Retour au Japon – Robot d’amour 日本 #14

Au pied de la Tokyo Skytree, dans le centre commercial Soramachi, そらまち, qui signifie ville du ciel, je tombe sur un petit robot mignon tout plein qui ressemble à un pingouin et vadrouille sur son présentoir. Yeux expressifs, peau en feutrine, il ne parle pas mais émet divers sons en déambulant sur ses trois roues motorisées. Le vendeur m’explique que ce robot est un Lovot et que sa mission sur cette terre est de générer de l’affection, voire de l’amour, d’où son nom. Ses circuits électroniques produisent de la chaleur sur son ventre, ce qui incite le ou la propriétaire à le prendre dans ses bras et à le câliner. Juchée sur sa tête, une excroissance oblongue intègre des capteurs et des caméras qui lui permettent d’identifier la personne qui se trouve en face de lui et d’analyser son environnement sonore. Je me suis hasardé à lui dire hajimashite, はじめまして, ravi de te rencontrer, il m’a à peine calculé. Il paraît que Lovot rigole quand on le chatouille et s’endort lorsqu’on le berce. Je n’ai essayé ni l’un ni l’autre, sans doute trop européen pour ce robot japonais héritier d’une tradition ancrée de longue date sur l’archipel.

(… à suivre)

Retour au Japon – Tokyo de là-haut 日本 #13

Un clic et c’est dans la boîte. Après une montée en ascenseur à la vitesse de 600 mètres par minute, un moulon de touristes viennent s’asseoir à la queue leu leu sur un sofa blanc écru et poser, sourires figés, devant la maquette de la géante Skytree. Derrière eux, une baie vitrée circulaire donne sur les toits de Tokyo. Depuis le Tembo Deck, le premier observatoire accessible, à 350 mètres au-dessus du sol, la vue offerte sur la ville est panoramique à 360°. La capitale du Japon se laisse découvrir dans toute son immensité, jusqu’à son port.

Il fait beau mais l’horizon est teinté d’un voile de brume et de pollution bleu orangé pâle. Au-delà du fleuve Sumida et des gratte-ciels, je devine à peine le Mont Fuji, là-bas, à une centaine de kilomètres de Tokyo à vol d’oiseau. Demain, je m’en rapprocherai enfin et tout bientôt je serai à ses pieds.

(… à suivre)

Retour au Japon – Dans le bus 日本 #12

Pour une fois, j’ai délaissé le métro et j’ai pris le bus, histoire de changer d’ambiance et de point de vue. Pas de mauvaise surprise. La ponctualité et la propreté sont au rendez-vous. Circulation assez fluide pour me rendre à la Skytree, la plus haute tour du Japon, dans le quartier du fleuve Sumida. Des vieilles dames assises devant moi bavardent. J’aimerais bien savoir ce qu’elles se racontent mais mon japonais est bien trop riquiqui pour les comprendre. Je ne parviens à saisir que l’expression desu ne ? , です ね, qui veut dire n’est-ce pas ? Les Japonais le disent souvent et j’ai appris à l’utiliser dans mes quelques brefs échanges avec les gens. Juste avant de descendre, j’ose leur lancer kyo ha atsui desu ne ! , きおうはあついですね , il fait chaud aujourd’hui, n’est-ce pas ! À peine le temps de les entendre me le confirmer en souriant, sou desu, そうでせ!, un bon trente-huit degrés me saisit sur le trottoir et je rejoins la foule des visiteurs qui avancent vers la Skytree et ses 644 mètres de haut.

(… à suivre)

Retour au Japon – Ça tourne ! 日本 #11

À peine sorti du cimetière, je tombe sur une équipe de télévision en plein tournage. Elles et ils sont une bonne quinzaine à s’activer autour d’une camionnette sur laquelle est juché le caméraman. La séquence, répétée plusieurs fois, est un travelling sur une vingtaine de mètres, pour filmer un jeune homme qui avance près d’une maison en bois bordant une rue. Une technicienne que j’interroge m’apprend que c’est la séquence d’un terebidorama, テレビドラマ, une série télévisée. Je n’en saurai pas plus parce que la dame me fait savoir illico que je n’ai pas le droit de photographier le tournage. Chaque année, les chaînes de télé japonaises diffusent plusieurs dizaines de séries. Les thématiques sont nombreuses et on y parle souvent d’amour.

