
Songes-tu souvent
dans ta robe de reine
aux cris de la mer ?

Songes-tu souvent
dans ta robe de reine
aux cris de la mer ?

Ciel de nos cieux
immense ciel de nos songes
quelle merveille ou quel désastre
t’efforces-tu d’annoncer
jour après jour
lorsque le soleil baisse
et lorsque la mer s’étonne
de recevoir encore tant de mystère

Luz Milagros est une enfant de la ville
l’une des voix de Radio Tarifa
radio associative
lancée il y a une bonne quinzaine d’années
par la municipalité
quinze ans qu’elle anime Los Super 20
les tranches du matin et de l’après-midi
avec un programme musical à la carte
fabriqué en partie au gré des demandes de dédicaces des auditeurs
avec en bonus des informations locales sur les spectacles

comme tous les citoyens natifs de Tarifa
Luz Milagros n’oublie pas qu’elle a grandi juste en face du Maroc
elle se sent concernée tout autant par les musiques du monde
que par l’actualité chaude
comme celle des migrants
des réfugiés
régulièrement accueillis ici
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Luz Milagros ne travaille pas seule
deux journalistes sont sur le pont tous les jours
pour la session d’info de 21 heures
où l’actualité locale, les fêtes populaires et les évènements sportifs trouvent toute leur place
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20 ans que Maria Carmen est bénévole
à la Croix Rouge de Tarifa
chaque matin de 5 heures à 10 heures
elle participe à l’accueil des sans abri
leur propose une douche
un petit-déjeuner
et ils repartent pour une journée d’errance

depuis trois ans et l’arrivée sur les côtes de la ville
de plus de 1.400 migrants
le local de la Croix Rouge s’est équipé pour accueillir dignement
les réfugiés qui font le trajet Maroc – Espagne dans des barques de fortune

serviettes de toilette
duvets
vêtements chauds
robes pour femmes enceintes
layette
couches
jouets

Maria Carmen se souvient que cet hiver
une embarcation a chaviré non-loin des côtes Tarifa le avec 11 personnes à bord
dix ont survécu
dont trois enfants
une autre est morte en mer
son corps a été recueilli par la Guardia Civil
et enterré dans le carré du cimetière de la ville réservé aux disparus en mer

elle raconte aussi que les migrants sont bien traités en Espagne
mieux qu’en France dit-elle
ils restent quelques jours chez nous
le temps de récupérer de leur éprouvante traversée
puis ils partent pour Algeciras
où le plus souvent ils reçoivent des papiers
jamais entendu de propos racistes ici
contrairement à chez vous, ajoute-t-elle

Maria Carmen désire continuer à donner de ses heures
aussi longtemps que des hommes des femmes et des enfants le nécessiteront
qu’ils vivent en Espagne ou qu’ils arrivent d’ailleurs
lorsqu’elle parle de la tragédie des migrants qui meurent en mer,
sa compassion laisse par instants poindre une profonde révolte
elle la masque aussitôt d’un sourire attendri
devant quelques photos-souvenirs de belles rencontres


Descendre à Tarifa
au bout du bout de notre vieille Europe
le plus au sud de tous les bouts du continent
tout en bas de la carte
magique endroit du monde
où deux mers se mélangent

la Méditerranée, paisible et ensoleillée
à gauche en regardant l’horizon

et l’Atlantique, au ciel et aux flots plus tourmentés
de l’autre côté de l’Isla de las Palomas
l’Île des colombes

de Tarifa se touche presque le Maroc
à vol d’oiseau Tanger nous lance
– venez, traversez !

alors que dans l’autre sens
lorsque la mer est calme
accostent de temps en temps des embarcations de fortune
avec hommes femmes et enfants
échappent aux garde-côtes marocains
et entament ici leur exil
dans notre Europe pourtant si peu accueillante
il y a trois ans, plus de 1.400 immigrants avaient été recueillis sur les côtes de Tarifa
demain, rencontre avec une bénévole de la Cruz Roja, qui accueille les réfugiés et les sans-abri de Tarifa

Au fil des journées
à voix basse
échangeons tant de souvenirs

Toujours dit à mes enfants et mes amis
lorsque jouons parfois
au jeu emmener quoi sur une île déserte
que parmi les cinq musiciens que choisirais
Bob Marley prendrait grande et belle place
du coup n’ai pas résisté à l’appel de l’expo
Jamaica Jamaica
proposée par la Philharmonie de Paris
et dédiée à l’histoire de la musique jamaïcaine
unique et universelle
de Marley aux deejays
ai découvert l’empreinte des conflits postcoloniaux
le poids de la foi Rastafari
et la ribambelle de styles créés par les artistes de l’île
des Sound System aux dancehall queens
toute une galaxie fascinante
où brille
éternel
le cher Robert Nesta Marley
l’expo est richement documentée
en objets films documents et musiques à écouter (en ambiance et au casque)
ai concocté une petite bande son
pour rester – et vous inviter – dans l’ambiance de cette merveille d’expo
à visiter jusqu’au 13 août à la Cité de la musique
Jamaica Jamaica – Une bande son

