Samedi poésie

mer

Soif vive de mer
d’embruns fous et salés
de vagues enamourées
un samedi à voyager
au creux d’yeux encore fiévreux

faim de lentilles
préparées à peine aillées
orange dégustée
l’aurais rêvée sanguine

puis halte longue auprès d’une merveille de mots
ce Poème d’amour et de Pygmésie intérieure
posté chez Les Cosaques des Frontières
par Serge Marcel Roche *
vif plaisir de le lire à voix haute

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me suis replongé aussi
dans les haïkus de Sôseki
en ai dédié trois à Jacques
mon ami trop tôt parti

Remplissez son cercueil
de tous les chrysanthèmes du monde
autant que la terre en peut fleurir

Vent d’hiver
qui précipite dans la mer
le soleil couchant

Un ami s’en est allé
en rêve
la Voie lactée

* Retrouver Serge Marcel Roche aux Éditions Qazaq, sur son blog Chemin tournant et sur Twitter

Illustration de ci-haut @Gustave Le Gray

Les marins perdus de Nikos Kavvadias

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J’ai commencé la nouvelle année comme j’ai achevé 2016
avec en mains Le Quart
l’unique roman du poète et marin grec Nikos Kavvadias
lyrique, sombre, cru et désespéré
Le Quart raconte des histoires d’hommes à la dérive
de fille en fille
de mère en veuve
de port en port
Marseille, Beyrouth, Aden, Cardiff, Calcutta, Port-Saïd
des hommes forçats
comme les personnages de Les Marins perdus, le roman de Jean-Claude Izzo
des marins aux destins liés à ces mers du monde
où peuvent surgir les plus beaux rêves comme les pire cauchemars

Encore un extrait : « … Se réveiller et se trouver dans un pays où l’on vient pour la première fois. On se frotte les yeux, qui sont rougis et fatigués. On voit trouble. Des hommes que l’on n’imaginait pas. On s’attache à eux. À force de les fréquenter, on ne fait plus qu’un avec eux. On s’en va. On se souvient d’eux quand on reste un temps chez soi, à l’heure où l’on se couche pour dormir. Le souvenir n’a de valeur que quand on sait que l’on repartira pour un nouveau voyage. Le pire des reniements, le plus grand désespoir est de jeter l’ancre dans son pays et de vivre de souvenirs … »

Pour prolonger cette lecture, c’est ici .

Liberté pour Aslı Erdoğan

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À Paris, Bordeaux, Nantes, Brest et tant d’autres lieux hier-soir
des femmes et des hommes sont venus crier Liberté pour Aslı Erdoğan
partout a été lue une lettre de l’écrivaine turque
écrite depuis la prison pour femmes d’Istanbul
entre maison de fous et léproserie
où elle est enfermée depuis juillet
accusée de terrorisme
elle risque la prison à vie

hélas pas pu me rendre à l’un de ces rassemblements
alors, en solidarité et en soutien à Aslı Erdoğan
j’ai lu un extrait de Le visiteur matinal
l’une des nouvelles de son recueil Les oiseaux de bois

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À la Maison de la poésie à Paris
la maman de l’écrivaine était là
émue et digne
devant elle, Françoise Nyssen, Présidente d’Actes Sud
a tenu à témoigner
c’est elle qui édite Aslı Erdoğan

Je suis venue vous dire qu’Asli a trouvé sa maison chez Actes Sud,
un abri, un foyer, un recours.
Nous publierons bientôt un texte qui a été interdit jusqu’à aujourd’hui en Turquie,
et nous continuerons de le faire.
Asli est un écrivain – elle a une patrie mais elle est sans patrie ; elle a écrit des livres magnifiques sur Rio et Genève, elle écrit sur la mort, sur la douleur des gens .
Lisez-la, et vous comprendrez qu’elle ne PEUT être une terroriste.

Yigit Bener, ami intime et traducteur d’Aslı a parlé lui aussi

Face à tant d’oppression, il nous reste la dérision.
On m’a toujours dit :  » Ah, mais tu ne ressembles pas à un turc » , à Paris comme en Turquie. Inch’Allah – je souhaite un avenir moins sombre pour tous les écrivains et les journalistes – il nous faut à toute force la solidarité dans le monde et la liberté d’expression en Turquie. Il faut faire, et encore faire, et ne jamais cesser de faire.

