Shanghai est un stade

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Ils tournent sur la piste sans s’arrêter
retraités pour la plupart
chacune et chacun à son rythme
marche ou course c’est égal
avancent et avancent encore
soufflent crachent transpirent peu remuent les bras en moulinets

soudain tu croises une dame âgée
elle marche à reculons le regard vers le gris pâle du ciel
bon pour la santé la marche à contre-sens il paraît
tu voudrais que ce soit un peu aussi pour se distinguer se démarquer du flot immense et incessant qui avance partout du même pas et du même rythme
mais non c’est juste bon pour le cœur et la circulation sanguine

dans un coin près de quelques arbres
une barre fixe pour se faire les muscles utilisée par les plus jeunes entre deux pauses smartphone
la piste encercle le terrain de foot de l’ancien Stade des ouvriers
construit par le Parti dans les années 90 au beau milieu d’un tas d’immeubles sales
il est loué aujourd’hui à l’heure à des groupes pour des parties de ballon entre copains

même les jours de forte pollution la piste accueille coureurs et marcheurs
sans se parler ils tournent et tournent
tandis que les cris de joie des buteurs s’échappent vers le gris pâle du ciel de Shanghai.

Shanghai est un volant

badminton

En attendant le client abandonner l’étal
laisser de côté légumes tofu poissons épices et bibelots
et se lancer ensemble dans une petite partie de yūmáoqiú 羽毛球 le badminton chinois
une pause récréative
des éclats de rire
quelques minutes d’enfance volées à l’ennui gris du quotidien.

Shanghai est une partie de cartes

Shanghai est une partie de cartes

Sept heures du soir presque désert le marché il pleut beaucoup dehors chaleur humide dedans au plafond les ventilateurs tournent à plein régime qu’importe la fatigue de la journée les commerçants espèrent encore quelques clients alors pour patienter un carton posé sur le bac à produits congelés et la partie de cartes commence pour quelques billets et de la menue monnaie un mano a mano avec deux spectateurs qui commentent en riant les cartes claquent tu ne sais jouer à ce jeu la dame au veston mauve pâle est en train de gagner il te semble parfois au bord des routes ils sont accroupis les joueurs de cartes ils crient fort les Chinois aiment aussi jouer à leurs dominos blancs aux caractères bleutés une parenthèse légère enfantine pimentée par les billets et les pièces qui circulent de main en main pas une fortune ils ne jouent pas leur vie ils ont gagné leur journée et ils s’amusent à voir les cartes pleuvoir à sentir le hasard et la malice se mêler à la moiteur de la fin de journée avant de fermer boutique à quelle heure tu ne sais pas ils recommenceront demain puis après-demain ainsi avance leur vie de commerçants dans ce marché de quartier qui ressemble à une maison difficile à quitter.

Shanghai est une poêlée d’épinards

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Te revoilà au marché couvert du quartier de Wei Jia Jiao venu acheter des pêches pour le plaisir de déguster leur chair blanche plaisir aussi de prononcer leur nom Taozi tu l’aimes ce mot c’est le premier mot de fruit que tu as appris Taozi Taozi tu le répètes comme un enfant en accentuant bien le a puis tu flânes dans l’allée de gauche derrière les marchands de légumes c’est un bazar discret aux étals colorés qui débordent de chaussures pantoufles ceinturons semelles bottes en caoutchouc culottes robes survêtements portefeuilles chaussons chaussettes rubans chargeurs de téléphone multi-prises blouses jupes robes brassières cartables bas soutiens-gorge vestes de chantier parapluie thermos cuvettes en plastique coques de protection de mobiles stylos crayons de couleurs tu manques de heurter une poêle posée par une dame sur une plaque électrique quelques filets d’huile et l’ail tranché commence à frire rejoint sans tarder par de belles poignées d’épinards frais elle te dit que c’est pour le repas du soir Wanfan ça se dit Wufan c’est le déjeuner elle sourit  en cuisinant la dame derrière elle son mari s’occupe d’émincer des carottes et de concombres sur une planche tandis que le fiston allongé sur un transat dans la boutique joue sur son téléphone le cartable rose et bleu posé sur une chaise tu te demandes s’ils dorment ici tous les trois tu n’aperçois pas de chambre pas de place pour des lits ils doivent rentrer chez eux après le repas lorsque le marché ferme enfin s’il ferme car en Chine parfois les commerces ne ferment jamais ça sent si bon dans l’allée tu connais la saveur délicieuse des légumes cuisinés ici il est dix huit heures ils dînent de bonne heure les Chinois dix huit heures c’est un peu tôt pour réveiller ta faim mais le parfum des épinards te donne envie d’en cuisiner tout bientôt pour les tiens.

