Papo, c’est mon éléphanteau. Tout nouveau, tout beau. Déniché parmi maintes peluches par mon épouse pour les décos de Noël. Dès que je l’ai vu, je me le suis accaparé. L’éléphant est mon animal préféré. En regardant Papo assis paisiblement sur son fauteuil, je jette vers le néant le souvenir douloureux du jour de mes 7 ans. Depuis tout petit, Dumbo, un éléphant en peluche et bourré de paille m’accompagnait dans la maison. Je lui parlais, le câlinais, lui confiais mes petites misères, le grondais aussi de temps en temps parce que j’aurais bien voulu parfois gronder mes parents mais je n’osais pas. Arrive le jour de mes 7 ans ! L’âge de raison, m’annoncent Papa et Maman. Tu es grand maintenant ! Plus besoin de doudou ! Débarrasse-t’en ! Enfant conciliant j’étais. Ni une ni deux, Dumbo finit dans le poêle à bois. Jeté par ma petite main. Je me souviens de mes pleurs en le regardant s’embraser à toute vitesse et se ratatiner en un petit monticule de cendres. Plus de soixante ans plus tard, Papo me fait entrer dans l’âge de déraison. Et c’est très doux quand un éléphanteau paisible sèche les larmes d’un Papet.
Quand j’étais petit à Marseille, d’avril à octobre, j’allais chaque jour à la mer avec mes copains et nous nous baignions. Nous jouions sur les rochers, nous cherchions des crabes, nous pêchions des gobis ou des bavarelles, et lorsque les épaules nous brûlaient, nous sautions dans les vagues en riant et nous nagions longtemps. Du milieu de l’automne jusqu’aux derniers frimas du printemps, la mer, nous la laissions de côté. Nos jeux se déplaçaient vers les parcs voisins de nos maisons. Lorsque nous longions la Corniche, parfois nous nous arrêtions face au spectacle de quelques vieux qui s’offraient une baignade, qu’il fasse frais ou que le mistral se déchaîne sur la ville. Aujourd’hui, je vais à la mer en toute saison. Hélas pas tous les jours car je n’habite plus au bord de la grande bleue. Mais dès que je m’en approche, je ne résiste pas à ce plaisir. Hier, loin de Marseille, il faisait presque chaud près des palmiers et la mer était froide. Seize degrés, je crois bien. J’ai pris mon temps pour y entrer et j’ai nagé quelques minutes. Ce premier bain de l’année m’a replongé quelques décennies en arrière. Au temps de nos rires et de nos jeux d’enfants.
Ma vie de Papet. Aux côtés de mes deux plus jeunes petits-fils, je revisite le royaume de l’enfance et ça fait beaucoup de bien.
Depuis que Clément et Raphaël sont à la maison, nous avons bien boulégué, joué, promené, rigolé et échangé quelques beaux morceaux de musique. Ils m’ont fait découvrir Le vol du bourdon, de Rimsky-Korsakov. Je leur ai parlé d’Arthur Rubinstein et de son amour pour Chopin.
Le vol du bourdon – Rimsy-Korsakov
Polonaise en La bémol majeur Opus 53 – Frédéric Chopin
Une fois les minots couchés, poursuivre l’enregistrement de mon feuilleton sonore Joseph Ponthus et me replonger dans La Commune au présent, le livre que Ludivine Bantigny consacre aux héroïnes et héros de la Commune de Paris, les célèbres comme les anonymes. L’historienne a choisi de leur parler en leur écrivant des lettres. Très documentées ces lettres. Lyriques parfois, poétiques et poignantes souvent. Voici, à voix haute, comment s’ouvre la toute première de ces lettres, dédiée à Louise Michel, la figure iconique de la Commune.
La Commune au présent, de Ludivine Bantigny, est publié aux Éditions La Découverte
Une coque de bateau comme un tableau. Tant de bleu, tant de coquillages devinés, d’écume gravée et de traces de sang rouillé aussi. Le sang des milliers de migrants morts en mer, des millions de poissons capturés. Rien ne s’efface nulle part de la saloperie du monde. Traces vivaces.
Mar y sol. Nettoyage de printemps. Refaire un semblant de beauté au vieux chalutier fatigué, avant de repartir gagner son pain comme on l’a toujours gagné. Popeye en rouge sur la proue. La vie comme un très vieux cartoon usé pas rigolo.
Retrouver le sud de notre sud, donc. Aglagla. Bien bien froide, Madame Méditerranée toute bleue que chante si joliment Massilia Sound System. Aglagla ? Tant pis. Ce bain, je me le rêvais depuis plus de deux mois. Prendre le temps d’y entrer dans cette mer . La laisser mordre chaque millimètre de gambette et sentir qu’au fil des minutes, de bas en haut, le corps s’accoutume, se fait de plus en plus relax. Ensuite, se lancer. Plonger. Brasser sous la mer sans lambiner. Sentir les tempes se serrer et l’étau se dissiper une fois la tête sortie de l’eau. Reprendre souffle et y retourner. Jusqu’à trembler, chairdepouler, sortir et contempler. Humer. Joie. Sourire.
