« L’été venu, lorsque la nuit me happe et m’enveloppe de ses échos, je monte parfois dans mon carrosse de mémoire et je convoque les grenouilles qui saluent derrière le portail rouillé. Je rejoins leurs débats et leurs ébats. Je me demande si leurs têtards sont de la fête. Immergé à leurs côtés, je deviens algue, amibe, racine de roseau, nénuphar. Remonté à la surface, je flotte parmi les graines échappées des fleurs. Je dérive dans l’onde des poissons rouges. Je frôle les herbes courbées sur mon passage. Je m’abreuve de pollen égaré. Je respire le peu de fraîcheur qui s’attarde. Je tremble lorsque se pointe la lune. Je sais qu’elle éclaire encore ce pauvre monde où explosent les thermomètres, où meurent les glaciers, où s’amasse la misère, où s’éternise la violence, où se délabre la justice, où s’effrite l’espérance. Soudain, les grenouilles se taisent. J’écoute le silence et je reste coi. »
1er mouvement du Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar, par Jacqueline Du Pré et le Philarmonique de Londres, dirigé par Daniel Barenboim.
Je suis revenu sur nos pas
ce chemin bistre
où nous aimions jouer
c’était joli en été
tu te souviens ?
des coquelicots à foison
poussaient jusqu’à la porte
en apportions au chevrier
s’amusait de nos mains blanches
nous laissait caresser les bêtes sous le toit frais
se moquait de nos grimaces
quand buvions un coup de son vin
partagé à la bota
puis l’abandonnions à ses bêtes
collions nos bras contre les pierres
osions parfois quelques baisers
revienne le temps du vin vert
des murs chauds et du chemin bistre
des grimaces et des coquelicots