Un bain à la calanque Marseilleveyre

Ce fut un bain express mais délicieux. À même pas une heure de Marseille, après une marche paisible sur le GR 51 / 98 au départ de Callelongue. Peu de monde, contrairement à dimanche sur le chemin d’En-Vau. La mer est très fraîche un treize mars, mais je n’ai résisté ni à ses clignements ni à ses clapotements. Ceci me vient de l’enfance. Longtemps vécu à quelques poignées de minutes des rochers du Petit Nice, en dessous de la Corniche. D’avril à octobre, nous y passions tout notre temps libre ou presque. Je n’ai jamais renoncé au plaisir de me lancer dans cette mer qui me serre le corps et me laisse avancer à mon gré, même pour une petite minute. Joie en sortant, de se sentir vivant. Un peu comme un rappel fugace de la beauté du monde avec nous autres humains à l’intérieur. 3joie4verselesîles

Les vestiges d’un sémaphore trônent en hauteur et à main gauche sur ce sentier qui longe la mer en direction de la calanque Marseilleveyre.

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Ce massif de Marseilleveyre est le paradis des gabians. La première calanque en partant de Callelongue s’appelle la Mounine. C’est ainsi qu’à Marseille l’on désigne parfois le sexe des femmes.

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Boulevard des calanques

Belle balade dans les calanques de Marseille hier au départ de Cassis. Port-Miou et sa forêt de mâts, Port-Pin et ses pique-niqueurs, En-Vau et ses fanas d’escalade. Un parfum d’été tant il faisait beau et chaud. Des allures de grande artère, de Canebière aussi tant il y avait de monde sur le sentier. Les calanques, entend-on souvent, ça se mérite. À pied. Nous étions très nombreux à les mériter et à racler nos souliers sur les cailloux du chemin. J’avoue préférer la solitude du marcheur à la foule des promeneurs. Mais il me plaît que cette ville-là, Marseille, permette à chacune et chacun de profiter de cet exceptionnel panorama offert par le territoire des calanques. Nous y reviendrons en semaine, histoire de profiter davantage du silence majestueux de l’endroit, qui mescle le bruit de la mer et le cri des gabians.calanque1

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Au marché de la mescle

Au coeur de Marseille, il est un lieu que je ne me lasse jamais d’arpenter : le marché de Noailles. Vous le trouverez en remontant Canebière, en bifurcant à droite – une fois dépassé le cours Lieutaud – vers la place du Marché des Capucins. J’aime cet endroit d’où fusent nombre de langues du monde. Il me rappelle que mes ancêtres arrivèrent d’ailleurs, comme tant d’autres Marseillais. J’aime respirer cette ambiance populaire qui forme la chair de ma ville, ce que n’oublient pas les artistes de Moussu T e lei Jovents. Tendez l’oreille, ils vont vous parler.

Tatou – le chanteur – Blue – le guitariste – et leurs camarades de Moussu T e lei Jovents préparent en ce moment un nouveau disque. Leur dernier, Artemis, est une merveille. Voici  quelques paroles de la chanson Occitanie sur mer, qui reflètent cet attachement à la mescle marseillaise.

Si tu veux nous trouver, prends ton planisphère,
Mets le doigt sur cette tache bleue,
Il y a un petit point tout au bord de la mer,
C’est là qu’il te faut poser les yeux.
Pour venir jusqu’ici, si tu as quelques doutes,
Tu demanderas à un cargo,
Tous les navires du monde connaissent la route
De la maternité des bateaux.
Benvengut a l’ostau*:
Occitanie sur mer,
Ici c’est sur le tas
Qu’on reconnaît les frères.
Benvengut a l’ostau :
Occitanie sur mer,
Les papiers, les visas,
On n’en a rien à faire !

*Bienvenue à la maison

Célia, la voix du Marché des Capucins

Sur le Marché des Capucins à Marseille, au coeur du quartier Noailles, vous ne pouvez pas la manquer. Célia c’est une voix. Un cri joyeux pour aguicher le client. Marchande de fruits de légumes elle est. De 6 heures du matin à 19 heures derrière son étal. Toujours d’humeur égale. Sauf lorsqu’elle parle de la misère qui gagne du terrain dans sa ville. En fin de marché, lorsque la nuit est tombée, les gamelles de fruits à un euro s’arrachent. Célia ne ménage pas sa peine pour tendre la main à celles et ceux qui comptent leurs sous.
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Célia aurait pu être l’un des personnages décrits par André Suares dans Marsilho. Marseille en provençal.
Philippe Caubère l’a adapté au théâtre. C’est sans doute le texte le plus beau et le plus poétique consacré à ma ville natale.
Je vous le recommande vivement.