Trois fois clic clac et puis revient (1) Un oloé

Nous revoilà donc coupés les uns des autres. Pour un mois au moins. À nouveau confinés. Chacun chez soi et la peur du virus pour tous. Au printemps dernier, vous vous souvenez que notre désir de maintenir le lien entre nous s’était raconté en musique. Ensemble, nous avions fait vivre ici au quotidien « Trois petits tours et puis revient ». Nous avions partagé chaque matin des airs et des chansons. À distance mais ensemble, nous les avions découverts et fredonnés. Ce feuilleton sonore fut souvent joyeux. Mélancolique parfois. Poétique et émouvant aussi. Nous nous étions sentis moins seuls au fond de nos confinements. Je nous propose aujourd’hui de prolonger ce chemin commun non plus en sons mais en images et en mots. « Trois fois clic clac et puis revient », ça pourrait s’appeler.

Chaque jour, nous pourrions photographier ce qui nous entoure lors de notre « déplacement bref, dans un rayon maximal d’un kilomètre autour de notre domicile… » Nous pourrions partager ici une, deux ou trois de nos photos, accompagnée(s) d’une légende ou d’un poème, de quelques lignes de notre choix, histoire de faire découvrir aux autres le tout proche environnement de notre lieu de vie confinée et ce qu’il nous inspire.

Je vous propose d’accueillir vos photos et vos textes sur ma boîte mail ( ericschulthess@mac.com) et de les publier ici chaque jour à 8H30.

Allez, en ce premier jour de novembre, j’ouvre la voie de ce deuxième feuilleton et vous espère au rendez-vous demain et chaque jour, aussi longtemps qu’il nous faudra patienter avant de pouvoir à nouveau nous revoir en vrai et nous serrer dans les bras.

Marcher sous le soleil d’octobre. Oublier un instant toute contrainte. Faire fi de ma colère. Respirer profondément. Sourire à l’automne encore tiède et à cet oloé couleur ciel. Une heure, c’est bien court pour se poser ici. Manquerait du temps pour bouger les gambettes. Se promettre de revenir en savourer la quiétude, livre en main, dès que possible. Et pourquoi pas y  faire sonner mon violoncelle un de ces quatre matins…

Photo du haut @ZoéSchulthess

(À demain 8h30…)

Oh Marseille ! Enfin libérée, ne perds pas la mémoire !

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Marseille libérée, oui, après avoir été si longtemps martyrisée. Michèle Rubirola est devenue hier la première femme maire de notre ville d’amour. Alleluia ! La chute du monstre, tweetait Philippe Pujol dimanche dernier pour saluer la victoire de la gauche unie, incarnée par le Printemps Marseillais. À terre, les héritiers du vieux système gaudiniste.
Oui, conformément au choix de ses électeurs, la deuxième ville de France va enfin pouvoir commencer à changer d’ère, à s’offrir de l’air, étouffée, enkystée, emboucanée qu’elle fut depuis au moins vingt cinq ans par le clientélisme et la soumission du pouvoir municipal aux magnats du BTP et de l’immobilier.
Pour donner concrètement à Marseille le nouveau visage et le nouveau souffle auxquels aspire le peuple marseillais, il ne faudra à la nouvelle équipe ni négliger les plus délaissés de ses habitants, ceux des quartiers populaires, ni perdre la mémoire. Surtout ne pas oublier la tragédie de la Rue d’Aubagne et les huit personnes mortes dans l’effondrement de deux immeubles où ils vivaient, dans le quartier de Noailles : elles et ils se prénommaient Niassé, Julien, Simona, Ouloume, Marie-Emmanuelle, Chérif, Fabien et Taher. Le succès de Michèle Rubirola ne les ramènera hélas pas à la vie mais pourvu qu’il permette de leur rendre justice. Sans tarder. Ce n’est qu’à ce prix que la victoire historique du Printemps Marseillais sera aussi leur victoire et permettra d’enterrer définitivement le monstre.

