Supplique aux morts et Violoncelle

https://soundcloud.com/ericschulthess/supplique-aux-morts-et-1

Parler aux morts. S’adresser aux disparus. Leur écrire. Leur dire qu’ils existent toujours. Leur faire savoir qu’il en sera ainsi tant que nous vivrons. Tant que nous saurons les chérir de mots et de pensées belles. Leur rappeler que tant que persistera cette ombre chinoise par eux projetée sur nos murs, sur nos peaux, sur l’immensité de nos nuits intérieures, ils continueront de vivre. Ils seront là. À nos côtés. Découpés de lumière au fond de notre obscurité. Isabelle Parienté-Butterlin est l’auteur de cette sublime Supplique aux Morts. La onzième qu’elle écrit et publie sur son blog Au bord des mondes. À chacune d’entre elles, je suis bouleversé. Ses mots sonnent avec une telle justesse. Une telle poésie. Une telle puissance aussi, teintée de douceur et de désespérance. Ces Suppliques résonnent en moi au plus profond car comme Isabelle, je suis saisi au quotidien par ce paradoxe. Comme les jours anciens, nos disparus ne reviendront plus et pourtant les voilà qui continuent de vivre en nous, de nous frôler, par la grâce des mots que nous leur adressons depuis notre nuit intérieure en convoquant leur souvenir. Cette onzième Supplique, j’ai désiré la lire à voix haute et la mêler à l’un des morceaux de musique que je préfère. Vous aurez sans doute reconnu le Prélude de la 4ème Suite pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach, joué par Mstislav Rostropovitch. Bach, Rostropovitch. Souvenir d’eux aussi, lumineux et précis dans la nuit intérieure qui nous englobe.

Supplique aux Morts 11

« Froissement de vous, des souvenirs de vous, frôlements de vous dans la nuit intérieure, frôlement de vous, froissement, dans cette nuit intérieure que nous portons en nous, qui pas un instant ne nous quitte, même en plein vent, plein soleil, il reste, il demeure un repli, un recoin

de nuit intérieure

dans notre pupille, froissements de vous, un tissu qu’on froisse, un crissement, qu’on n’entend pas dans le monde, froissements de vous, et le monde passe, et s’étire, et nous : repli de nous,

dans la nuit intérieure où nous connaissons,

de nous les angoisses, de nous les impossibles, de nous les replis, ce qui nous empêche, nous retient, nous englue, bitume de nous, dans la nuit intérieure, qui nous enveloppe, ruban de Mœbius, de nous se retournant sur nous, nous engluant

et le souvenir de vous, lumineux et précis dans la nuit intérieure qui nous englobe

ombre chinoise du bonheur de vous, qui fut, qui s’enfuit, ombre chinoise et découpée, sur la nuit intérieure de nous, nous engloutis dans la nuit intérieure, et vous, silhouettes, se découpant, bordures fines, sur la nuit intérieure

je ne sais pas combien de temps nous surnagerons, j’ai rêvé plusieurs fois qu’elle nous engloutissait, nous surnageons, elle nous engloutit, cela sans fin, engloutissement, de nous, dans la nuit intérieure, nous tentons, de surnager, nous tentons, et elle nous engloutit, et nous descendons, nous nous absorbons

dans cette nuit intérieure sur laquelle vous vous découpez. »

Isabelle Parienté-Butterlin

 

Soudain, de la grêle partout

L’orage n’a duré qu’une poignée de minutes. Suffisamment pour coiffer la ville d’un blanc grêlé qui nous a fait retomber en hiver. Dans le ciel gris sale, j’ai lu comme un écoeurement teinté de vilaine pitié pour ce pays, notre pays, – et notamment ma région – qui se laisse meurtrir sans trop broncher par les assassins d’horizon.

horizon

Cette photo est signée Candice Nguyen. Elle l’a postée sur Twitter dimanche-soir depuis Marseille. Comme moi, elle voyage avec les mots, les sons et les lumières du monde. Je vous recommande son superbe blog. C’est par ici.

Le feuilleton Dylan de François Bon #1

Un enchantement. Comme un cadeau surgi de l’enfance. Bob Dylan suivi pas à pas dans cette Amérique des années 40, depuis Hibbing et ses mines de fer jusqu’à New York et ses promesses. Robert Allen Zimmerman accompagné avec gourmandise par l’écrivain François Bon. Cette merveille de biographie sonore, j’en ai savouré le premier volet comme l’on se laisse aller à déguster un gros gâteau à la crème, avec plein de pépites dedans. La voix de Bob. Les textes de Bob. Les mélodies de Bob et de ceux qui furent à la source de son formidable appétit de devenir artiste, de raconter le monde. Son monde de fils d’immigrés juif dont les parents fuirent les pogroms pour le Minnesota au début du siècle passé. Le passé. Notre passé commun. Comment pousser les bords du monde m’a plongé tout entier dans le  souvenir de ces vinyls de Dylan achetés par mon père pacifiste. J’étais un tout jeune ado marseillais qui grandissait dans l’abhorration de la guerre. De toutes les guerres et donc de la guerre du Vietnam que Dylan dénonçait avec cette vigueur, cette radicalité qui nous saisissait, nous soudait aux côtés des ces Américains-là. Ce feuilleton, je l’ai découvert hier sur le tiers livre, le site que fait vivre François Bon depuis 1997. 15 épisodes il comporte – je vais de ce pas en découvrir le second épisode – ainsi qu’un dossier Bob Dylan. Il fut à l’origine diffusé sur France Culture en 2007. Puis rediffusé en 2011. Si vous vous autorisez à être gourmand comme moi, vous dénicherez dans ce tiers livre – le Tiers État, ça vous parle à vous aussi ? – d’autres feuilletons et bien d’autres nourritures – littéraires notamment – qui font du bien à l’âme, ce qui ne se refuse pas en ce début de printemps pourri par l’abstention et par les aboiements de ces « assassins d’aube » auquel Aimé Césaire nous dit qu' »il n’est pas question de livrer le monde. »

dylanbiofrançoisbon

François Bon est également l’auteur de cette biographie chez Albin Michel.