(… à suivre)

Retour au Japon – Au cimetière Yanaka 日本 #10

À l’approche du crépuscule, je suis monté vers le Yanaka Reien, れいえん, le cimetière proche du Parc Ueno. Point de clôture ici, comme dans la plupart des cimetières japonais. On accède aux sépultures en passant directement du trottoir à l’allée de son choix. Au Japon, les lieux où reposent les morts sont bien davantage que chez nous accessibles aux vivants, ce qui rend, j’imagine, les premiers plus présents et plus proches aux seconds. Les tombes sont de toutes tailles, et les grillons stridulent pour tout le monde lorsque la nuit se fait proche. Deux jeunes gens en yukata, ゆかた, le kimono d’été, passent en silence. Je ne perçois pas le claquement des semelles de leurs geta, げた, les sandales de bois traditionnelles. Il fait encore chaud. Au loin, je devine le sommet de la Tokyo Skytree, haute de 634 mètres, qui commence à s’illuminer.

(… à suivre)

Retour au Japon – Tokyo sonore 日本 #9

De nuit comme de jour, Tokyo a aiguisé mon appétit pour les sons en tous genre. Près du temple Marishiten Tokudaiji, dans la rue commerçante Ameyoko, je me suis arrêté devant une supérette qui diffusait une musique ressemblant à une comptine. Un peu plus loin, une chanson de J-Pop tentait d’accrocher les clients d’un restaurant. Ensuite, un vacarme a recouvert le tout lorsqu’un train a surgi en hauteur, sur l’une des passerelles géantes qui irriguent le quartier de Ueno.

Sur l’une des larges avenues voisines, au pied de grands immeubles abritant cinémas, salles de karaoké et bars à hôtesses, de jeunes femmes attendent le client. Tokyo ne dormirait donc jamais ?

La pollution sonore de la capitale japonaise contraste avec son extrême propreté. Ni mégot par terre – il est interdit de fumer dans l’espace public – ni chewing gum écrasé, ni papier gras ou déchet quelconque qui traînent. Les Japonais sont visiblement attachés à la propreté de leur environnement. Prenons-en de la graine…

(… à suivre)

Retour au Japon – zuruzuru 日本 #8

Au restaurant de rāmen, らーめん, l’un des plats caractéristiques de la gastronomie japonaise, je souris en écoutant les slurp des clients qui me font face. Au Japon, comme en Chine d’ailleurs, il n’est pas impoli d’approcher son visage et sa bouche du bol ou de l’assiette et d’aspirer les pâtes et le bouillon dans lesquelles elles baignent. Ce son, les Japonais le décrivent avec le mot zuruzuru,ずるずる. Le z se prononçant comme un s et le r se prononçant quasiment comme un l, j’avoue que c’est assez ressemblant. Zu Zu-tsu, ずずっ, c’est pour quand on mange la soupe. MushaMusha, ムシャムシャ, c’est pour retranscrire le bruit d’une mastication rapide. En discutant avec une amie de Tokyo, j’apprends que les Japonais sont très inventifs et créatifs en matière d’onomatopées, les Giseigo, ぎせいご. Ainsi, la grenouille fait Kero Kero, けろけろ, le canard GaaGaa, がーがー, l’abeille BunBun, ブンブン. Dans un autre registre, je découvre que le bruit de la pluie qui tombe est PotsuPotsu,ぽつぽつ, celui du cœur qui palpite fort est DokiDoki, どきどき et que la sensation de douceur s’exprime avec ZaraZara, さらさら. Quant au son MoshiMoshi, もしもし, qui correspond à notre allô !au téléphone, j’apprends qu’il provient de Moosu, もうす. Ce mot signifiait parler dans l’ancien temps du shogunat, c’est à dire du gouvernement militaire qui dirigea le Japon, de la fin du 12e siècle à la révolution de l’ère Meiji, en 1868, qui marqua le début d’une politique de modernisation du Japon. C’est à partir de cette époque que les Japonais commencèrent à manger du rāmen, puisque le recette fut inspirée de la cuisine chinoise – le mot rāmen est emprunté au mot lāmiàn en mandarin, 拉面 – et importée de Chine à la fin du 19e siècle.