Ma Ville Réveille-toi – Massilia Sound System

 

Farandola dei Bàris – Lo Cor de la Plana

Que la récolte soit belle !

récolte

Butinez
Goûtez
Plongez
Humez
Partagez
Souriez
Tremblez
Donnez
Apprenez
Rêvez
Osez
Jouez
Paressez
Grimpez
Dansez
Caressez
Dégustez
Lisez
Chantez
Écoutez
Partez
Voyagez
Lambinez
Étonnez
Pédalez
Campez
Traversez
Aidez
Écrivez
Aimez
Jouissez !

zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Passez un bel été !

 

Gigue de la Suite 3 pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach, par Ophélie Gaillard

Ema, en mode impromptu

ema

Avant de m’en aller vers quelque jachère estivale, écrire ma profonde reconnaissance à Ema.
Une année que cette musicienne accepta, par la grâce d’une rencontre inattendue, de me guider vers la découverte du violoncelle.
Vers l’accomplissement d’un rêve de jeunesse.
Elle arriva un beau matin avec son Mirecourt, me le tendit puis l’installa contre moi.
Ensuite, elle plaça l’archet au creux de ma main et me laissa commencer à tenter de faire vibrer les cordes.
Une à une.
De la plus grave à la plus aigüe.
Elles sonnèrent un petit peu.
Jusque dans ma poitrine et dans mon ventre.
Ema sourit avec douceur.
Je fus bouleversé de cette confiance et de ce partage impromptu.
Cette émotion reste et restera gravée en moi.
Depuis cette petite heure de rêve, le violoncelle m’accompagne chaque jour.
Gratitude immense à Ema pour ce si beau cadeau de la vie.

 

Impromptu – Franz Schubert (indulgence requise…)

 

Orage et un espoir

éclair

 

Comme l’autre jour avec les hirondelles, il m’a fallu être très patient pour réussir à capter l’un des éclairs qui ont zébré le ciel de la ville. Cette photo a nourri en moi l’espoir de gros orages. Pas de ceux qui tuent mais de ceux qui me laissent tremblant derrière la vitre, en me souvenant des délicieux coups de tabac d’autrefois, l’été à la campagne, lorsque la maison vibrait et avec elle toute la rue, tout le village.

 

Marseillais, Stop ou encore ?

marsVallotton

En ce dimanche d’élections municipales, j’écoute le Printemps de Vivaldi en pensant à Marseille, ma ville d’amour, et je me demande : Stop ou encore ? Les immeubles qui s’écroulent et qui tuent, Stop ou encore ? Les milliers de logements indignes, Stop ou encore ? Les élus marchands de sommeil, Stop ou encore ? Les écoles délabrées, Stop ou encore ? Les piscines en ruine, Stop ou encore ? La misère endémique, Stop ou encore ? Les quartiers populaires abandonnés, Stop ou encore ? Les rues privatisées, Stop ou encore ? Les transports en commun négligés, Stop ou encore ? Les pistes cyclables galvaudées, Stop ou encore ? La saleté et la pollution à gogo, Stop ou encore ? Les bibliothèques fermées, Stop ou encore ? La ségrégation sociale entretenue, Stop ou encore ? La bétonisation à outrance, Stop ou encore ? L’arrogance et le déni, Stop ou encore ? Marseille maltraitée, Stop ou encore ? Je réponds Stop ! Mille fois Stop ! Et je conjure les Marseillais d’aller en masse jusqu’aux urnes pour dire Stop ! Basta ! Pour qu’ils choisissent de tourner une bonne fois pour toutes la page sur un quart de siècle de désastre entretenu à petit feu. Pour qu’ils décident de faire prendre à leur ville, notre ville, le virage vers une vie plus douce, un quotidien plus apaisé, un futur plus serein, à échelle humaine, dans une cité plus durable et plus égalitaire. Le choix me semble limpide. C’est le choix de la dignité. Il est urgent de dire Stop à tous les chapacans, Stop au naufrage en cours et de pousser bien fort dans les urnes le son du Printemps de Vivaldi, pour accompagner jusqu’au Vieux-Port le Printemps Marseillais.