Plus tard, en bâtissant et décorant de petits châteaux de sable, accueillir le souvenir des baignades de fin d’hiver avec les copains à Marseille. Il n’y avait pas de sable là où nous allions. Rien que des rochers. Nous y grelottions et nous sentions si vivants. Retrouver ces sensations. Le petit moulin de l’enfance ne cesse de tourner.
La beauté, toujours et toujours la rechercher. La dénicher. La partager. Camille Thomas privée de scène mais en tournée dans les musées. Une merveille de merveille. Laisser venir à soi comme une furtive larme de joie.
L’elisir d’amore : Una furtiva lagrima – Donizetti, par Camille Thomas
Comme l’autre jour avec les hirondelles, il m’a fallu être très patient pour réussir à capter l’un des éclairs qui ont zébré le ciel de la ville. Cette photo a nourri en moi l’espoir de gros orages. Pas de ceux qui tuent mais de ceux qui me laissent tremblant derrière la vitre, en me souvenant des délicieux coups de tabac d’autrefois, l’été à la campagne, lorsque la maison vibrait et avec elle toute la rue, tout le village.
Ce fut un après-midi de chance, il y a six ans. Un après-midi de mai aux côtés de mon fils Marius. L’audace de solliciter le conducteur du train. Désirais tant que nous puissions partager son espace de pilotage, le temps d’un court trajet de gare en gare. Ne nommerai pas la ligne. L’avons empruntée tant et tant depuis toutes ces années. Le conducteur a dit oui. Il nous a souri et l’avons suivi dans sa cabine. La suite s’écoute ici
Grâce à ce cheminot, c’est comme si je réalisais ce jour-là un rêve d’enfance. Conduire une locomotive. Depuis, Marius n’est plus un enfant. Puisse sa belle voix grave d’adolescent l’accompagner longtemps sur le chemin où fleuriront ses rêves.
Contribution #21 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a posté Jean-Marc, depuis Marseille : Bella Ciao. Mille fois merci.
(À demain 8h30…)
Les mots pour le dire
« À l’heure de l’angélus hier-soir, j’ai reçu dans ma boite mail un cadeau magnifique, posté par de l’un de mes amis d’enfance, un ami de plus de 50 ans. Il a dédié sa vie à la musique, à la musique improvisée, vous l’écouterez dans un court instant. Chaque année c’est pareil, le premier jour de mai, je pense à mon grand-père, travailleur de toute une vie, mon pépé ouvrier agricole. Je réentends le merle que j’imaginais l’accompagnant sur le chemin du retour des vignes, des plants de tomates, des sillons à patates, des arbres fruitiers. Me revient l’odeur de sa chemise. Pépé sentait la sueur et la terre et le bois et l’herbe, Il sentait la force de travail louée jour après jour. Le merle, je suis sûr qu’avec Mémé il aimait l’écouter, de mai à avril et d’avril à mai, et même le premier… »
Premier Premier Mai de ma vie à Paris
pas pu m’empêcher de lancer ma mémoire vers Marseille alors que l’air se chargeait de nuages toxiques là-bas en tête de cortège
en cheminant vers la Place d’Italie
ne savais ne savions rien encore de ces relents puants, fascisants
rien de cette violence sourde en train de blesser le Paris des travailleurs, d’humilier le Paris des luttes et de la fête, de mettre en colère Paris du Front Populaire et de la Libération
Premier Premier Mai de ma vie à Paris
parmi frères et sœurs à l’accent pointu avancer en souriant à la chaleur de mai
en me souvenant que minot c’était sur les épaules de mon père que je défilais entre les Réformés et la Joliette
il y avait des drapeaux rouges des faucilles et des marteaux dessus jaunes d’or
des calicots blancs avec slogans clairs Paix au Vietnam, Liberté pour Angela Davis
je me souviens des banderoles aux lettres rouges sang des cheminots, des postiers, des travailleurs de la réparation navale avec leurs Bleus de Chine
les adultes chantaient l’Internationale
l’ambiance était joyeuse légère
en descendant Canebière des gens applaudissaient ou nous rejoignaient ou se mêlaient au défilé en chantant
ça me plaisait de lever le poing les doigts bien serrés
quelques agents de police nous dévisageaient sous leurs képis blancs
ils transpiraient certains baillaient en regardant leur montre
parvenu sur le Vieux-Port le cortège ralentissait on regardait la mer scintiller et les mats des voiliers se dandiner
Rue de la République je me souviens de l’ombre soudain dans le cou et des slogans qui résonnaient plus fort
je voulais marcher moi aussi me dégourdir les jambes
mon père me faisait descendre maman me prenait par la main
vus d’en bas les drapeaux rouges caressaient le ciel
ça sentait l’iode le poisson mort la mer l’urine et un peu les poubelles aussi
elle me semblait lointaine la place de la Joliette là où le cortège se dispersait
en face des bateaux qui attendaient de reprendre la mer pour Bastia ou Alger
