François Bon, l’homme qui parle littérature aux ronds-points

La littérature se crie dans les ronds-points, c’est l’aventure singulière menée depuis la mi-septembre par François Bon, parallèlement à son tour de Tours en 80 ronds-points. Inédit voyage sur, dans, autour, depuis les ronds-points de cette ville à laquelle François Bon consacrait en 2006 une série Tours capitale des ronds-points d’art. Passionnante aventure parce que s’y mêlent entre autres littérature, urbanisme, politique, mémoire et performance d’acteur. La philosophie et le protocole de ce projet ronds-points sont exposés ici.

Je ne connais pas Tours. J’ignore sa géographie, son histoire, je n’ai jamais lu que la moitié des auteurs criés, joués, vécus par François Bon. Et encore. N’empêche, je suis captivé par la visite inédite qu’il en propose et par la découverte des autres. Fasciné par ce périple puissant et amoureux de celui qui sur son tierslivre sait m’emmener auprès d’Edgar Poe, de Rabelais et de Rimbaud. La littérature est partout chez elle. Jusqu’au ras du bitume. Elle éclaire. Elle se vit avec le corps. François Bon lui donne aussi une voix qui enchante le tumulte du monde.

La Supplique aux Morts d’Isabelle Parienté-Butterlin

Il est des auteurs dont j’aurais aimé écrire les textes*. Isabelle Parienté-Butterlin est de ceux-là. Accorder mots justes et pensée profonde, qui touchent à cette douloureuse humanité que nous avons en partage, tel est son souffle et son talent. Résonne aussi en moi le son que recèlent ses phrases. Ce tempo. Ce rythme bouleversant. Ces silences. Lire ses textes à voix haute me réconforte. Me maintient debout. M’empêche de laisser la nuit du monde s’introduire en moi. Pour prolonger cette écoute, son site au bord des mondes vous attend ici.

*Je pense à Anna Jouy, François Bon, Serge Marcel Roche, là tout de suite

 

 

Tant de saisons d’enfer avec Rimbaud

https://soundcloud.com/ericschulthess/on-nest-pas-serieux-quand-on-a-dix-sept-ans

Il y a 160 ans, le 20 octobre 1854, naissait Arthur Rimbaud. Mort à Marseille 37 ans plus tard. De loin mon poète préféré, le minot de Charleville. Découvert ses textes à l’adolescence. M’accompagnent depuis. Comme un phare. Comme un pays de mots et de sons ouvert à tant de continents. Dans son Tiers Livre, François Bon raconte que le fac-similé Rimbaud de Une Saison en enfer et de Les Illuminations fait partie des livres qui l’ont fait. Oui, c’est ça, enfants de ce poète nous sommes. Comme Léo Ferré. Comme Stéphane Hessel aussi que je réécoute souvent avec émotion réciter Le Bateau ivre.

Aube

J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route
du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes
se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,
je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu
son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.

Arthur Rimbaud (1854 – 1891)

Berceau des Dieux / Vases communicants / Échange avec Claudine Sales / #vasesco mai

C’est avec émotion que je participe aujourd’hui pour la première fois aux « Vases communicants », beau projet d’échange et de partage initié par Le tiers livre de François Bon et Scriptopolis. Le premier vendredi du mois, chacune et chacun se lance dans un voyage d’écriture sur le blog d’un(e) autre. « Circulation horizontale sur la Toile pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ».
Ces tout premiers vases partagés, nous avons choisi avec Claudine Sales de les remplir ensemble de mer et d’océan. Qu’elle en soit remerciée du fond du coeur.
Claudine Sales est une artiste qui m’émerveille au quotidien. Je côtoie ses dessins sur son blog colorsandpastels . Coloriste hors pair, elle m’emmène voyager vers les plages du Nord, sur les sables du Japon, au bord des baies imaginaires où s’envolent ses rêves. Ses vagues sont douces, ses écumes sensuelles, ses poissons malicieux, ses ciels tourmentés et ses couchers de soleil si puissants que l’on s’y perdrait.

Voici le dessin qu’elle a déposé sur mon carnetdemarseille transformé en vase de mai, accompagné de ce texte :
« Méditerranée. Berceau bleu dans lequel les dieux violents jetèrent au hasard d’âpres rochers vengeurs. J’ai vu du ciel de Grèce les îles et les côtes creusées de cavernes mystérieuses où naquirent ces dieux. Je ne connais pas Marseille. J’imagine en rêvant que des chants rocailleux éclaboussent aux calanques les mêmes souvenirs divins.»

Calanquesfinphoto

Dessin : « Berceau des dieux », d’après l’une de mes photographies de la calanque marseillaise de Sugiton.

Claudine Sales dessine ainsi depuis près de dix ans sur du papier Canson. Elle utilise des pastels Conté, sauf pour le blanc. Là, c’est un Sennelier ou un Schmincke qu’elle choisit.

Grand merci à elle d’accueillir mon texte parmi ses créations dans son vase disposé sur colorsandpastels
Remerciements aussi à Brigitte Célérier pour sa veille attentive et généreuse de nos Vases communicants.
Elle en établit chaque mois la liste des participant(e)s sur la page Rendez-vous des vases.
Grâce à son travail minutieux, nous pourrons voyager vers d’autres vases, d’autres textes et d’autres images.

Le feuilleton Dylan de François Bon #1

Un enchantement. Comme un cadeau surgi de l’enfance. Bob Dylan suivi pas à pas dans cette Amérique des années 40, depuis Hibbing et ses mines de fer jusqu’à New York et ses promesses. Robert Allen Zimmerman accompagné avec gourmandise par l’écrivain François Bon. Cette merveille de biographie sonore, j’en ai savouré le premier volet comme l’on se laisse aller à déguster un gros gâteau à la crème, avec plein de pépites dedans. La voix de Bob. Les textes de Bob. Les mélodies de Bob et de ceux qui furent à la source de son formidable appétit de devenir artiste, de raconter le monde. Son monde de fils d’immigrés juif dont les parents fuirent les pogroms pour le Minnesota au début du siècle passé. Le passé. Notre passé commun. Comment pousser les bords du monde m’a plongé tout entier dans le  souvenir de ces vinyls de Dylan achetés par mon père pacifiste. J’étais un tout jeune ado marseillais qui grandissait dans l’abhorration de la guerre. De toutes les guerres et donc de la guerre du Vietnam que Dylan dénonçait avec cette vigueur, cette radicalité qui nous saisissait, nous soudait aux côtés des ces Américains-là. Ce feuilleton, je l’ai découvert hier sur le tiers livre, le site que fait vivre François Bon depuis 1997. 15 épisodes il comporte – je vais de ce pas en découvrir le second épisode – ainsi qu’un dossier Bob Dylan. Il fut à l’origine diffusé sur France Culture en 2007. Puis rediffusé en 2011. Si vous vous autorisez à être gourmand comme moi, vous dénicherez dans ce tiers livre – le Tiers État, ça vous parle à vous aussi ? – d’autres feuilletons et bien d’autres nourritures – littéraires notamment – qui font du bien à l’âme, ce qui ne se refuse pas en ce début de printemps pourri par l’abstention et par les aboiements de ces « assassins d’aube » auquel Aimé Césaire nous dit qu' »il n’est pas question de livrer le monde. »

dylanbiofrançoisbon

François Bon est également l’auteur de cette biographie chez Albin Michel.