Aujourd’hui, Aslı Erdoğan vit avec des problèmes de circulation sanguine
elle souffre d’une infection des poumons, d’une hernie discale et d’hypoglycémie
elle est menottée pour aller à l’hôpital et parfois le médecin n’est même pas là
elle connait la solidarité qui est née en Turquie et dans le monde
ce qui compte énormément pour son moral et dans sa solitude
son audience est prévue pour le 29 décembre

Actes Sud publiera ses chroniques littéraires  – qui lui ont valu d’être arrêtée – en janvier prochain sous le titre Le silence même n’est plus à toi
elles ont été lues hier soir à la Maison de la poésie par Céline, une comédienne turco-française

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Chaque matin sur Twitter, je poste une photo de ciel pour Aslı Erdoğan
comme je le fis il fut un temps avec des fleurs pour l’artiste chinois Ai Weiwei
je continuerai tant qu’elle ne retrouvera pas la liberté

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* Anne Savelli, Mathilde Roux, Joachim Séné, Pierre Cohen-Hadria, dédient une page à sur leur site L’aiR Nu

* Tous les matins à 8 heures, le magazine Diakritik met en ligne un texte par jour, jusqu’à la libération d’Aslı Erdoğan, avec le titre On n’enfermera pas sa voix

 

 

 

 

 

 

La Nuit 65 de Joachim Séné

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J’ai reçu un très joli cadeau
avais commandé une surprise à Joachim Séné
séduit par sa formule magique de Nuit à la demande
hier-matin, la Nuit 65 m’attendait dans la boîte aux lettres
écrite à la main rien que pour moi
enveloppée d’un carton bordeaux
accompagnée d’une photo prise un matin de septembre 2015
au métro Gabriel Péri, ligne 13

cette Nuit 65, l’auteur la publia le 27 septembre 2015 sur son site
n’ai pas résisté au désir de la lire à voix haute
pour prolonger la découverte et tenter d’approcher de près la musique de ses mots

Lecture sur canapé #1

Je n’ai pas toujours aimé lire
minot, ça me barbait, les livres
ceux qui étaient au programme me passaient souvent à cent mille lieues au-dessus de la tête
Stendhal, Flaubert, Balzac, pour ne prendre qu’eux, ne me parlaient pas
ne me concernaient pas
ne m’émouvaient pas
mon père m’obligeait à les lire et je m’y ennuyais profond
je préférais construire des cabanes, y inviter les demoiselles, étudier l’allemand, écouter Bach, aller à la mer ou accompagner mon grand-père à la pêche
je me souviens quand-même de quelques bonheurs de lecture
La complainte de Rutebeuf
Les calligrammes d’Apollinaire
Le Dormeur du val et Les Illuminations de Rimbaud
Paroles de Prévert
les poètes donc avant tout
les nouvelles et les romans sont arrivés plus tard
parce que tous choisis
alors aujourd’hui
j’aime lire
dans le train
au lit
aux toilettes
et surtout, j’aime lire allongé sur le canapé

je ne sais si la vidéo amène un vrai plus par rapport au son seul publié sur ma page Soundcloud
mais je sais que ça m’amuse de parler sur YouTube de livres que j’ai aimés
en commençant par cette découverte forte d’un livre, non pas de poésie mais de combat, dévoré d’un seul trait
Le Bateau-usine de Kobayashi Takiji

Lire Jean-Claude Izzo au rond-point de Callellongue

J’ai franchi le pas. Impressionné et séduit depuis des mois par le projet que mène François Bon en partenariat avec le Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps, le tour de Tours en 80 ronds-points. Alors, j’ai décidé de me lancer, de tenter le coup, et d’aller lire à voix haute – un jour peut-être crierai-je moi aussi – de la littérature. J’ai choisi Jean-Claude Izzo, un extrait de Marseille, la lumière et la mer, et me suis installé au rond-point de Callelongue.

Izzo parce que l’auteur des Marins perdus et du Soleil des mourants – je n’oublie pas Total Khéops et la suite – a écrit tant de beaux textes sur Marseille. Izzo car c’est lui qui m’encouragea à ne rien lâcher et à continuer à écrire, alors que mes nouvelles essuyaient refus après refus d’éditeurs parisiens.