chaque fois j’avais envie d’embarquer moi aussi
et je pensais à mon grand-père corse qui avait passé sa vie à naviguer
à ses Premiers Mai à lui travailleur de la mer parmi les travailleurs sur la terre
et puis il fallait rentrer repartir vers l’autre côté du Vieux-Port retourner au quartier remiser les drapeaux
le visage brûlant de soleil
Premier Premier Mai de ma vie à Paris
ce souvenir d’enfance m’a accompagné hier de Montparnasse jusqu’au carrefour où j’ai rebroussé chemin étouffant soudain dans ce cortège géant bruyant bon enfant ce cortège rempli de colère et de chants et de slogans tonitruants
colère à chaque coin de rue barrée
toutes sans exception
par les hommes bleus géants casqués armés boucliers matraques grenades lacrymogènes LBD
pris dans une nasse géante avons avancé dans l’autre sens alors que circulaient tout à coup sur nos smartphones les images violentes de la répression sauvage en tête de cortège le sang les blessés
les plans affolés sur ce déferlement de coups d’assauts de poursuites de baston de gazages de pavés lancés de cris et de colère mêlés
Premier Premier Mai de ma vie à Paris
ne serai pas allé jusqu’à la Place d’Italie
de retour à l’abri découvrir avec dégoût le mensonge d’État
honteux méprisable haïssable
reconnaître l’odeur affreuse de ces mots dans ma bouche
en détester la râpeuse texture
maudire chacune de leurs consonnes
les recracher avec dégoût
en reconnaître pourtant le poids de colère et de révolte
prendre pitié pour les blessés les cabossés les défigurés les menottés les humiliés
puis repartir les yeux clos vers la lumière joyeuse de mes défilés d’enfance.
En attendant le client abandonner l’étal
laisser de côté légumes tofu poissons épices et bibelots
et se lancer ensemble dans une petite partie de yūmáoqiú 羽毛球 le badminton chinois
une pause récréative
des éclats de rire
quelques minutes d’enfance volées à l’ennui gris du quotidien.
Mémé a cent vingt-trois ans aujourd’hui j’en parle au présent oui elle vit toujours Mémé même si voilà plus d’un quart de siècle qu’elle a rejoint le Paradis dont elle me racontait la beauté et la simplicité née en dix-huit cent quatre-vingt quatorze Mémé Zoé est très croyante ça l’aide à vivre sa vie depuis sa jeunesse perdre un promis parti à la Grande Guerre à vingt ans elle ne s’en est jamais remise heureusement sa foi l’accompagne tout le temps elle pleure beaucoup à la messe Mémé elle renifle en fermant les yeux et en serrant fort ses doigts quand elle récite ses prières je voudrais bien la consoler mais je n’ose pas il y a ses copines juste à côté et puis le curé est en train de parler bon Mémé elle sourit parfois quand je fais des grimaces pour la faire rire à la sortie de la messe au village et puis aussi à la maison lorsque je dis nianiourt au lieu de yaourt en l’imitant parce qu’elle ne sait pas prononcer yaourt comme il faut cette façon de se distinguer vient peut-être de l’enfance quand elle et ses camarades n’avaient pas le droit de parler provençal à l’école interdit la maîtresse se fâchait il fallait parler français sinon coups de règle sur le bout des doigts alors aujourd’hui elle résiste à sa manière nianiourt elle dit comme un pied de nez enfantin à ce passé violent le Provençal elle le parle avec son amie Clara sur le banc en face de la Poste lorsqu’elles se retrouvent l’été je les écoute c’est une langue qui chante qui sonne joli le Provençal Clara elle est devenue institutrice Mémé aurait voulu faire ce métier elle aussi mais elle a dû partir loin du village travailler aux bouchons à La Garde-Freinet juste après le certificat d’études pour aider à nourrir ses frères après la mort du père ensuite elle a fait femme de chambre bonne à tout faire à Aiguines chez des châtelains et puis droguiste à Marseille ça lui plaisait le commerce la droguerie le contact avec les clients à la retraite elle s’est beaucoup occupée de nous ses trois petits enfants succulents ses légumes farcis et sa soupe au pistou j’en garde la saveur intacte tout comme le bleu ciel de son sourire sa voix hélas non je tente de la rappeler à moi en fermant les paupières Mémé est là assise à tricoter devant moi ses lèvres bougent elle me parle de derrière ses lunettes mais je n’entends rien si seulement j’avais pensé à l’enregistrer comme pour Maman sa fille je pourrais l’écouter à volonté n’empêche je la vois très nettement souffler ses cent vingt-trois bougies et entamer sa portion de gâteau avant d’aller se poser un peu sur le fauteuil dans sa chambre lire quatre pages de son roman puis siester le visage paisible rêver peut-être à Bauduen son cher village natal et à son promis rejoint au Paradis.