La Voie Lactée de Moussu Sivan

Revenir aux fondamentaux en ce lundi de tristesse et de colère post-électorales. Jean-Pierre Sivan est atsrophysicien, président du Comité Archimède qui travaille pour la diffusion au plus grand nombre de la culture scientifique dans la région PACA. Je l’avais rencontré à Marseille il y a quelques années alors qu’il était Directeur de l’Observatoire astronomique Marseille-Provence et de l’Observatoire de Haute-Provence. Il m’avait raconté les étoiles en Provençal. Bonheur de regarder avec lui vers le ciel et de se poser à sa juste place.

vangoghvoixlactée

Le ciel étoilé de Vincent Van Gogh.

Si j’étais maire de Marseille

 

C’est Papet Jali, le MC globe trotter raggamuffin vagabond qui chante cette chanson de circonstance. En ce dimanche de premier tour des élections municipales, je l’ai choisie pour sa bonne humeur qui peut inciter à se rendre en chantant vers son bureau de vote. Et puis parce que je partage sa préoccupation de voir « Le FN remplacer le Front Populaire ».  À Marseille et dans nombre d’autres endroits de notre pays. Aujourd’hui – et dimanche prochain itou – surtout ne pas s’abstenir. Ni de chanter. Ni de voter. En n’oubliant pas que comme l’écrivait Aimé Césaire, « Il n’est pas question de livrer le monde – de livrer Marseille – aux assassins d’aube« . Le site de Papet J, c’est par ici.

ivotewewin

Papet Jali – René Mazzarino sur son passeport – est l’auteur de cette chanson, composée avec M. Forestal et 149 Band*, enregistrée au 149 studio par Greg Lampis.
*Le 149 Band :  Drums: Maxime Dormoy à la batterie, Patrice Taboni à la basse, Vinciane Hasnberger au clavier, Alex Ginanneschi à la guitare, Lilian Delhotellerie à la percussion et Greg Lampis au sax.

La Harley du Vallon des Auffes

Marseille. Vallon des Auffes l’autre soir. Une Harley Davidson prend son temps et finit par remonter vers Endoume. Je n’ai jamais mené de moto de ma vie. Si j’en avais l’opportunité, c’est une Harley que je choisirais. Pour le son rond et puissant du moteur. Pour l’évocation des interminables routes américaines qui traversent les USA. Pour le look aussi de ces motards souvent mystérieux et taiseux, accrochés à des guidons hauts comme des grands huit, les bottes posées sur des appui-pieds aussi larges que des passerelles de bateaux.

Les intermittents s’invitent au MUcem

Avec ma fille aînée Noémie, nous nous sommes rendus au MUcem hier après-midi, ce bijou de Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille. La visite a été écourtée par l’irruption de plus d’une centaine d’intermittents du spectacle, de chômeurs et de précaires. Pas eu le temps de découvrir grand chose… Nous leur avons « pardonné », tant nous nous sentons concernés par le fond-même de leurs revendications. La culture n’est pas une marchandise. Et la précarité n’a rien à voir avec la dignité. J’ai tout de même pris le temps de prendre deux photos : un détail de La traversée de la Mer rouge, peint en 1955 par Marc Chagall et ce morceau du Mur de Berlin, le sinistre Mur de la Honte, qui n’a rien à voir avec la Méditerranée mais tant avec notre vieille Europe…

chagallmurberlin

Van Gogh et Artaud à la radio

Extrait de La Dispute, hier-soir sur France Culture, de 21H à 22H. J’ai adoré la fougue et la passion qui portaient le propos de Corinne Rondeau. Elle évoquait Vincent Van Gogh et Antonin Artaud réunis dans une exposition au Musée d’Orsay à Paris, à partir du texte Van Gogh le suicidé de la société, qu’Artaud écrivit en 1947 et autour d’une quarantaine de tableaux de celui dont Artaud disait qu’il était « le plus peintre de tous les peintres« . L’intégralité de l’émission proposée par Arnaud Laporte, c’est par ici.

VanGogh-starry_night

La nuit étoilée (1889)

456px-Van_Gogh_-_Selbstbildnis_mit_verbundenem_OhrAutoportrait à l’oreille coupée (1889)

800px-Japonisme_van_gogh_echantillon

Vincent Van Gogh japoniste.

Le blues du traminot marseillais

Station de tram Noailles. Il est près de 23 heures. Discussion avec cet homme qui porte au visage la trace de lunettes de ski. Il est chauffeur de bus à la Régie des Transports de Marseille. Il est rentré de la montagne la veille et vient de finir sa journée. Dans 4 jours, le premier tour des élections municipales…

delamour

Serait-ce un bon thème de campagne ?

Au monument Arthur Rimbaud, la mémoire fragile des Marseillais

Marseille. Plages du Prado. Une balade au soleil le long de la mer avec Noémie, ma fille aînée. En haut d’une petite butte, le monument dédié à Arthur Rimbaud, venu s’échouer à Marseille, son dernier voyage, et mourir à l’Hôpital de La Conception le 10 novembre 1891. Depuis bientôt un quart de siècle une sculpture de Jean Amado et une stèle en contrebas évoquent le poète et son Bateau ivre. Monument discret, fortin bistre penché vers la mer. Mémoire fragile. Polie comme un ancien galet. Pour combien de temps encore ?

bateauivrerimbaud2