Une coque de bateau comme un tableau. Tant de bleu, tant de coquillages devinés, d’écume gravée et de traces de sang rouillé aussi. Le sang des milliers de migrants morts en mer, des millions de poissons capturés. Rien ne s’efface nulle part de la saloperie du monde. Traces vivaces.
Mar y sol. Nettoyage de printemps. Refaire un semblant de beauté au vieux chalutier fatigué, avant de repartir gagner son pain comme on l’a toujours gagné. Popeye en rouge sur la proue. La vie comme un très vieux cartoon usé pas rigolo.
Retrouver le sud de notre sud, donc. Aglagla. Bien bien froide, Madame Méditerranée toute bleue que chante si joliment Massilia Sound System. Aglagla ? Tant pis. Ce bain, je me le rêvais depuis plus de deux mois. Prendre le temps d’y entrer dans cette mer . La laisser mordre chaque millimètre de gambette et sentir qu’au fil des minutes, de bas en haut, le corps s’accoutume, se fait de plus en plus relax. Ensuite, se lancer. Plonger. Brasser sous la mer sans lambiner. Sentir les tempes se serrer et l’étau se dissiper une fois la tête sortie de l’eau. Reprendre souffle et y retourner. Jusqu’à trembler, chairdepouler, sortir et contempler. Humer. Joie. Sourire.
Plus tard, en bâtissant et décorant de petits châteaux de sable, accueillir le souvenir des baignades de fin d’hiver avec les copains à Marseille. Il n’y avait pas de sable là où nous allions. Rien que des rochers. Nous y grelottions et nous sentions si vivants. Retrouver ces sensations. Le petit moulin de l’enfance ne cesse de tourner.
La beauté, toujours et toujours la rechercher. La dénicher. La partager. Camille Thomas privée de scène mais en tournée dans les musées. Une merveille de merveille. Laisser venir à soi comme une furtive larme de joie.
L’elisir d’amore : Una furtiva lagrima – Donizetti, par Camille Thomas
Dix ans jour pour jour ont passé depuis le 11 mars 2011 et le terrible tsunami qui endeuilla le nord-est du Japon. La ville de Kamaishi pleura près de 900 morts et des milliers de disparus. Deux ans plus tard, en mai 2013, de retour d’un voyage là-bas, j’ai décidé d’écrire En attendant la pluie, un conte dédié à toutes les personnes que j’y ai rencontrées et qui m’ont bouleversé. Ce petit livre publié aux Éditions Parole est bilingue, en français et en japonais. Il mescle deux langues, deux sonorités, deux cultures. En voici les premières phrases, lues par moi même et par Momomi Machida, qui a traduit le livre.
En hommage aux gens de Kamaishi, si dignes et si courageux, j’avais à l’époque avec mes deux jeunes enfants Zoé et Marius, récité et enregistré quelques haïkus des grands maîtres japonais. Leurs voix ont bien changé depuis mais je me souviens de notre émotion commune ce-jour-là.