Toujours pareil lorsqu’arrive l’été
filer dès que possible tout près des vagues
respirer
se laisser terrasser par la chaleur
et lui faire un pied de nez près des galets
en disparaissant sous le bleu
une fois en dessous
se souvenir des étés d’enfance
passés à cuire sur les rochers
et à plonger
souvent
vers le fond
là où se promenaient encore crabes et poissons
toujours pareil lorsque filent les saisons
se réfugier sur un coin de passé
et mesurer que rien n’a vraiment changé
malgré les plongeons vers le fond dépeuplé
Ne sais comment ni pourquoi
a atterri dans ma boîte mail Pif le Chien
l’ai accueilli en souriant
et le remerciant
de raviver bons souvenirs d’enfant
me rappelle Hercule Brutos et Krapulax Pifou aussi
c’était dans l’Huma
puis Vaillant puis Pif Gadget
réentends le langage sommaire
des personnages d’Arnal
les glop glop
et les pas glop du héros
me souviens des gadgets
très « farces et attrapes »
j’adorais les pois sauteurs
et leur petite boîte en plastique
sans doute les ancêtres magiques
du résolument insoumis et moderne Holopif
Ce texte est ma contribution – il y en a 11 autres à ce jour sur le tiers livre – à la quatrième proposition de François Bon dans son atelier d’écriture en ligne sur le thème du lieu. Une contrainte proposée : se passer radicalement du je pour raconter un lieu public. Écrire un texte de coulisses. Comme pour mes trois précédentes contributions sur ce thème, le seul point-virgule ponctue ce texte jusqu’au point final. Je ne m’en lasse pas. Bienvenue aux brasde Pépé.
Pépé te l’avait promis ; maintenant que tu es grand, on peut monter les voir de près à la nuit ; en grimpant dans le trolley il tire sur sa P4 et t’asperge en riant d’une fumée blanche qui te fait tousser ; les gens rigolent avec lui ; on les connaît presque tous les passagers du 63 ; des gens du quartier ; des employés de bureau en costume clair et cravate ; des veuves à chapeau noir et sac à main sur les genoux ; des retraités à casquette ; des boulistes à chaussures de toile blanche et à casquette aussi ; on les croise tous les jours chez le poissonnier ou au bar tabac du Terminus ou chez Bec le marchand de bonbons ; le poinçonneur de billets aussi on le connaît bien ; il fait presque toujours le 63 ; assis vers l’arrière dans sa mini cabine ; ils discutent souvent ensemble avec Pépé ; aurait voulu devenir cheminot mais a loupé le concours ; s’est rabattu sur traminot ; Pépé lui il voulait être capitaine au long cours pour naviguer jusqu’en Amérique ; depuis la Suisse c’était compliqué alors il a fait charbonnier puis conducteur de rouleaux compresseurs puis métayer ; et toi tu rêves de conduire des locomotives et c’est pour ça que tu pars à la gare avec Pépé ; à pied c’est trop loin ; le 63 et un peu de marche ce sera parfait ; elle te semble riquiqui la rue d’Endoume ; elle tourne beaucoup et s’allonge entre les façades blanches et beiges et grises ; elles renvoient la chaleur de ce dimanche-soir d’été jusque vers les vitres du trolley ; le quartier on dirait un village qui se repose après une journée de cagnard ; les maisons se serrent comme des anchois dans un désordre qui te plaît ; le ciel serpente au-dessus des toits de tuile ; on passe devant l’Impérial ; nous irons bientôt y voir un western promet Pépé ; il paraît que la salle est drôlement grande ; les sièges confortables et les frigolos délicieux à l’entracte ; tu tiens sa main ou plutôt ses gros doigts dans la tienne ; ne les lâches pas jusqu’au terminus cours Jean Balard sur le Vieux Port ; ça sent le beignet frit l’huile de moteur et le poisson mort sur le quai ; c’est pas là qu’il t’emmène pêcher Pépé ; tellement sale la mer ici ; mais cette vue sur le fond du port là-bas entre Saint-Jean et Saint-Nicolas il ne s’en lasse pas ; d’ici on ne voit pas le large ; on le devine ; Pépé il préfère imaginer ; lorsqu’il est sur les rochers et que la rade l’embrasse direct avec cet horizon toujours offert et marqué ça le rend triste ; il s’arrête de parler et tire fort sur sa P4 ; toi tu te sens bien à longer le quai ; tu y promènes souvent ; depuis tout bébé ; tu marches lentement