHaïku #7 L’entraînement des costaleros
Les yeux lancés vers avril
s’entraînent dur
les porteurs de pasos
https://soundcloud.com/ericschulthess/les-costaleros-a-lentrainement
à trois semaines de l’ouverture
de la Semaine Sainte
croiser dans Séville
à l’approche du soir
les costaleros en plein effort
les écouter racler semelles
sous leur gigantesques autels
pour l’instant ni Christ ni Vierge dessus
mais le paso pèse son poids de bois
et il faut à chacun
régler son pas
accorder son rythme
avancer en harmonie
guidé par un pilote
de la même confrérie
se poser un peu parfois aussi
et repartir jusqu’à la tombée de la nuit
SévillHaïku #6 Soudain Chopin
Sur l’avenue bruyante –
son offrande,
des Nocturnes de Chopin
Il a appris le piano en solo
Francisco
à peine un peu plus de trois ans
quelques cours quand-même
depuis janvier
désire en vivre
passe des heures sur son piano droit
chez ses parents où il demeure
parfois les voisins s’agacent
alors il sort
le soir
et vient s’installer
Avenida de la Constitución
en face de la station de tramway
Archivo de Indias
Francisco joue Chopin
Nocturne N° 20
s’en émerveille
dans la housse de son instrument
tombent les pièces
pas une fortune
mais ne se plaint pas
et lorsque la ville se fait silencieuse
il s’arrête
donne quelque monnaie
au sans domicile voisin
et retourne d’où il vient
reviendra demain
SévillHaïku #5 Les étudiants de la Tuna
Dans leurs costumes d’époque
ils chantent pour
quatre sous espagnols
tradition vivace ici
les Tunas regroupent des étudiants
le soir
se promènent de bar en bar
avec leurs instruments
et offrent chansonnettes
en échange de quelques pièces
sur leur poitrine en travers
une beca
large bande aux couleurs de leur université
le vert sur celle de ceux-ci
raconte qu’étudient
vétérinaire ou pédagogie
au Cafe-Bar La Teresas
ces Tunos m’ont sorti
du labyrinthe empreint de passion
de nostalgie aussi
des affiches et photos
dédiées à l’aficion
SévillHaïku #4 Près du Guadalquivir
Près du Guadalquivir
les rameurs ignorent
les bateaux à touristes
Un fleuve ça n’est pas la mer
mais la promenade ouvre aussi l’horizon
sur les deux rives de la ville
les unit et les sépare
les rassemble et les éloigne
Séville touristique d’un côté
fière de son histoire multi millénaire
où tinte sur les pavés
le clac clac des sabots
des chevaux en calèches
et où résonne en bord de fleuve
ces pasos dobles qui invitent
à se promener sur l’eau
en face Triana
quartier populaire
fier de ses artisans d’azulejos
Triana amoureux de ses toreros
même si c’est sur l’autre rive
que se pressent les aficionados
à la monumentale Maestranza
la Plaza de toros
lorsqu’arrive l’heure de la Feria
la Maestranza où trône Curro Romero
le Pharaon statufié en bronze
non-loin de l’hommage à un autre maestro
Wolfgang Amadeus Mozart
SévillHaïku #3 Pendant le Baisepied
Patientent et pleurent parfois
pour baiser le pied
du Christ éploré
Me suis toujours senti en paix
dans les lieux de prière du monde
le temps d’un voyage
d’un court passage
je range dans ma gorge
tous les mots durs
que souvent j’adresse à Dieu
quel que soit le nom que lui donnons
je laisse de côté ma colère
face à son laisser-faire
devant la barbarie des hommes
et je me mets à l’unisson
des croyants rassemblés
inondée de ferveur
la Basilique de Jesús del Grand Poder
avec tout au fond du chœur
son Christ éploré en bois foncé
protégé d’une paroi translucide
avec juste un espace dédié
aux baisers sur son talon
le Besapié
après la messe
