Livres de ma vie / Oeuvres poétiques de Léopold Sédar Senghor #3

Léopold Sédar Senghor fut fantassin de 2ème classe au 31ème régiment d’infanterie coloniale et passa deux ans dans un camp de prisonniers. Il n’oublia jamais ses camarades tirailleurs sénégalais qui perdirent la vie lors des deux conflits mondiaux. Témoin, ce vibrant poème qui leur est adressé. Il l’écrivit à Tours en 1938. Il résonne en moi d’autant plus fort que très tôt mon père m’a parlé Histoire. M’a raconté. À Marseille débarquèrent à l’automne 1914 les troupes coloniales – notamment les tirailleurs sénégalais et algériens – avant de rejoindre les soldats français au front.

 

Senghor

 

Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France

« Voici le Soleil

Qui fait tendre la poitrine des vierges

Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards

Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.

J’entends le bruit des canons – est-ce d’Irun ?

On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat inconnu.

Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.

On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire

des futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts obscurs

Die Schwarze Schande !

 

Écoutez-moi, Tirailleurs sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort

Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province

Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée jadis dans les palabres du village

Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.

Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes

–      Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.

Les plaintes des pleureuses trop claires

Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèche les torrents du Fouta

Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.

Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez

Nius, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.

Ah ! puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter

L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.

Écoutez-nous, Morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est.

Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rouge du sang des blanches osties

Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais

MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE ! »

 

Copyright @ Editions du Seuil

999 roses pour – for – Ai Weiwei 艾未未

https://soundcloud.com/ericschulthess/999-roses-pour-ai-weiwei

Une mescle de musiques et de fleurs pour Ai WeiWei. Tchaïkowski. La valse des fleurs. Mêlée à une chanson chinoise. 999 roses d’amour. Chaque jour depuis des semaines,  je poste une photo de fleurs sur Twitter pour l’artiste chinois privé de passeport par les autorités de son pays. Pouvez lui en envoyer vous aussi. C’est tout simple. Suffit d’ajouter à vos fleurs le hashtag #FlowersForFreedom et @aiww

Arte Creative relaye ce geste de solidarité. Depuis sa maison, Ai Weiwei sait que nous ne l’oublions pas. Lui, depuis le 30 novembre dernier, place tous les matins un bouquet de fleurs dans le porte-bagages d’une bicyclette garée devant son atelier à Pékin. Il continuera tant qu’il ne sera pas libre de voyager librement. Et moi aussi. Lui enverrai des roses et toutes sortes de fleurs jusqu’à ce que je puisse aller lui serrer la main en vrai quelque part en Europe lorsqu’il viendra exposer.

Livres de ma vie / Oeuvres poétiques de Léopold Sédar Senghor #2

Le chantre de la négritude – il fut aussi le premier président de la république du Sénégal – écrivit aussi nombre de poèmes d’amour d’une beauté absolue. Inspirés notamment par sa femme Colette. « Avant la nuit » est extrait de ses Lettres d’hivernage. L’hivernage de la Femme. Avec un F majuscule comme il aimait l’écrire pour les célébrer toutes.

Senghor

Avant la nuit

 

« Avant la nuit, une pensée de toi pour toi, avant que je ne tombe

Dans le filet blanc des angoisses, et la promenade aux frontières

Du rêve du désir avant le crépuscule, parmi les gazelles de sable

Pour ressusciter le poème au royaume d’Enfance.

 

Elles vous fixent étonnées, comme la jeune fille du Ferlo, tu te souviens

Buste peul flancs, collines plus mélodieuses que les bronzes saïtes

Et ses cheveux dressés, rythmés quand elle danse

Mais ses yeux immenses en allés, qui éclairaient ma nuit.

 

La lumière est-elle encore si légère en ton pays limpide

Et les femmes si belles, on dirait des images ?