vers les vendeurs de cacahuètes tandis que Pépé se tourne vers les bateaux ; lèves les yeux vers les gabians qui crient au-dessus de ta tête ; te demandes s’ils remontent vers la gare eux aussi ; un jour une mouette a cagué sur la chaussure d’un monsieur qui marchait juste devant ; il a juré fort ; en italien il a dit Pépé ; sans t’en rendre compte c’est déjà Canebière ; trottoir de gauche en montant ; encore un peu de marche il te dit en tirant sur sa cigarette ; plus hautes que tout à l’heure elles sont les maisons tu remarques ; en Amérique les immeubles touchent le ciel te répond Pépé en tendant le bras vers les lampadaires verts olive ; les terrasses des cafés se vident ; on s’arrête pour se désaltérer ; orangeade pour toi ; bière pour Pépé ; tu lui souris ; il te cligne de l’œil ; des matelots avec leur bonnet à pompon rouge plaisantent en regardant passer une demoiselle à talons hauts et éventail nacré ; on écoute les vieux messieurs assis à côté ; c’est quelle langue tu demandes ; Pépé ne sait pas ; l’espagnol peut-être ; ou le portugais ; on parle tellement de langues ici il te dit en roulant le r de parle ; les magasins commencent à tirer le rideau ; arrivés au pied du boulevard d’Athènes il reste une belle montée ; allez courage ; tu voudrais un peu les bras mais tu n’oses pas demander ; tu es grand maintenant ; plus l’âge de se faire porter pour un oui ou pour un non ; il fait presque nuit ; ça klaxonne moins qu’en bas ; des ombres traversent le boulevard ; les restaurants arabes sont bondés ; tu n’as pas faim ; plus de gabians au-dessus des fenêtres ; rien qu’un large voile rose orangé lissé de ci de là au sommet des façades ; juste avant d’arriver au pied des escaliers géants tu demandes à faire pipi ; allez ; contre un platane en vitesse ; Pépé te regarde en souriant ; après on compte les marches en s’arrêtant deux fois pour reprendre son souffle ; un deux trois quatre cinq ; pas plus loin que douze ou treize tu peux ; encore trop petit pour aller plus loin ; à l’entrée de la gare tu serres un peu plus fort les doigts de Pépé ; tu grelottes ; un peu d’inquiétude et de peur là dans le ventre ; l’impatience te donne froid ; tu ne sais pas pourquoi ; tu lances ton regard vers les sifflets les cris les paroles embrouillées et toutes ces voix perdues dans le vacarme du grand hall ; vides les premiers quais à main droite ; que l’argenté des rails ; pourvu qu’il en reste un plus loin ; on longe les butoirs désertés jusqu’aux voies là-bas au fond ; mains glacées et cœur qui s’accélère lorsque apparaissent les deux lanternes rouges à l’arrière du wagon de queue ; il est très long le Paris de nuit Pépé te dit ; viens on remonte ; vite ; longeons les voitures aux vitres dorées ; une odeur de graisse et de charbon te rentre par les narines ; bouche ouverte en passant devant le monsieur à casquette et sifflet qui regarde sa montre ; la visière est noire et brillante ; Pépé te prend aux bras ; quelques mètres et on s’approche d’une fumée blanche géante ; elle envahit le quai ; comme les nuages de chaleur qui passent parfois au-dessus de la cour de l’école à la récré quand jouons aux osselets et que soudain le soleil se cache ; regarde comme elle est belle la locomotive il te dit Pépé ; tu ne devines rien d’autre qu’une masse blanche qui respire fort et gémit et vibre ; un cri strident s’en échappe ; il te fait sursauter ; comme un coup de poignard dans la chair chaude de la nuit naissante ; tu voudrais traverser la fumée géante et toucher la machine ; le sifflet du monsieur à casquette strie l’air et tu disparais ; réfugié dans le cou de Pépé.
Ce texte est ma contribution – parmi vingt et une autres à ce jour – à la troisième proposition de François Bon dans son atelier d’écriture en ligne sur le thème du lieu. Une consigne : raconter un même lieu, un point précis du réel et le faire deux fois. J’ai rédigé ce diptyque en suivant – parce qu’elle m’offre un vrai champ de liberté et d’énergie – la consigne du premier atelier de cette série : le point-virgule comme seul signe de ponctuation. Bienvenue auprès du Pont de la Fausse Monnaie.
