Malou du Panier, une histoire d’amour marseillaise

Il fut un temps, à chacun de mes retours à Marseille, où je déambulais à micro ouvert sur les lieux de ma jeunesse. Pas un jour sans saisir l’occasion de tchatcher avec tel ou telle inconnu.e croisé.e sur mon chemin. Marseille permet ce contact immédiat et cette proximité à savourer dans l’instant car bien souvent éphémère. Bavard et curieux de naissance, je ne me suis pas privé d’échanger, d’écouter les autres se raconter et parfois d’enregistrer cette parole, d’en conserver la trace avant de repartir à la pêche aux mots.

Le temps a filé.

Les traces se sont empilées dans le silence de mon disque dur externe.

Certaines voix captées se sont tues à jamais.

C’est l’une d’entre elles que je désire ressusciter et partager aujourd’hui.

La voix d’une femme extraordinaire.

Elle s’appelait Malou. Marchande de vêtements, elle était. Au Panier, le quartier de ma prime enfance.

Au début du printemps 2006, j’entre dans son magasin, attiré par l’enseigne : À touprix. Malou m’accueille avec gentillesse, nous bavardons un peu et elle accepte de se raconter. Longuement. Ses client.e.s ne sont pas en reste de paroles. En sortant du magasin ce jour-là, j’ignore que je ne reverrai plus jamais Malou. Près de quinze années plus tard, je réussis à retrouver son fils Gilbert. Il me reçoit chez lui. Je lui raconte ma rencontre impromptue avec sa maman. Il accepte lui aussi d’évoquer ses souvenirs à mon micro et de jouer quelques airs pour elle sur son orgue électronique.

Les voici tous deux réunis, huit ans jour pour jour après la disparition de Malou, le 15 août 2013.

Sont passés où les cochons noirs ?

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Rien ne m’inspire davantage que ce que j’entends que ce qui surgit impromptu à mes oreilles et que j’écoute en prenant le temps l’automne filant et l’hiver approchant me revient en douceur le désir de ressortir l’enregistreur pour aller capter les sons des alentours pas pu graver le cri des grues avant-hier frustré volaient trop haut mais ces deux cochons noirs croisés au détour d’un chemin dans leur enclos ai gravé leurs grognements il m’ont approché de bon matin le groin humide et gourmand n’ai pas trop su quoi leur dire sinon que je les trouvais beaux dans leur habit soyeux puis m’en suis allé en pensant à leurs petits yeux curieux l’après-midi repassant devant leur champ ils avaient disparu les ai cherché ai guetté leurs pas et leurs voix mais non rien envolés ai soupiré en me souvenant des canards croisés l’hiver dernier non-loin d’ici et plus jamais retrouvés aujourd’hui sans doute hélas transformés en pâté ai campé un moment silencieux devant le grillage puis me suis rentré résolu à continuer au quotidien à avancer serein et décidé sur mon chemin végétarien.