Livres de ma vie / Marsiho #5

Le cabanon. Mythe marseillais sauf pour la poignée de cabanoniers qui y passent encore du temps, aux Goudes ou à Sormiou, comme avant eux leurs ancêtres. La pêche sur les rochers, mon grand-père Marseillais d’adoption – il émigra de Zürich en 1923 – m’y emmenait enfant. À l’époque, la pêche était abondante. Aujourd’hui, restent les mots d’André Suarès…

 

AndréSuares

 

« … Le rêve de chacun est d’avoir une de ces cases en nougat coiffées de tuiles. Là, ils vont en tous temps du samedi au lundi. En été, ils s’y installent, les uns sur les autres. Chacun chez soi et tous presque en commun. On voisine, on se querelle, qui est une façon de voisiner encore. On se parle au-dessus du mur. La fumée d’une pipe croise l’autre. Les enfants jouent, se battent et braillent ensemble.

Quelques hommes vont à la pêche sur les rochers ; ils partent de bon matin, leurs lignes hautes contre l’épaule, le veston ouvert, la chemise de flanelle béante ; et tous ont le même air de soldats hilares, d’heureuse troupe qui descend à la conquête du poisson. Ceux qui ne pêchent pas ne sont pas moins avides que les autres de rascasse, de girelles, de gobis, de crabes, de tout ce qui entre dans la bouillabaisse. Et faute de bouillabaisse, il y a toujours l’aïoli.

Une heure avant midi, tous les cabanons sont frottés à l’ail, chapons offerts au soleil. L’homme bat lui-même la purée à l’huile dans le mortier, et la tourne dure et jaune : que la femme ne s’en mêle pas, et même qu’elle n’approche pas, fût-ce du souffle : elle la ferait tourner… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffite

La Nuit, les sons arrivent de loin

Cette mescle de musiques, je l’ai conçue comme un immense bravo à La Nuit, l‘hebdomadaire digital qui a publié avant-hier son numéro 3. Un désir affiché : réveiller l’étonnement. Un principe : il y a un monde des femmes et des hommes vivants. Une conviction : la culture est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux gens cultivés. La profession de foi de ce « journal de voyages dans les émotions du temps présent » : assumer son rôle critique vis à vis de tout ce qui nous gouverne, et pas seulement les politiques : les peurs, la colère, les rancœurs par exemple. Dans La Nuit vous ne trouverez pas de distribution d’étoiles mais de la diversité, de l’émotion, du partage, des découvertes qui viennent de loin, comme ces sons signés King Ayisoba du Ghana, Dengue Dengue Dengue du Pérou , Tamer Abu Ghazaleh d’Égypte, Aryana d’Afghanistan, Favela Trap du Brésil et Buraka Som Sistema du Portugal.

J’ai choisi de m’abonner à La Nuit, d’autant que son parti-pris – zéro publicité – est selon moi – comme c’est le cas de Médiapart – un vrai gage d’indépendance. Un euro par semaine pour un journal de 100 à 150 pages qui donne à écouter, voir, lire, réfléchir, s’émouvoir et partager avec le monde entier, avouez que ça n’est pas le bout du monde.