célébrée par Carlos Amigo Vallejo
le cardinal de Séville
ai saisi d’autres baisers offerts
à la Vierge del Mayor Dolor y Traspaso
puis suis rentré dans la nuit
adresser un baiser
à Dame Lune
en méditant sur son dénuement
ses dorures fugaces
son inquiétante noirceur
chaque mois
et sa lumière bienveillante
que j’espère éternelle
SévillHaïku #2 Le flûtiste basque
Ses journées entières
à sillonner parcs et rues
le flûtiste basque
https://soundcloud.com/ericschulthess/le-flutiste-basque
Miguel est guitariste
c’est son métier
chaque matin
avant d’aller gagner sa croûte dans les rues de Séville
il prend le temps de parfaire son jeu de flûte
au creux des bosquets
sous les grands arbres
des Jardins de Murillo
Vingt ans que Miguel a quitté Bilbao
pour s’installer ici
en Andalousie
doux exil
chaud exil
de Séville, il dit
qu’il est tombé amoureux de sa lumière
de sa foi palpable
de ses orangers
de sa nature préservée
malgré le trafic qui obscurcit un peu
les notes tirées de sa flûte andine
De Séville il dit aussi
qu’elle est une œuvre d’art
tournée surtout vers le passé
que l’ambiance de fête
de convivialité
cache souvent
en profondeur
l’individualisme des Sévillans
difficile de s’y faire des amis
doux exil
chaud exil
amer exil
et pourtant
Miguel confie qu’il finira sa vie ici
car c’est dans cette ville qu’il se sent le plus libre
SévillHaïku #1 Les femmes de ménage
Dans la chaleur de mars
lavent et frottent les marches
du Palais géant
Séville
déjà le printemps ici
Séville et ses pavés poudrés
d’ocre et de bistre
ses orangers offerts aux oiseaux
cette lumière teintée d’or et de blanc
aux murailles maures et aux façades des maisons
Séville
ses Gitans cochers
ses guitaristes en liberté
et ses femmes de ménage
écrasées de chaleur
solidaires et bavardes
aux marches du Palais
de la Plaza de España
Nos douze haïkus pour Kamaïshi
Il y a quatre ans
avec ma fille Zoé et mon fils Marius
avions choisi et lu à voix haute quatre haïkus chacun
dédiés aux enfants et aux parents de Kamaïshi,
cette ville du nord-est du Japon
tragiquement frappée par le tsunami
il y a six ans jour pour jour
le 11 mars 2011
Les haïkus de Zoé
Entouré de branches mortes
il se redresse
le printemps !
Ishikawa Keirô
Comme un bloc de nuit voilée
perdu dans mes pensées
Katô Shuson
Viens écouter la glace
qui se craquelle sur le lac
Ozawa Minoru
Quand une tortue crie
l’autre lève la tête
pour l’écouter
Nakahara Michio
Les haïkus de Marius
Voile de lune
une grenouille
trouble l’eau et le ciel
Yosa Buson
Sur le gazon
languissamment retombe
la brume de chaleur
Natsume Sôseki
Dans les brumes de chaleur
quelques trous laissés
par le bâton allé au temple
Kobayashi Issa
A l’entrée du jardin
fleurit le blanc
d’un camélia
Ueshima Onitsura
Les Haikus d’Eric
La lampe éteinte
les étoiles fraîches
se glissent par la fenêtre
Natsume Sôseki
Nulle trace dans le courant
où j’ai nagé
avec une femme
Yamaguchi Seishi
Mon pays natal
détrempé par la pluie
je le foule pieds nus
Taneda Santôka
On vieillit
même la longueur du jour
est source de larmes
Kobayashi Issa
Je n’oublie pas Kamaïshi #2
À Kamaïshi
il a fallu deux années
pour que la mer accueille à nouveau
le travail des hommes
en mai 2013
avec Momomi Machida
avions accompagné les pêcheurs du petit port de Osaki Sirahama,
pour leur toute première récolte d’huîtres et de coquilles Saint-Jacques
depuis le tsunami du 11 mars 2011
le 11 mars 2011
la vague géante avait tué l’un des camarades de ces pêcheurs
95% de leur flotte avait été détruite.