Pont de la Fausse Monnaie ; été 1959
descendre vers la mer avec Papa et Maman ; des petits galets t’accueillent au bas des escaliers de pierre usée ; dès la dernière marche franchie ils crissent comme des grosses billes dans un sachet géant que l’on aurait déversé jusqu’à la mer qui t’attend à quelques mètres ; là ; en face ; meubles ils sont ces galets ; tu t’y enfonces un peu avec tes petites sandalettes en plastique blanc pour éviter de t’écorcher les pieds ; le mal aux pieds ce n’est pas bon pour apprendre à nager elle dit Maman ; tu as presque cinq ans ; en levant la tête vers le ciel tu t’arrêtes sur une voûte immense ; massif le pont blanc et gris ; avec des tâches noires qui ressemblent à des plaies cicatrisées ; Papa te raconte l’histoire de contrebandiers jetés de là-haut ; ils tombent côté galets ou côté mer pour échapper à la police ou à d’autres contrebandiers ; Papa ne sait pas bien ; toi tu cherches les traces de sang ; ne trouves que des algues par gros paquets ; sombres ; noirâtres ; peu de vertes ; c’est vers la mer où tu avances qu’il y en a le plus ; elles dégagent un fort parfum d’iode ; tu tiens ta bouée avec tes deux mains ; la mer est à peine agitée ; tu as très envie de te baigner mais tu prends ton temps ; à main droite le chemin monte vers les rochers en longeant un haut mur blanc ; pour l’instant tu n’y a pas droit puisque tu ne sais pas nager ; à gauche le pilier géant qui tombe de la voûte et la prolonge jusqu’à l’amas de galets ; dans ton dos des rangées de bateaux à voile et des garages à canoës ; tu les as aperçus en descendant tout à l’heure ; n’y as presque pas prêté attention ; te languissais de voir la mer ; et là tu les regardes en tournant la tête ; ils attendent la mer eux aussi ; beaucoup de blanc sur les coques des petits voiliers ; quelques bandes de bleu ciel aussi ; pour faire joli ; les canoës sont couleur miel ; il est tôt ; l’air est tiède ; la petite digue en face de toi ; c’est vers là que tu nageras ; tu marches dans la mer en serrant ta bouée d’abord puis en la lâchant au fur et à mesure que tu avances et que tu perds pied ; l’eau est bonne ; très salée ; elle pique un peu les yeux ; de tes lèvres tu frôles la surface ; couleur argent avec ce bleu clair du ciel qui se mélange : Maman te dit c’est bien mon chéri, tu nages bien ; tu agites tes jambes et ne sens plus les galets sous tes pieds ; tu n’as pas peur ;
Pont de la Fausse Monnaie ; hiver 2016
les galets se sont obscurcis ; tu t’y enfonces encore un peu avec tes chaussures de marche ; à chacune de tes promenades c’est pareil qu’avant ; ce bruit de billes qui se cognent ; une forte odeur de pisse mêlée au parfum d’iode ; la paroi qui chute de la voûte est parcourue de flaques d’humidité de haut en bas ; au coin du pilier de gauche les vestiges d’un feu ; du bois calciné et des cendres grises et foncées ; juste à côté un sac de couchage abandonné ; là où s’échouaient les contrebandiers s’installent les sans abri ; les voiliers et les canoës garés derrière un peu plus haut ont pris un coup de vieux ; le blanc est plus mat ; le bleu clair un peu craquelé ; ces bateaux n’ont pas touché la mer depuis combien d’années tu te demandes ; les paquets d’algues traînent toujours près de l’eau ; plus claires il te semble que les algues de l’enfance ; tu marches sur des sacs plastique et des canettes vides ; quelques unes mais c’est déjà beaucoup ; tu te demandes où est passée ta bouée depuis tout ce temps ; aucune trace de sang nulle part ; tu entends le bruit des voitures au-dessus du pont sur la Corniche ; la mer est calme ; trop froide pour se baigner ; et puis maintenant que tu sais nager tu préfères aller sur les rochers en prenant le chemin qui longe le haut mur blanc à main droite ; tu aperçois les graffitis qui le salissent ; l’air est froid ; le soleil est en train de s’en aller vers les îles ; en remontant le chemin tout à l’heure tu surplomberas la petite digue ; après le virage lorsque le chemin redescend vers les rochers tu les verras ces îles que tu rejoignais à la nage avec les copains ; il a fait très beau aujourd’hui et la lumière teinte de rose tout ce qui s’offre à elle ; Maman est partie ; tu n’as toujours pas peur car elle continue de te regarder et de te parler.
Ce texte est ma contribution à la deuxième proposition de François Bon dans son atelier d’écriture en ligne sur le thème du lieu. Le mouvement, mais sans verbe. Une consigne : pas de verbe, donc, usage de l’infinitif et du participe présent, verbe conjugué réservé aux propositions relatives ou complément. Pour le plaisir, j’y ai ajouté la consigne du premier atelier de cette série : un seul signe de ponctuation : le point-virgule. Bienvenue dans ma Descente au Verdon.