Si je la revoyais la jeune fille, la femme, c’est toi au soleil de Septembre

Peau d’or démarche mélodieuse, et ces yeux vastes, forteresses contre la mort. »

 

Copyright @ Editions du Seuil

L’attentat de Santa Machete

C’est un nouveau cadeau sonore adressé par Mathilde. Toujours à l’affut des bons sons la demoiselle. Santa Machete en concert pour la première fois en France après un périple à l’étranger. Attentat, c’est ainsi qu’ils appellent leur show. Là, c’était à Sainte-Foy-la-Grande, dans le sud-ouest. D’abord sur le marché hebdomadaire, puis au bar « Le  Chai ». Rencontres et partage au rendez-vous. Sonorités soul, afro et cumbia. Santa Machete embarque le public dans son univers. A écouter, voir, sentir, gouter et toucher par ici. Et par là, quelques photos signées Mathilde.

chanteuse

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Dix minutes dans la cabine du conducteur de train avec Marius

Un rêve d’enfant c’était. Conduire une locomotive. Jamais réalisé. Mais hier, approché de près. En plus, avec mon fils Marius. Quelques minutes aux côtés du conducteur d’un train nous avons passé. Impressionnés par le bruit, l’allure du convoi et la procédure de sécurité qui prévaut. Privilégiés nous fûmes. D’ordinaire, il est interdit aux conducteurs d’accueillir qui que ce soit d’étranger à la SNCF dans leur cabine. Grand merci à Jean* pour nous avoir ouvert sa porte. * Ai modifié le prénom du cheminot hospitalier

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Livres de ma vie / Oeuvres poétiques de Léopold Sédar Senghor #1

Découvert Léopold Sédar Senghor sur le tard. L’avais écouté parler à la radio. Négritude. Homme noir. Colonisation. Esclavage. Émancipation. Libération. Rêvé de l’Afrique noire grâce à lui – ses poèmes – et Césaire et Youssou Ndour. Et puis un jour, le Sénégal en vrai. En chair et en ciel. Ancrer mes pas sur cette terre berceau. Visiter la maison natale du poète à Joal et redouter au cœur du ventre le retour en Europe. Redouter cet arrachement. Quelques années plus tard, serai bientôt de retour là-bas. Emmènerai ce livre aux parfums d’amour et de liberté. Le montrerai aux enfants du Sénégal et à leurs parents.

 

Senghor

Que fais-tu ?

 » « Que fais-tu ? À quoi penses-tu ? À qui ? »

C’est ta question et ta question. Rien n’est plus mélodieux que le coureur de cent mètres

Que les bras et les jambes longues, comme les pistons d’olive polis.

Rien n’est plus stable que le buste nu, triangle harmonie

Du Kaya-Magan

Et décochant le charme de sa foudre.

Si je nage comme le dauphin, debout le Vent du Sud

C’est pour toi que je marche dans le sable, comme le dromadaire.

Je ne suis pas roi du Ghana, ni coureur de cent mètres.

Or tu ne m’écriras plus « Que fais-tu ? »…

Car je ne pense pas, mes yeux boivent le bleu,

Rythmiques

Sinon à toi, comme le noir canard sauvage au ventre blanc.  »

 

Copyright @ Editions du Seuil

Du miel au bout des doigts

Extrait de répétition. « Du miel au bout des doigts » est l’une des quatre nouvelles de mon recueil Marseille rouge sangs que les comédiens de Base Art Compagnie sont en train d’adapter au théâtre. Imprégnée de la musique de Thelonius Monk, l’une de mes préférées. Là, c’est Paul Bruno qui joue le rôle d’Oscar, un pianiste de jazz pris au piège de la séduction. Premières représentations les 13, 14 et 15 juin à Mazan, dans le Vaucluse. Suivies de 9 dates au Festival D’Avignon,  dans le OFF, du 19 au 27 juillet 2014  à 14H30 au Bar de l’Angle.

Un extrait de DU MIEL AU BOUT DES DOIGTS.

