Un thé à la menthe sans frontières

affichesmigrantsQuitter le métro station Noailles et juste à la sortie face au marché des Capucins tomber sur cette affiche les frontières tuent oui là-haut dans les Alpes tout près de nous imaginer le calvaire de ces jeunes migrants africains raconté ici être fier de la solidarité des gens de montagne guidés au quotidien par ce que leur dicte leur conscience leurs valeurs leurs principes souvent dans la crainte des gendarmes

vieuxportensuite descendre vers le Vieux-Port là où tout a commencé pour notre Marseille là où ses fondateurs phocéens choisirent de se poser après des jours et des jours de mer les mêmes qui pour construire la ville puisèrent dans l’antique carrière de la Corderie aujourd’hui dévastée endeuillée

accoulespuis aller saluer le clocher de l’Église des Accoules au pied de ce quartier du Panier où je passai les deux premières années de ma vie elle au moins personne ne va la menacer personne ne projette de la couper en morceaux pour vendre le terrain à un promoteur enfin mèfi quand-même Marseille regorge parfois de mauvaises surprises poursuivre la balade à travers les lieux familiers et m’asseoir devant un thé à la menthe dans ce café où je me plais à écouter les gens parler arabe

ne rien comprendre à ce qu’ils disent mais pas grave au contraire en capter les sons savourer les intonations deviner les humeurs les émotions de celles et ceux qui échangent ici en paix devant la même boisson que moi Marseillais comme moi frères et sœurs de la même cité qui n’en finit pas d’être blessée humiliée et de tenter de panser ses plaies comme elle peut

pizzaavant de m’en repartir une petite faim m’arrêter chez Charly où la pizza est une maxi-régalade me souvenir des mots de Jean-Claude Izzo sur le bonheur .

Du désastre de la Corderie aux mots de Marsiho

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Le désastre vécu par l’antique carrière de la Corderie a fait surgir en moi un désir de vengeance pour qu’à jamais les coupables de ce crime contre le patrimoine de Marseille soient expédiés dans les décombres de l’Histoire surgi aussi un rêve de grand tremblement qui ressuscite le site pour que tous ensemble nous puissions repartir pour 2600 ans de mémoire vive vite m’efforcer de chasser cette pulsion vilaine la rayer de ma tête et de mes tripes car le sang et la haine ne lavent jamais aucun forfait je le sais bien chasser ce cauchemar funeste et tenter de me tourner vers le beau vers les mots qui eux enterrent la saloperie du monde et le sauvent ils le peuvent oui ils le peuvent désir profond ici au cœur de notre cité de retrouver l’un de ses fils les plus inspirés les plus poètes l’écrivain André Suarès auteur du formidable Marsiho savourer chaque phrase de ce bijou et lire un extrait à voix haute où trois mots sonnent en écho au désastre meurtre lâcheté et soleil…

« … Sous le ciel d’azur, rire éclatant, il y a dix coins marqués pour le meurtre. Ce sont des places régulières, des trapèzes biscornus qui s’espacent au soleil entre deux ou trois pâtés de grosses maisons. Terrains vagues, lieux de démolitions, ils semblent piqués de décombres, jalonnés pour le crime et lotis au guet-apens. Les pavots du sang doivent pousser sur ces champs arides : ils attendent la saison.
Que le ciel est heureux qui les illumine, qu’il laisse tomber de haut le miel de la lumière sur ces dartres galeuses de la peau d’une ville ! Rien ne ressemble moins au coupe-gorges des ruelles sinistres, dans les vieilles cités à l’ombre des cathédrales. Ici, tout se fait en plein soleil. Quelle merveille dans une ville où comme partout, le style moderne commande l’hypocrisie et la lâcheté.
Au beau milieu de la cité, dans le centre de la ruche, là où grouille la foule, les carrefours prédestinés haussent une large épaule, étirent leurs membres de plâtre gris, et dressent leurs bosses de terre battue. Tantôt plus couverte de gens qu’une charogne de vermine et tantôt déserte comme un cimetière à minuit, la place est un champ clos.
J’en sais une, les lignes courbes, la rue qui fuit, les ruelles qui s’amorcent en serpents et en scorpions, mes murs aveugles d’une part, des murailles trouées en écumoire, de l’autre, tout y appelle le meurtre… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffite

Colère, tristesse et honte

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Comment taire ma colère quand à Marseille brise-roche et tracto-pelles dévastent des vestiges grecs vieux de vingt-six siècles ça se passe dans le quartier de ma jeunesse sur le site de l’antique carrière de la Corderie où les Phocéens fondateurs de la cité venaient s’approvisionner pour construire Massalia

ce carnage patrimonial me révolte tout autant qu’il m’attriste 2600 ans d’histoire démolis pour laisser Vinci construire un immeuble de cent-neuf logements de standing avec la bénédiction du Président de la République de la Ministre de la Culture et du Maire de Marseille que la honte les inonde !

 

Photo de ci-haut @DavidCoquille

La lune, la carrière et les caractères

24734FE7-BB41-4585-8013-D2E2562C1517Presque pleine lune brille tant que nuit fut peu paisible pensé aux nouvelles d’ici accueillies en désordre comme un flot continu d’autant plus violent qu’en fus coupé là-bas du coup ai sorti la machine à trier à élaguer à contenir le plus possible le flux de colère en moi histoire de conserver lucidité sens critique mais sans brider ma capacité à m’indigner ne vais pas dresser la liste de tout ce qui me fait bondir depuis qu’ai retrouvé notre vieux monde serait longue à dresser mais fais le choix de retenir le plus exaspérant le site antique de la Corderie à Marseille menacé par Vinci avec la bénédiction de la Ville ça résiste oui ça résiste beaucoup un combat quotidien des Marseillais pour sauvegarder le site entier il faut le gagner ce combat contre la fabrique du fric contre ce monstre aux dents d’acier c’est un combat pour notre mémoire vive notre dignité de Marseillais d’où que nos ancêtres et nous mêmes soyons arrivés sur le sol de la cité quelle que soit la date du début de l’histoire qui nous lie en profondeur avec la plus ancienne ville de France ne pas lâcher continuer à crier à dénoncer à s’opposer me souviens bien des sorties au cinéma de notre jeunesse descendions par le boulevard de la Corderie pour remonter vers le Breteuil ignorions la carrière mais elle nous entendait passer c’est sûr les vestiges encore enfouis captaient nos pas et nos paroles de fils et filles de Marseille souvenir vivace si on nous avait dit à l’époque nous serions venus nous agenouiller de fierté devant ces trésors les protéger aujourd’hui combat de haute importance et de haute lutte oui mal dormi donc  agité tourné et retourné dans le lit à cause aussi des caractères chinois que j’ai commencé à apprendre la trentaine de verbes que je sais dire que je comprends qui me servent pour échanger un peu et que je désire savoir écrire et lire maintenant la tâche est belle et difficile les mots ont défilé devant mes yeux tandis que de mes doigts dans le clair obscur de la nuit je tentais de répéter l’ordre des traits de chacun en me trompant forcément en mélangeant un peu il me faudra reprendre dans la quiétude du matin sur mon cahier quadrillé répéter répéter encore comme le font toutes celles et tous ceux qui chaque jour font entendre à Marseille que la carrière antique de la Corderie elles, ils y tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.