La place aux marronniers ; aux trois-quarts revêtue de sable ocre et de terre fine pour les parties de pétanque ; l’autre quart goudronné menant aux rues du village cul-de-sac en longeant l’immense façade blanche large et haute comme un fronton de pelote ; les hirondelles à fleur de poussière, le long des maisons et jusqu’aux toits aux tuiles brûlantes ; en contrebas de la place la route des aller-retours vers l’ailleurs ; les arrivées dans la petite fourgonnette Renault Alouette depuis Aups via Brignoles ; plus grand l’autobus au départ de Marseille en juillet ; à présent une descente à pied vers le Verdon après la sieste ; notre balade préférée en été ; sur nos têtes les bérets chapeaux de cow-boys casquettes blanches au liseré brun pâle de sueur larges coiffes de paille avec rubans lavande pour les dames et mon petit couvre-chef en feutre vert comme celui de Peter Pan ; le goudron ébène fondu collant aux semelles des sandalettes ; les amandiers calligraphes avec quelques points sombres sur les branches sveltes ; les rares amandes encore accrochées épargnées par la cueillette ; tête tantôt bien droite vers les vergers et les champs en jachère tantôt baissée vers les chaussures car la pente raide et parsemée de gravier par endroits sur la petite route toute en lacets ; le souvenir des chutes plus jeune ; tout petit garçon ; la trace encore vivace aux genoux ; après deux trois virages le regard tendu vers le mas de Tante Berthe en direction des Basses-Alpes ; sa peau traversée de rides douces avec un duvet d’adolescente au menton ; le sourire tendre et quelques dents absentes près des canines ; sa chèvre trainée depuis la cave jusqu’au pré nourricier ; absente peut-être à cette heure ou encore à la sieste car levée si tôt en toute saison ; passé le mas les chênes truffiers de Mémé ; discrets et feuillus ; déjà la soif au gosier et la gourde en fer blanc, cabossée tirée du sac à dos avec les écussons de tissu cousus sur les poches latérales ; la Savoie les Landes la Corse ; et le préféré de Maman l’Edelweiss ; petites gorgées d’eau à peine tiède ; à l’économie la halte courte avec copains et parents ; point d’ombre pour un semblant de fraicheur ; point de voitures non-plus ; point de attention ! hurlé par Mémé à l’entrée d’un virage ; toutes au garage à cette heure-ci les rares voitures du village ; et aucun estranger pour se hasarder tout là-haut dans ce bourg perdu posé au pied de ses rochers comme un décor de crèche ; des sauterelles en folie dans les buissons secs de chaque côté de la route ; parfois une abeille affolée au ras du visage ; ou peut-être une guêpe ; le chant des cigales en bruit de fond ; tellement installé de l’aube au coucher que presque absent du présent ; bientôt le carrefour à la fontaine ; en approche un croisement au nom oublié ; côté mer – car devinée et au loin à une centaine de kilomètres – les larges champs maraîchers sur la fertile terre en bord de Verdon ; patates poireaux courgettes ; pas de souvenir de tomates ici ; côté montagnes – car visibles au-dessus des futaies grises et blanches et déjà hautes – les petits chemins menant à la rivière terminus de la promenade ; précisément sur les galets bouillants ; les affaires jetées à la hâte et les jambes déjà dansant parmi les remous ; de l’eau jusqu’aux chevilles puis jusqu’aux genoux ; la baignade teintée de cris de joie et de peur mêlées devant les tourbillons en attente du faux pas ; et les yeux perdus de plaisir dans le flot bleu azur bruyant et glacé jusque vers la Durance .
L’homme est resté un bon quart d’heure à regarder le merle chercher sa pitance sur l’herbe, parmi les feuilles. Je les ai observés tous deux. L’un amusé et replongé en enfance. L’autre amusé aussi peut-être et sans doute en attente d’une miette de pain ou de gâteau. Ensuite, me suis approché de l’homme au merle et avons un peu bavardé. Prendre le temps d’observer les oiseaux. D’échanger avec les humains aussi. De parler de la vie simple et belle. De faire remonter de jolis souvenirs. 2015 a bien commencé.
Jaune bleu. Deux couleurs pour un souvenir d’enfance raconté avec délicatesse et fierté par Christophe Grossi. Son père était ouvrier dans une usine de sous-traitance pour Peugeot & Suisse, quelque part dans l’Enclave, ce territoire qui inclut toutes les communes situées autour des usines Peugeot (Sochaux, Montbéliard, Audincourt, Valentigney, etc…). Christophe Grossi est l’un des auteurs à l’affiche du cru décembre 2014 des Vases Communiquants. Jaune bleu. Titre de ce récit posté ici empreint des multiples saveurs de la mémoire ouvrière. Je l’ai savouré comme un biscuit empli de tendresse. J’ai pensé à l’enfance de mon père, fils d’ouvrier agricole. Je me suis rappelé les ouvriers qui réparaient les bateaux sur les chantiers navals de Marseille. J’ai convoqué le souvenir de toutes ces mains privées de visage par la casse répétée de l’outil industriel de notre pays. Jaune bleu. Une tranche de vie fugace et gravée à jamais dans le coeur d’un fils d’ouvrier. Pour prolonger cette écoute, le site de Christophe Grossi c’est par ici.
Au début du mois de mars dernier, avec mon épouse Chantal, nous avions accompagné Maman sur les lieux heureux de son enfance, Traverse Beau Site, dans le quartier de La Barasse Tubet à Marseille. Ensemble, nous avions approché la maison où elle vécut de 1939 à 1941. Elle était une enfant de 9 ans…
J’ai toujours été très nul au foot. Toujours pris beaucoup plus de plaisir à regarder les matches qu’à y participer. – Pieds carrés, me lançaient mes copains du lycée. Alors je sortais du terrain et me rattrapais au hand ou au basket. Hier avec mes deux petits-fils, j’ai fait gardien de but. La partie fut serrée. Je me suis régalé. Ils ne m’ont pas demandé de quitter la pelouse.