Le chariot musical de Cosmo White

Rastafari et son fils @ Patrick Cariou

Sound System

Costume de scène de Lee Perry, le Salvador Dali du dub
Marley en 1979 au Home Studio du 56 Hope Road @ Adrian Boot

Bientôt l‘offrande juteuse –
pour l’heure,
le pêcher savoure

Jeudi dernier ici même
évoquais aux côtés de l’un des gardiens
l’exposition À pied d’œuvre(s) *
proposée par le Musée de la Monnaie
pour fêter les 40 ans du Centre Pompidou
concept très conceptuel
j’écrivais
le passage de la verticalité propre à la sculpture et au monument à l’horizontalité et à son rapport immédiat au sol … je confirme
déroutante expo
déconcertante
navrante par endroits (éviterai de me moquer)
mais séduisante aussi dès l’entrée
me suis immergé dans cette vidéo contemplative
À la belle étoile
créée par la Suissesse Pipilotti Rist
et projetée à même le sol
elle m’a amusé cette vidéo
et j’ai aimé qu’elle me conduise vers l’œuvre de James Lee Byars
Red Angel of Marseille
autour de mille boules de verre rouge
conçues avec le CIRVA de Marseille *

suis resté longuement autour de ces arabesques élégantes
tracées au sol par une combinaison de sphères
selon l’artiste
la sphère interroge tout, critique tout, est tout
et le rouge représente l’immortalité
ça sonne joli et profond je trouve
une immortalité carmin ou vermillon ou rouge drapeau
je m’y projette volontiers
rendez-vous le 6 mai …

Ci-gît l’espace de Yves Klein m’a laissé perplexe
ai plaint ces pauvres roses désormais enchâssées dans du plastique
les préfère au grand air en bouquets d’espoir ou en pétales séchés au creux des livres

l’Infini de Fabro m’a séduit
avec sa mescle de matériau brut – un câble d’acier
et ses morceaux de noble marbre blanc de Carrare
ignorais tout du mouvement d’avant-garde Arte Povera
je ne pourrai plus le dire

ai marché avec précaution sur les vivre
tracés à la craie par Jochen Gerz – mais fixés par du vernis sur le parquet
cheminer dessus, comme un pied de pieds à l’évanescence de chacune de nos vies

jamais imaginé m’interroger un jour sur le destin du papier toilette
La Chute de Michel Blazy m’a ouvert cette porte
avec ce grand collier tout de rose étalé sur un échiquier
j’avoue que j’ai souri
puis applaudi
en osant une parabole politique d’actualité
et m’en suis allé méditer sur la chute l’échec et les déchets
auxquels sommes in fine
tous un jour ou l’autre condamnés
*À pied d’oeuvre(s), jusqu’au 9 juillet 2017 au Musée de la Monnaie
**Le CIRVA est le Centre international de recherches sur le verre et les arts plastiques

Avais quitté Erri de Luca à Paris
après son passage sur la scène de la Maison de la Poésie
ses mots si puissants pour évoquer son Naples natal
et la tragédie de la Méditerranée transformée en cimetière pour migrants
l’avais remercié pour ses écrits et ses combats en lui offrant mon Marseille rouge sangs
avions posé ensemble devant le regard affectueux du photographe Hervé Boutet
puis chacun avait repris sa route

lui en partance vers le bateau de SOS Méditerranée
moi de retour parmi les miens
les yeux tournés vers ses merveilles de textes
en ce printemps qui laisse monter
dans l’air
chaque jour
le parfum d’un espoir possible
l’amorce d’un changement chez nous
un rêve éveillé de vraie rupture avec le règne du fric tous azimuts
un changement profond qui pourrait nous permettre
de parler à nouveau d’amour de partage de justice de paix de poésie
puis scintiller et rejaillir sur le monde
ce printemps de l’amour retrouvé
Erri l’évoque aussi
dans l’un des trente-sept textes
de son livre Le plus et le moins
Un poids délicieux
ou le souvenir vivace
universel ?
du tout premier baiser
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Photos de ci-haut @ Hervé Boutet