Seulement 30 de leurs 130 maisons avaient été épargnées
Je n’oublie pas Kamaïshi #1
six ans ont passé depuis le terrible tsunami
qui endeuilla le nord-est du Japon le 11 mars 2011
notamment la ville de Kamaïshi
m’y rendis en mai 2013
en reviens bouleversé
et à mon retour, écrivis un conte
En attendant la pluie
publié aux Éditions Parole
un témoignage d’amitié et de compassion envers les femmes, les hommes et les enfants rencontrés là-bas
ce livre est bilingue,
traduit en japonais par Momomi Machida
en avons tous deux lu un extrait
à voix haute
dédié à toutes les victimes du tsunami
ainsi qu’à leurs familles
Ci-dessous trois photos ramenées de Kamaïshi
sourire retrouvé des pêcheurs
jeune maman relogée dans un abri préfabriqué
et espoir vivace de connaître à nouveau des printemps paisibles
Le temps des baignades
Que revienne bientôt
le temps des baignades
de la causette tranquille
avec les gabians
le temps des escapades
en calanques
des virées sur les rochers
du rosé dans la glacière
des plongeons dans l’eau claire
des siestes apaisées
et des baisers salés
Illustration : OharaKoson – Mouettes sur les vagues – 1910
L’ode aux marins
Marins est un oratorio sonore
somptueux
mélodieux
chaleureux
respectueux des langues du monde
un poétique essai radiophonique
riche de voix humaines
empli de sons de mer et de bateaux
une plongée délicate
dans le monde des marins de commerce
ces ouvriers de la mondialisation
Marins
est l’œuvre de Jean-Guy Coulange
une ode à ce métier
qui « aide à mieux comprendre le monde
à mieux comprendre les autres »
La violoniste du tunnel del Antiguo
Elle s’est installée là
juste sous le tunnel del Antiguo
entre la Concha
et l’Ondaretta
et elle a joué
toute la matinée
https://soundcloud.com/ericschulthess/la-violoniste-du-tunnel
plus toute jeune la dame
le regard indifférent
aux quelques pièces jetées
dans la housse de son violon
au-dessus d’elle
les vagues et les reflets du projet MiraMart
vestiges colorés de Donostia San Sebastián
Capitale européenne de la culture 2016
Quatre haïkus de Issa
Toujours à portée de ciel
de doigts et de voix
les haïkus de Issa
Ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais
Sois donc rassuré
les fleurs aussi qui voltigent
prennent ce chemin
Par la rosée blanche
le chemin du paradis
peut être perçu
Une bise fraîche
ondoyant et tournoyant
est enfin venue
L’Oiseau, de Pierre Gamarra
Chez mon bouquiniste préféré
déniché ce petit recueil
Le sorbier des oiseaux
de Pierre Gamarra
ne résiste pas au plaisir
de lire l’un de ses poèmes
à voix haute
comme il se doit
me souviens qu’à l’école primaire
au CP ou au CE1
avions appris quelques poèmes
de Pierre Gamarra
comme celui-ci
Mon cartable
Mon cartable a mille odeurs,
mon cartable sent la pomme,
le livre, l’encre, la gomme
et les crayons de couleurs.
Mon cartable sent l’orange,
le bison et le nougat,
il sent tout ce que l’on mange
et ce qu’on ne mange pas.
La figue, la mandarine,
le papier d’argent ou d’or,
et la coquille marine,
les bateaux sortants du port.
Les cow-boys et les noisettes,
la craie et le caramel,
les confettis de la fête,
les billes remplies de ciel.
Les longs cheveux de ma mère
et les joues de mon papa,
les matins dans la lumière,
la rose et le chocolat.
La tentation de la fuite
Promener dans quelques allées
l’oreille dressée
l’œil attiré
par une sonnette-coq
écouter au portail
tomber sur un transistor
abandonné
pour minutes ou heures
posé sur la machine-à-laver
comprends le proprio
trop souvent l’info servie dans le poste
moins qu’à la télé mais quand-même
me laisse lessivé
happé par la tentation
de la fuite vers le silence-radio
Bambi
Ai approché Bambi
petit daim
petit comme le garçon
qui me dit
à chaque instant
continue d’ouvrir bien grand
tes yeux d’enfant
ai parlé avec son père
yeux noisette aux reflets bleutés
armé de longs bois
nous sommes souvenus de Tyrus Wong
le papa du Bambi de Walt Disney
Zoé regarde Saïgon
Ma fille Zoé a de la chance
en voyage au Vietnam
du sud au nord
chanceux suis aussi
m’a envoyé de belles photos
Saïgon pour commencer
si loin, si près