(… à suivre)

Retour au Japon – L’arbre sacré 日本 #7

« Bienvenue au parc Ueno. Veuillez ne pas utiliser de feu dans le parc. Ne nourrissez pas les animaux. Merci d’emporter vos déchets avec vous. »

Pendant que les hauts parleurs du parc diffusent leur message de sécurité destinés aux visiteurs, je découvre une femme qui médite près d’un arbre immense, à deux pas de la pagode à cinq étages du temple bouddhique Kaneiji. Elle s’est assise sur un espace de méditation conçu – en 2022 – en bois de gingko par l’architecte Hiroshi Nakamura. Vingt-cinq mètres de haut, un tronc d’environ huit mètres de circonférence, ce camphrier est âgé de plus de six siècles. Il était là, paraît-il, avant la construction du temple, qui fut le plus grand lieu de culte bouddhique du Japon. Seuls son bâtiment principal et la pagode ont survécu à des incendies et aux bombes de la Seconde Guerre Mondiale.

(… à suivre)

Retour au Japon – Emas 日本 #6

« S’incliner deux fois profondément et respectueusement. Frapper deux fois dans ses mains. S’incliner à nouveau une fois profondément et respectueusement. Enfin, s’incliner légèrement une fois avant de partir. »

Ainsi sont venues prier deux jeunes femmes, adeptes du shinto, la plus ancienne religion du Japon, devant la porte Karamon du sanctuaire Toshogu, dans le parc Ueno. Après s’être recueillies, elles sont allées se choisir une ema, えま, au kiosque du sanctuaire. Une ema est une petite tablette en bois, une offrande votive. Traditionnellement, les visiteurs des sites shintos y écrivent leurs vœux : bonne santé pour la famille, résolutions du Nouvel An, prières pour la réussite aux examens, c’est au choix. Ensuite, ils les accrochent à un support spécial, en espérant que leurs vœux seront exaucés. Dans l’allée qui mène au sanctuaire, une ribambelle de emas sont suspendues et alignées dans de longs présentoirs. Toutes ne portent pas des vœux en japonais…

Les adeptes du shinto vénèrent les kamis, かみ. Ce sont des esprits liés à des forces naturelles comme le vent, les rivières et les montagnes. Je me prends à rêver de rencontrer les kamis du Mont Fuji…

(… à suivre)

Retour au Japon – Gym en plein air 日本 #5

Sur une large esplanade du Parc Ueno, j’aperçois un groupe de gens en rang d’oignon, en pleine séance de gymnastique. Rythmée par une petite musique qui sort d’un baffle portatif, la voix d’un homme semble réciter des mantras. Je ne reconnais pas la sonorité du japonais. Pardi ! C’est du chinois. Toutes et tous sont des adeptes du Falun Dafa, ou Falun Gong. Ce mouvement est né en Chine. Il mescle le bouddhisme, le taoïsme et le Qi Gong chinois et met l’accent sur la méditation et la pratique de mouvements lents et souples. Face à moi, la plupart des pratiquants semblent avoir dépassé la soixantaine. Le côté austère de leur ballet m’évoque un peu la discipline militaire. Les visages sont fermés, tristounets. Rien à voir avec l’allure harmonieuse des pratiquants du Taichi en plein air rencontrés il y a quelques années en Chine. Et encore moins avec les joyeux balètis improvisés des dimanches après-midi dans les parcs de Shanghai, sur de la musique latino.

(à suivre)