Elle te dit

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Doigts glacés
yeux caramel
elle te dit qu’elle vit du côté de la mort
du côté de tous ceux
pour qui le ciel un jour s’est obscurci
elle dit que sa vie
ne pèse pas plus
qu’à l’aube, la griffure d’un moineau
sur la terre gelée des parcs et des jardins
elle dit que nos vies éparpillées
s’enfoncent à petits pas
chaque jour un peu plus
vers le silence éclaboussé de villes rasées
de rues vidées de leur sang
de maisons débarrassées de leur chair
de femmes, d’hommes et d’enfants dévastés

elle dit que pourtant
alors qu’approche le chaos
plus personne ne crie
nulle part
elle dit aussi que malgré l’horreur
nulle part où aller hurler et puiser une espérance

sans voix tu regardes ses lèvres pourpre
souffler vers toi chaque syllabe
à la trace tu suis ses mots
traverser son âme
danser sur ses dents enfantines
et percer ton cœur bouillant
tu en accompagnes chaque volute
consumé de chagrin

tu voudrais à présent réchauffer ses doigts
goûter au suc de ses yeux
la ramener vers la vie qui bat
de l’autre côté des sables du temps

Cette photo, « Les sables du temps » est signée Romain Veillon.
Elle vous attend parmi des dizaines d’autres exposées jusqu’au 18 décembre grâce au Musée de la Poste, à l’Espace Niemeyer à Paris. L’expo s’intitule « Temps suspendu ».

Ta petite pièce

Tu rentres en métro
tu as chaud
tu dormiras au chaud
tu as regardé du beau aujourd’hui :
Vincent Van Gogh

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Frédéric Bazille

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ce beau traverse le temps
il imprime les siècles
il respire l’éternité
ce beau imprègne l’humanité

tu as chaud au cœur, donc
et voilà que tu lèves la tête vers l’homme
qui te tourne le dos dans le métro
et qui va te tendre la main

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cet homme aura froid cette nuit
il dormira dehors
et la pièce de deux euros que tu lui tends ne suffira pas
à apaiser sa faim de chaud, de beau et d’humanité.

Alep crie fort

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Il a été blessé à la tête dans les bombardements
mais il ne le montre pas
250.000 personnes, dont 20.000 enfants en bas âge, risquent de mourir de faim
à Alep-est dont il est le maire
mais il ne pleure pas
sa ville brûle,
plus un seul de ses 7 hôpitaux bombardés fonctionne
mais il ne hurle pas
La Russie et la Chine ont dit non
à des pourparlers sur la Syrie
mais il ne s’énerve pas
il dit que si le conseil de sécurité reste les bras croisés
ce sera un permis de tuer

ce que réclame Brita Hagi Hasan
d’une voix calme et ferme
c’est que nous autres citoyens
envoyions des messages à notre président,
descendions dans les rues,
organisions des manifestations

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Brita Hagi Hasan est venu nous parler d’Alep hier-soir
en mairie du 2ème arrondissement de Paris
nous étions quelques poignées de femmes et d’hommes
oui, à peine quelques poignées

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dont Jean-François Bernardini
le chanteur corse d’I Muvrini
le militant de la paix et de la non-violence
auteur de « Alep s’endort » chanté vendredi dernier
au Zénith de Paris

au-delà du sublime de cette chanson
reste en moi un profond sentiment de honte et d’impuissance
méme si de nombreuses associations appellent à manifester
en solidarité avec la population d’Alep
ce samedi 10 décembre
partout en France
c’est le moins que nous puissions faire, avouons-le
en regardant Alep mourir.

Nos chemins se rejoignent

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Au cœur du crépuscule –
la lune s’égare,
nos chemins se rejoignent.

J’offre ce haïku à Thomas Pesquet
ses tweets poétiques me font tellement rêver

La romance des amants papillon

Il connaît ses classiques
le flûtiste de rue

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les amants papillon
c’est l’air qui joue sur sa longue flûte
et qui s’échappe de l’ampli à l’abri dans son sac
les amants papillon
une légende chinoise issue de la dynastie Jin
une sorte de Roméo et Juliette de là-bas
l’histoire d’amants désespérés
Zhu Yingtai et Liang Shanbo
plutôt que d’être séparés
ils préfèrent mourir
la légende raconte qu’après leur mort
deux papillons se sont envolés vers l’infini
ce « tube » de la culture chinoise
est décliné en d’innombrables versions
au violon, c’est joli aussi je trouve

Entre femmes

Elles se retrouvent à la nuit tombée
le dimanche
entre femmes
une sono sur le trottoir
et elles dansent
pendant des heures

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des amies ou des copines du quartier sans doute,
ces danseuses du soir
ouvertes aux nouvelles venues
à ces mamans avec enfant qui se joignent au bal
point d’homme sur la piste
ils observent de loin

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ils auraient envie, qui sait
de venir se mêler aux pas légers de ces femmes
et respirer le parfum de liberté
qui glisse autour de leurs corps offerts à la nuit
mais ils ne savent pas se lâcher
peut-être le désirent-ils mais ils n’osent pas
seul le marchand ambulant approche son tricycle et il sourit.

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Jia Jia ne regrette rien

Deux ans que la demoiselle a quitté Dalian
sa ville natale du Liaoning
tout au Nord
pour tenter sa chance dans un autre port
presque au Sud
dans ce Shanghai féroce mais ouvert aux gens et sons du monde entier

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premiers pas de graphiste
et maintenant tatoueuse
Jia Jia a trouvé ici un studio où faire chanter ses aiguilles
sur la peau des accros de tattoos
à 22 ans, patiente et optimiste
elle ne se fout pas du passé
mais ne regrette rien.