 

Le Printemps, Antonio Vivaldi – version pour trois violoncelles, signée Mau Castillo

Illustration : Marseille, par @Félix Vallotton

Prolonger le délice jusqu’à la mer

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De chacune de ses balades, Nicolas Esse donne à voir une photo, postée sur Twitter, avec deux seuls petits mots pour accompagner : à vélo. Aussitôt, me voilà en Suisse à ses côtés. Il y a souvent un lac, des coteaux, des champs de blé, des mélèzes, des collines et des montagnes avec encore de la neige au sommet. Nous sommes en terrain de beauté. Paisible. Nous montons et descendons. J’imagine l’effort et le plaisir. C’est délicieux. Il y a une dizaine de jours, je trouve ce texte sur son site : Le Tour de rien : Jusqu’à la mer. Tiens tiens, je me dis ! Il est allé jusqu’à la mer ! Pour prolonger le délice, le lire à voix haute.

Le Tour de rien : Jusqu’à la mer

 

Photos @NicolasEsse

Ousmane, es-tu toujours dans la lutte ?

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Qu’est donc devenu Ousmane Dieng ? Je l’avais rencontré au Sénégal il y a quelques années. C’était à Mbour, le port où il avait commencé à travailler comme marin-pêcheur à l’âge de 9 ans. Quelques années plus tard, Ousmane avait quitté sa pirogue pour tenter l’aventure de la lutte professionnelle. Dans l’arène. Pour les trophées et les liasses de francs CFA. Grâce à la lutte sénégalaise, Ousmane, alias Michael Jordan, était devenu un homme respecté de tous dans sa ville. Au fil du temps, les sponsors et les combats s’étaient fait rares. Ousmane avait continué malgré tout à encadrer les jeunes lutteurs. Je ne sais aujourd’hui s’il a continué à leur transmettre sa passion ou s’il est retourné gagner sa vie en mer. J’aimerais beaucoup avoir de ses nouvelles.

En estive et Reclus

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Parfois, c’est vers les chemins de montagne que j’aimerais filer. Je prendrais mon bâton et accompagnerais les vaches et leurs pâtres en estive. Lorsque après des semaines il leur faudrait redescendre, j’écouterais leurs sonnailles s’échapper vers la vallée. Je resterais là-haut et grimperais jusqu’à la trace des glaciers évanouis, ces territoires disparus si joliment racontés par Élisée Reclus.

 

Le Glacier – Élisée Reclus (Histoire d’une montagne – 1875)

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Le silence et je reste coi

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Les mots pour le dire

« L’été venu, lorsque la nuit me happe et m’enveloppe de ses échos, je monte parfois dans mon carrosse de mémoire et je convoque les grenouilles qui saluent derrière le portail rouillé. Je rejoins leurs débats et leurs ébats. Je me demande si leurs têtards sont de la fête. Immergé à leurs côtés, je deviens algue, amibe, racine de roseau, nénuphar. Remonté à la surface, je flotte parmi les graines échappées des fleurs. Je dérive dans l’onde des poissons rouges. Je frôle les herbes courbées sur mon passage. Je m’abreuve de pollen égaré. Je respire le peu de fraîcheur qui s’attarde. Je tremble lorsque se pointe la lune. Je sais qu’elle éclaire encore ce pauvre monde où explosent les thermomètres, où meurent les glaciers, où s’amasse la misère, où s’éternise la violence, où se délabre la justice, où s’effrite l’espérance. Soudain, les grenouilles se taisent. J’écoute le silence et je reste coi. »

 

1er mouvement du Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar, par Jacqueline Du Pré et le Philarmonique de Londres, dirigé par Daniel Barenboim.