Callelongue parce qu’avec L’Estaque, c’est le quartier d’une extrémité de ma ville. Ouvert sur la possibilité de s’en aller,  de voyager, d’imaginer d’autres vies possibles, d’autres destins. Ce rond-point de Callelongue est l’ultime rond-point marseillais avant le chemin des calanques. Une impasse à l’extrême sud-est de la cité. Le décor est minimaliste : quelques cabanons dans le fond du port, un bar restaurant, un parking, le terminus de la ligne 20 du bus et une fontaine pour les marcheurs. Chaque fois que j’y viens pour promener entre mer et roches blanches, me revient en mémoire la voix de Izzo. Posée. Chaleureuse. Timide. Tout comme le quartier du Panier ou le marché des Capucins, au coeur de Marseille, cet endroit est intimement lié à l’écrivain. Izzo adorait s’y perdre, en toute saison. Cet ailleurs dans Marseille lui rappelait la Grèce fondatrice. Il y côtoyait les gens de peu. Pêcheurs, marcheurs, cabannoniers, anonymes happés par la magie de l’endroit. C’est peut-être ici qu’Izzo écrivit Marseille, la lumière et la mer, qui figure dans l’anthologie Méditerranées qu’il publia avec Michel Le Bris en janvier 1999, quelques semaines avant sa mort. Douze autres écrivains y sont associés, dont Erri de Luca, Amin Maalouf, Jacques Lacarrière et Assia Djebar.

Située à l’entrée du Parc national des calanques, Callelongue est posée tout au bout de la route du bord de mer, après le village des Goudes. Pour y accéder, il faut traverser le quartier de la Pointe-Rouge, qui nous renvoie à un passé industriel aujourd’hui mort et enterré. À partir de la fin du XVIIIème siècle, ce quartier abrita des usines : traitement de la soude, traitement du plomb, puis raffinage du soufre. La soude permettait d’alimenter les multiples verreries et savonneries marseillaises. Nettoyé de ses impuretés, le soufre était destiné aux moulins à poudre marseillais et aux industriels de textiles pour le blanchiment de la laine ou de la soie. Une partie de leur production était également exportée vers l’Orient. D’où l’intérêt d’une implantation en bord de mer. Aujourd’hui, les collines de Callelongue et des Goudes gardent quelques traces encore visibles de ces usines, entre autres des cheminées rampantes, condensateurs destinés au filtrage des vapeurs d’acide chlorhydrique.

Ce que le rond-point voit de Marseille

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autour du rond-point

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le rond-point vu de l’extérieur

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Google Earth 43 ° 12’45.63 N – 5°21’12.18 E

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Sabine Huynh résiste et résistera

Bouleversé par ce texte de Sabine Huynh, publié mardi par Jan Doets sur son site Les Cosaques des Frontières. En dessous du titre – Je résisterai – une photo signée Marc Melki suivie d’une note de Jan en quelques phrases : À l’adolescence, Sabine Huynh s’est retrouvée à la rue, après le divorce de ses parents. Aujourd’hui écrivain, elle évoque pour la première fois cette facette de sa vie dans un texte qu’elle a écrit pour soutenir le travail du photographe Marc Melki, qui s’attache à sensibiliser l’opinion publique sur le sort des sans-abris.

Cette lecture est un petit caillou arc-en-ciel que je sème sur le sentier où cheminent ensemble Sabine, Marc et toutes les personnes indignées par le sort de celles et ceux qui n’ont pas de toit. Pour prolonger, marcher jusqu’au site de Marc Melki Exils intra-muros où il mène campagne pour que toutes le familles et leurs enfants puissent avoir un toit dans notre ville.

Trois pages japonaises de Richard Brautigan

Le Journal japonais de Richard Brautigan. Découverte douce et sensuelle. Pendant plus de six mois, en 1976, l’écrivain américain découvrit le Japon et se prit d’une immense passion pour l’Empire du soleil levant. L’esprit des maîtres du Haiku hante ce recueil de poésie. J’y navigue souvent. La nuit notamment. Lorsque mes pensées s’envolent vers mes amis laissés au Japon. Pour prolonger cette écoute, découvrir le travail délicat de Margaux Fédensieu, les douze baies rouges.

LEG mannequin japonais

Une minute et des poussières à Naples

Naples. Quartier populaire de Montedidio. Erri de Luca* en a fait un merveilleux roman. Nous y cheminons aux côtés d’un adolescent de 13 ans qui découvre la vie, le monde du travail, les sentiments amoureux. Ce jeune garçon sans prénom se raconte en écrivant son quotidien dans un long rouleau de papier, chéri comme un confident. Chapitres courts. Poésie à chaque page. Personnages gorgés d’humanité dans ce Naples des années 50 qui ressemble tant au Panier marseillais de mon enfance.

* Erri de Luca est poursuivi par  la justice pour son soutien à un mouvement de refus de la ligne TGV Lyon-Turin, la TAV.