Mon père communiste

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En ce 8 mai, peu importe l’oubli de la cédille
sur le ruban de la gerbe de roses et d’œillets
je n’ai pas oublié que mon père communiste
m’expliqua la Résistance
me parla des fusillés
me désigna l’Affiche rouge
m’apprit l’Internationale
me raconta Berlinguer
me lut Bertold Brecht
me montra Picasso
me chanta Jean Ferrat
m’emmena au Père Lachaise
me fit lire l’Huma
avec le marteau et la faucille
et avec la cédille
à Parti Communiste Français

Sans retour

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Cette bouche d’azur
ne la boude pas
passager des horizons bloqués
ne grimace pas à sa vue
saisis la chance qui passe
de la parcourir de tout ton être
de t’y glisser sans retenue
mesure l’infime possible
qu’elle s’offre encore à toi un jour
alors, ose t’enivrer de gris
ose approcher le blanc qui console
et souviens-toi de cette seconde bénie
où disparaît la crainte
des traversées sans retour

Verts de désir

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Sur la vieille jarre ébréchée
se dessinent des monts pelés
des pics imprenables
des parois intouchables
des souvenirs de terre mouillée
façonnée à la main
par quelque derviche devin
qu’importe l’émail craquelé
reste le grain du ventre
sur ce corps rond
gourmand d’eaux et de vins
ce corps caressé de doigts paisibles
la trace de libations et de partages
offerts à pleines paumes
à des amants de passage
amants verts de désir
assoiffés de vertige

Lève la tête

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Lève la tête
enfant de cette terre
envoie tes yeux tout là-haut
le voyage t’emmènera
vers continents nouveaux
avec ses terres d’ombres
et ses mers de lumière
ses peuplades camouflées
ses oiseaux de passage
et toujours en dessous
la bienveillance des arbres
guetteurs patients
témoins paisibles
de notre petitesse
de notre évanescence
sous les cieux infinis

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Cacarinette vole

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Ai failli l’écraser
la petite cacarinette*
elle avançait dans l’herbe
où je trainais mes semelles
me suis penché pour la saluer
le temps de déclencher
s’est envolée la pitchounette
comme quoi, oui, parfois
il y a un Bon Dieu
pour les petites bêtes

Me souviens d’une comptine
la chantions à la maternelle :

Cacarinette vole,
ton père est à l’école,
ta mère va mourir,
va vite la secourir

elle ne m’a jamais fait sourire

*cacarinette, c’est ainsi que chez moi on appelle les coccinelles

Traces vives

bouleau

Le jeune bouleau
désire le monde
et ses traces vives
ose l’embrasser
frotter tes lèvres à sa peau
si douce et rose dedans
te tatouer de sa sève
emplis-toi de l’élan
offert pour des siècles
respire et jouis de tous tes pores
sans peur de blesser
sans craindre la chute
ose et ose longtemps

Miette de vie

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Ne fais pas les gros yeux
ne te cache plus
je t’ai démasquée
ose te montrer toute nue
vis à découvert
lâche-toi en pleine lumière
assez paressé dans l’ombre
ne crains rien
ne fuis pas la chute
n’oublie pas
finiras coincée entre quatre planches
ou aspirée par des poussières de soleil
miette de vie

Tempus fugit

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Une vie de lézard
ce serait quoi ?
jouir au soleil, peu importe l’heure
retourner s’allonger au temps des Romains
une respiration simple
un corps gracile
des pattes lestes
sans autre vertige que celui de l’instant

une vie de lézard
ce serait aussi
sans pensées ni calcul
retrouver
l’art de la fugue à volonté
à l’ombre des cadrans
la recherche des failles
l’adoration des fissures
le culte des cachettes
les plaisirs de l’obscur

une vie de lézard
ce serait un peu comme
nous rêverions nos vies
si nous pouvions l’espace d’un instant
oublier le temps qui s’enfuit