Lui

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Cette blessure à vif
cette trace foncée à fleur d’écorce
raconte un manque d’ailes ou un amour
les deux peut-être

l’arrêt brutal de la lame
signe le remords ou la mort
sans tracer le t final
qui aurait sorti de l’obscurité
la main accrochée au canif

lui
aurait pu aussi se nicher
à côté d’elle
dans pluie
la main n’aurait pas tremblé
légère
pour dessiner les lettres absentes
p
e
juste à côté de la tache noire
gravée telle une larme oblongue

et cette croix griffonnée à la hâte
comme on se signe paupières closes
lorsque le tattoo saigne
lorsque le couperet claque
sur la peau et les os
lorsque le silence n’a plus de lettres
pour dire le définitif

je sais qu’à travers les rameaux s’envole
le cri sourd des arbres blessés
mêlé aux voix des trépassés
offertes pour consoler

 

 

Lecture sur canapé #1

Je n’ai pas toujours aimé lire
minot, ça me barbait, les livres
ceux qui étaient au programme me passaient souvent à cent mille lieues au-dessus de la tête
Stendhal, Flaubert, Balzac, pour ne prendre qu’eux, ne me parlaient pas
ne me concernaient pas
ne m’émouvaient pas
mon père m’obligeait à les lire et je m’y ennuyais profond
je préférais construire des cabanes, y inviter les demoiselles, étudier l’allemand, écouter Bach, aller à la mer ou accompagner mon grand-père à la pêche
je me souviens quand-même de quelques bonheurs de lecture
La complainte de Rutebeuf
Les calligrammes d’Apollinaire
Le Dormeur du val et Les Illuminations de Rimbaud
Paroles de Prévert
les poètes donc avant tout
les nouvelles et les romans sont arrivés plus tard
parce que tous choisis
alors aujourd’hui
j’aime lire
dans le train
au lit
aux toilettes
et surtout, j’aime lire allongé sur le canapé

je ne sais si la vidéo amène un vrai plus par rapport au son seul publié sur ma page Soundcloud
mais je sais que ça m’amuse de parler sur YouTube de livres que j’ai aimés
en commençant par cette découverte forte d’un livre, non pas de poésie mais de combat, dévoré d’un seul trait
Le Bateau-usine de Kobayashi Takiji