Trois pages japonaises de Richard Brautigan

Le Journal japonais de Richard Brautigan. Découverte douce et sensuelle. Pendant plus de six mois, en 1976, l’écrivain américain découvrit le Japon et se prit d’une immense passion pour l’Empire du soleil levant. L’esprit des maîtres du Haiku hante ce recueil de poésie. J’y navigue souvent. La nuit notamment. Lorsque mes pensées s’envolent vers mes amis laissés au Japon. Pour prolonger cette écoute, découvrir le travail délicat de Margaux Fédensieu, les douze baies rouges.

LEG mannequin japonais

Les fūrin du matin

Le temple Honmonji. Sud de Tokyo. Dans le vent du matin tintent les fūrin, ces petits carillons au son délicat. À leur battant, il est de coutume d’accrocher un petit morceau de papier sur lequel on a écrit un haiku.

« Les fleurs de cerisiers tombées,

le temple appartient

aux branches. »

Yosa Buson


Les fūrin du matin

Le temple Honmonji. Sud de Tokyo. Dans le vent du matin tintent les fūrin, ces petits carillons au son délicat. À leur battant, il est de coutume d’accrocher un petit morceau de papier sur lequel on a écrit un haiku.

« Les fleurs de cerisiers tombées,

le temple appartient

aux branches. »

Yosa Buson


En attendant la fonte des neiges

De l’eau à profusion. Jaillissement brut sur les pierres. Les oiseaux n’osent approcher. La neige décore encore les branches. Guetter la délivrance. Patienter en relisant les haikus des grands maîtres.

« Dans la vieille mare

a coulé une sandale

tombe la neige fondue. »

Buson

« Si tienne est la neige

tu penses, légère elle sera

sur ton chapeau. »

Kikaku

 

neigeJapon neigeoiseau

Concert d’insectes à Kyōto

Lire des haikus chaque jour m’emmène parfois sur la piste de sons qui proviennent de ce Japon où vécurent les grands maîtres. Kyōto, aujourd’hui. Un concert d’insectes qui me fait rêver du retour des cigales.

« Rien ne dit
dans le chant de la cigale
qu’elle est près de sa fin. »

Bashō

Extinction de voies

Se poser. Urgent. Débrancher. Impératif. Écouter la pluie tomber et imaginer le lointain. S’évader au-delà des frontières de ce monde barbare. Sale. Ignoble. Ravaler les adjectifs souillés par tant et tant de salauds. Trop eu envie de crier ces dernières heures. Tueries. Enfants anéantis. Misère galopante. Planète méprisée. Regards détournés au passage de la différence. Égoïsmes à la pelle. Zemmourisation des ondes. Perdu la voix à force de hurler dans ma tête, fracassé par ce spectacle désespérant. Extinction de voies, me semble-t-il. Je deviens défaitiste. Ceci aussi me donne envie de crier. De dégoupiller. D’ouvrir le feu. Extinction de voies. Jusqu’à quand ? Continuer de patienter en écoutant Anoice, le groupe instrumental japonais. Et puis  se remémorer Le cri, le chef d’oeuvre d’Edvard Munch. Relire ce que le peintre norvégien écrivait à propos de son tableau : « J’étais en train de marcher le long de la route avec deux amis – le soleil se couchait – soudain le ciel devint rouge sang – j’ai fait une pause, me sentant épuisé, et me suis appuyé contre la grille – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et de la ville – mes amis ont continué à marcher, et je suis resté là tremblant d’anxiété – et j’ai entendu un cri infini déchirer la Nature. » Réécouter Anoice.

Un plongeon géant chez Katsushika Hokusai, peintre éternel

Plus de deux heures trente d’attente pour toucher des yeux une merveille absolue, l’exposition Hokusai, l’immense peintre japonais. Magie, délicatesse, sensualité, universalité. Les mots manquent pour décrire ce que j’ai ressenti en approchant les oeuvres de celui qui rêvait de vivre jusqu’à 110 ans pour prolonger sa folie du dessin. En tout, plus de 500 pièces exceptionnelles sont exposées au Grand Palais à Paris. Une grande partie de ces oeuvres n’ont encore jamais été présentées hors du Japon. J’ai été saisi d’une douce émotion face aux estampes d’oiseaux, de fleurs, de femmes, et celles de la série Les 36 vues du Mont Fuji, entre autres devant les myhiques Sous la grande vague au large de la côte à Kanagawa et Vent du sud Ciel clair. Ai trouvé sublime la série Voyage au fil des Cascades des différentes provinces. Découvrir en vrai Katsushika Hokusai est un voyage vers le Japon éternel et universel qui incite au recueillement et au chuchotement.

Hokusai chroniqueur de son époque. Hokusai maître du manga. Hokusai amoureux des oiseaux. Hokusai adorateur du Mont Fuji et de la mer. Hokusai dessinateur hors normes. Hokusai quitté à regret lorsque s’est rapprochée l’heure de reprendre le train vers le sud… Peut-être tenterai-je un nouveau plongeon dans son monde merveilleux d’ici au 18 janvier, date de clôture de l’exposition.

IMG_5363

Dispute d’enfants chinois autour d’une partie de go
1787-1793

IMG_5364

Sifflet de la cerise d’hiver
1801-1804

IMG_5369

Dragon volant au dessus du mont Fuji 1849
Pour prolonger le plaisir, Hokusai se visite aussi sur Arte.

Une hirondelle en hiver

https://soundcloud.com/nobutosuda1101/a-swallow-in-winter

Un son d’hiver. Un nom d’oiseau. Alors que depuis deux jours ici dans le sud s’échappe de la buée de nos bouches lorsque nous parlons, j’ai voulu partager cette évocation poétique d’une hirondelle par Nobuto Suda. Le compositeur japonais nous entraîne en douceur dans le proche basculement vers l’hiver. Les hirondelles, elles, ont déjà pris le chemin de l’Afrique. Pour prolonger cette écoute, découvrir la richesse des oiseaux du Japon sur oiseaux.net et se replonger dans la lecture de haikus de grands maîtres japonais, Issa, Buson, Bashō, ou Sôseki

Sur l’aile du vent
Légère et lointaine
L’hirondelle

Natsume Sôseki (1867-1916)

Hirondelledaprès-Kano-Naonobu-Japanese-1607–1650-et-détail

Hirondelle, d’après Kano Naonobu (1607–1650)