Il paraît que le chant des cigales en énerve plus d’un. Soit. J’avoue que ce chant, moi, il me berce depuis l’enfance. Et il me plaît. Il me manque même lorsque je passe un peu trop de temps loin de mon sud natal. Ma grand-mère provençale me désignait les troncs où l’insecte se laissait aller à sa musique. Cette musique s’accorde avec les plaisirs multiples de l’été. Les grasse-matinées, les petits-déjeuners en terrasse, les promenades dans la pinède, le bain dans les calanques, les siestes après le rosé, les soirées prolongées jusqu’après le crépuscule. Vive le temps des cigales !
Sur ces rochers, j’ai passé mon enfance, d’avril à octobre. M’y suis baigné des milliers de fois. Vivais un peu plus haut dans ce quartier d’Endoume où mes parents emménagèrent après deux années passées au Panier. Les rochers du Petit Nice, les connais par coeur mais à chaque fois que j’y retourne, j’ai l’impression qu’il y a du neuf à découvrir. Je ne reconnais plus les visages de celles et ceux avec lesquels je jouais. Reste cette anse de roche en demi cercle, avec ces algues douces aux pieds. Le bruit de la mer est à peine dérangé par le ronflement des bateaux qui passent au large. Ce qui n’a pas changé non-plus, c’est la présence des petites îles que nous rejoignions à la nage avec les copains et d’où nous contemplions Marseille vue de la mer, ce qui est l’un des plus beaux spectacle du monde.
Bauduen, dans le Haut-Var. Quelques mois qu’elles ne s’étaient pas vues. Simone, 86 ans et Lucette, ma maman, deux ans de moins. Amies fidèles. Se sont retrouvées hier dans ce village qui les réunit depuis l’enfance. Mémoire vivace.
Un rêve d’enfant c’était. Conduire une locomotive. Jamais réalisé. Mais hier, approché de près. En plus, avec mon fils Marius. Quelques minutes aux côtés du conducteur d’un train nous avons passé. Impressionnés par le bruit, l’allure du convoi et la procédure de sécurité qui prévaut. Privilégiés nous fûmes. D’ordinaire, il est interdit aux conducteurs d’accueillir qui que ce soit d’étranger à la SNCF dans leur cabine. Grand merci à Jean* pour nous avoir ouvert sa porte. * Ai modifié le prénom du cheminot hospitalier
Traverse Beau Site hier. Marseille, quartier de La Barasse Tubet. Ma maman désirait retourner sur les lieux heureux de son enfance. Avec ma compagne Chantal, nous l’avons accompagnée revoir la maison où elle vécut de 1939 à 1941. Elle était une enfant de 9 ans…
Je me suis assis tôt hier-matin aux côtés de mon Papa et je l’ai un peu dérangé dans sa lecture. Nous aimons beaucoup discuter ensemble, alors, il a posé son livre. Un essai sur l’histoire des religions. Mon Papa dévore depuis toujours. Quatre livres par semaine, il lit. Je suis fier d’être le fils de ce Papa-là, homme cultivé, très fin, drôle aussi parfois lorsqu’il se prend pour Pavarotti:-) Fier d’être le fils d’un ancien Instituteur de la République. Ce qui faillit ne jamais arriver…
Mon Papa rêvait d’enseigner l’Histoire-Géo. Ce rêve, ma fille aînée Noémie le lui a offert quelques décennies plus tard en devenant professeur de Chinois…
Mon Papa m’a fait découvrir Beethoven, Tchaïkovsky, Chopin entre autres.
– La grande musique, il me disait quand j’étais petit. Avec tout en haut de la liste, Jean-Sébastien Bach
Ce prélude de la 1ère suite pour violoncelle seul de Bach nous évoque notamment le concert improvisé du grand Mstislav Rostropovitch aux premières heures de la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, lorsqu’il alla s’asseoir au pied du mur de la honte…
Cette pluie d’orage sur mon village m’a replongé dans l’enfance. Elle a vivifié le souvenir des orages de la fin août. L’air se faisait moins brûlant et la rentrée des classes approchait. C’était il y a quelques dizaine d’années…
Revisiter les textes de Marcel Pagnol est un enchantement. Revoir hier-soir avec mes enfants « La Gloire de mon Père », le film de Yves Robert, fut un ravissement.
Tout au long du film, des passages du texte de Marcel Pagnol sont prononcés en voix off par le comédien Jean-Pierre Darras.
Avec mes enfants Zoé et Marius, j’ai revu » L’Enfant sauvage « , le chef d’oeuvre de François Truffaut. Près de 30 ans que le cinéaste est parti, mais il m’a suffi de réécouter sa voix pour que remonte à la surface ce sentiment intense que j’éprouvais à chacun de ses films – Jules et Jim, Baisers volés, l’Amour en fuite, Le Dernier métro– : l’Humain est précieux. Il faut en prendre soin. Compliqué, contradictoire, insaisissable mais précieux, l’Humain. Il est urgent de s’en souvenir. Pour qu’il puisse prendre toute sa place – qui doit être la première – l’amour des autres doit trouver la sienne. En commençant par l’amour de ses enfants.