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Livres de ma vie / Se taire est impossible

Je me souviens de Buchenwald. J’ai 15 ans et découvre ce camp de concentration, situé près de Weimar. RDA à l’époque. Buchenwald. Forêt de bouleaux, je traduis. J’aime tant la langue allemande. Buchenwald. Vestige d’un temps qui me semble si proche, moi qui suis né en 1954… Chambres à gaz, crématoires, infirmerie, monceaux de cheveux et de lunettes et de dents en or. Et ces listes de noms de personnes assassinées par les nazis. Je découvre à 15 ans que les humains sont capables de se faire ce que même les loups ne se font pas. Je me souviens de mes sanglots retenus alors et de mon sang qui se glace, bien plus tard, à la lecture de ce petit livre d’échanges entre deux rescapés des camps de la mort, Jorge Semprun et Elie Wiesel, 50 ans après la fin de la seconde guerre mondiale.

Setaireestimpossible

 

« J.S. : Moi, je descendais dans le petit camp depuis l’automne 1944 pour voir certains amis, certaines personnes, qui étaient par exemple dans la baraque des invalides, la baraque 56. Halbwachs, qui avait été mon professeur à la Sorbonne, er Maspero, le père de François Maspero, qui était aussi un grand orientaliste. Et on voyait les conditions de vie du petit camp. Mais elles se sont détériorées brutalement.

E.W. : Fin janvier. Je me souviens que devant la grande baraque de la quarantaine, pour nous chasser, on nous aspergeait avec de l’eau. Avec de l’eau glacée devant la baraque. On devenait des glaçons. ET j’étais avec mon père. Et puis mon père n’était plus mon père. Mon père était mort. Et puis en fait, je ne connaissais plus Buchenwald. Je n’ai plus vécu. Donc à partir de ce jour-là jusqu’à la Libération, je n’étais plus là.

J.S. : Oui, tu le dis dans ton livre. Toutes ce semaines, où machinalement, de façon presque inconsciente, tu faisais un certain nombre de gestes, parfois il t’arrivait de jouer aux échecs sans savoir ce que tu faisais, et en même temps. Tu étais déjà…

E.W. : Je n’étais plus là. Je n’ai vécu que pour mon père. Parce que je savais que ma petite sœur, ma mère, n’étaient plus là. Les grandes sœurs, j’avais espéré bien sûr qu’elles étaient encore en vie. Mais c’était mon père. Toi, tu comprends, tu avais une vie active à l’intérieur du camp, tu savais pourquoi tu étais là, tu étais résistant, tu te battais, tu faisais partie de la Résistance. Moi j’étais un « musulman », comme on disait à l’époque n’est-ce pas, j’étais un objet. Je ne savais pas ce qui se passait. »

Copyright @ Mille Et Une Nuits & Arte Éditions

Livres de ma vie / Dictionnaire des mots rares et précieux #4

Verbes à foison dans la langue française. L’une de ses richesses. Peut-être la plus précieuse. Le verbe teinte. Nuance. Il invite au voyage. Dans l’espace et dans le temps. Difficile à conjuguer parfois mais on lui pardonne. En voici trois, en D. Comme deviner ou débroussailler. À vous de faire rouler les dés.

dictionnaire des mots rares et précieux

DÉBACLER, v.tr. Mar. Faire sortir d’un port les vaisseaux vides afin de permettre aux bateaux pleins d’y venir décharger à leur tour.

DÉCOMPOTER, v.tr. Agric. Modifier l’ordre dans lequel se suivent les semailles et les fumures.

DUIRE, v.tr. Vieux mot qui a signifié accoutumer, dresser, et qui ne s’est conservé que dans le vocabulaire de la fauconnerie, où l’on dit duire un oiseau pour l’apprivoiser et lui enseigner à chasser.

Au boulodrome Les 3 Mages

À deux pas du Lycée Thiers, qui accueillit mon papa, le boulodrome des 3 Mages.

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Fin de journée. Quiétude et parties de pétanque entre collègues. Les boules à Marseille, ça n’est pas que sur les cartes postales.

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Savourer les échanges, les paroles malicieuses, les sourires et puis filer vers la place Jean Jaurès. En chemin, guetter l’arrivée du crépuscule.

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