a. il/leurs / Le poétique et sonore #VaseCommunicant de Candice Nguyen

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Avec Candice Nguyen, nous partageons un pays de connaissance qui s’appelle Marseille. Depuis plus de vingt-six siècles, notre ville est le pays de tous les accueils et de toutes les mescles. De tous les ailleurs.

Ailleurs. Regardez-le bien ce mot. Pouvez jouer avec lui. Il a deux ailes. Singulier, il s’écrit comme un pluriel. Il est tourné vers les autres. Vers leurs ailleurs.

Ce mot, nous l’aimons tant que nous avons choisi de le célébrer comme une fleur à créer et à composer comme il nous plaît. À déposer dans nos deux vases communiquants. Chacun dans l’espace de l’autre. En ce mois de juin 2014, je suis heureux et fier d’accueillir l’ailleurs poétique et mystérieux inventé par Candice. Raconté en mots et en musique. Une musique venue d’un ailleurs lointain puisqu’il est australien.

J’ai reçu ce vase avec ravissement hier à mon retour d’Afrique. Cette Afrique d’où j’ai ramené le mien que Candice me fait l’honneur d’accueillir chez elle.

Un chaleureux merci à Brigitte Célérier, qui mois après mois veille avec grande attention et générosité aux rendez-vous des vases.

Remerciements aussi à François Bon – et à son Tiers Livre – ainsi qu’ à Jérôme Denis – et son Scriptopolis – . Sans eux, les Vases Communicants n’existeraient pas. Ce projet est simple et beau : le premier vendredi du mois,  chacun écrit et publie sur le blog d’un autre. Un autre de son choix à inviter selon son envie. La circulation est horizontale, histoire de produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si cette aventure vous tente, faites le savoir sur le groupe dédié sur Facebook, sur Twitter ou sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr, qui vous permet aussi de circuler à votre guise entre les vases.

 

 

Au boulodrome Les 3 Mages

À deux pas du Lycée Thiers, qui accueillit mon papa, le boulodrome des 3 Mages.

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Fin de journée. Quiétude et parties de pétanque entre collègues. Les boules à Marseille, ça n’est pas que sur les cartes postales.

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Savourer les échanges, les paroles malicieuses, les sourires et puis filer vers la place Jean Jaurès. En chemin, guetter l’arrivée du crépuscule.

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La petite mésange charbonnière

Dans un grand parc de Marseille l’autre jour. Parti pour me rapprocher le plus possible d’une pie qui jacassait à tue tête. Arrivé au pied des grands arbres, envolée plus loin la pie. Noyée parmi les cris d’enfants qui naviguaient depuis un jardin en contrebas. Me suis alors planté en face d’un gros tronc d’arbre. Observé les allées et venues de la mésange qui nourrissait ses petits. Un merveilleux ballet entre le nid, au creux de l’arbre, et le ciel.

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Sortir juste la tête avant de s’envoler

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Repartir en quête d’insectes.

Philippe Pujol, journaliste marseillais, Prix Albert Londres 2014

 Extrait de l’émission CulturesMonde de ce mardi 13 mai, sur France Culture. Philippe Pujol invité de Florian Delorme pour parler de son travail de journaliste dans les cités populaires de Marseille. Sa série Quartiers Shit, la violence sociale aux rayons X lui a valu de recevoir le Prix Albert Londres 2014. Depuis 1933, ce prix récompense le meilleur « Grand Reporter de la presse écrite ». Suis d’autant plus sensible au travail de Philippe Pujol que je fus pendant dix ans éducateur de prévention dans les quartiers Nord de Marseille. Ce qu’il décrit avec tant de justesse me parle. Félicitations à lui et au journal La Marseillaise qui s’honore aussi d’avoir accueilli un certain Jean-Claude Izzo de 1972 à 1979.

La photo qui accompagne cet extrait est signée © David Thierry Sud-Ouest

Je n’oublie pas non-plus Camille Lepage, la jeune photo-journaliste retrouvée assassinée en Centrafrique avant-hier. Thomas Cantaloube lui rend un très bel hommage sur Mediapart. Les photos de Camille sont à découvrir ou revoir ici. Depuis le début de l’année dans le monde, 18 journalistes ont été tués dans l’exercice de leur métier.

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@ Camille Lepage (Reuters)

En voiture, la radio / Brigitte Fontaine, Jean-Sébastien Bach et saltarelle

De La Viande de Brigitte Fontaine – proposée par Remy Kolpa Kopoul sur Radio Nova – à Jean-Sébastien Bach et la saltarelle offerte par Pierre Charvet, dans son Caléidophone sur France Musique, voyage en voiture au départ de Marseille. Direction le Béarn.

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Ciao, la Major

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LE gratte-ciel marseillais. Pas New York ou Shanghai quand-même…

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Le domaine portuaire et au fond, l’Estaque

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Le silo Panzani

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À l’approche des Pyrénées

 

« Belles bagues » demande : – c’est quoi un crochet tunisien ?

« Belles bagues », c’est Lucette. Ma Maman. Le surnom que lui ont donné ses copines de la Boutique Rétro d’Emmaüs Marseille Pointe Rouge. Elle adore aller y chiner le matin. Des années qu’elle y va. Une ou deux heures à chaque fois. Le temps de se procurer quelques tissus ou dentelles ou aiguilles à tricoter. Ou pelotes de laine. Angora ou pas. Le temps de dénicher – ou pas – un crochet tunisien. Maman

Toujours élégante, la Mamma.

Du chichon, des boules et du rap

Marseille. Quartiers sud. Fin de journée.Un parc aux arbres remarquables tout près d’une résidence. Une petite clairière avec sable et gravier. Trois adolescents y jouent aux boules. 15 et 18 ans. Survêts de City et de l’OM. Oreilles diamantées, mobile dans la poche et rap qui sort du mobile. Tranquilles, ils sont. Une pause chichon et un moment de tchatche. Tranquille. Entrer dans le week-end et profiter de la lumière douce du couchant là-bas, en face, sur la rade.

« … Le king de la ville, j’sais pas qui c’est
Mais qui qu’ce soit j’le fais glisser
J’suis en buvette j’fais que pisser
J’suis en fumette les yeux plissés
Moi j’fais du rap sauce épice
Avec moi les mêmes équipiers
Et même ceux qui perdent sont tous équipés
Wallah t’inquiète y’a le couz’ qui paie
Y’a le flouze qui fait, des ravages, dérapages peu contrôles
A ma guise j’aiguise, c’est la merde c’est la crise
Tu pourras voir ma zone roder… »

Dibson

Livres de ma vie / Marsiho #7 / (suite et fin)

Rester. Partir. Passer sa vie entre mer et collines ou s’escaper, mettre les voiles, changer d’horizon, désirer un ailleurs inconnu. Dilemme profond pour nombre de Marseillais. Beaucoup le tranchent en demeurant dans la ville natale. D’autres boulèguent. J’en suis. Mais toujours revenir… car ici, qu’est-ce que l’on voyage !

AndréSuares

« …Celui qui naît et grandit à Marseille n’a pas besoin de partir : il est déjà parti. Comme ils rencontrent tous les visages et tous les peuples de la terre, entre les allées de Meilhan et les ports, la plupart de enfants ne rêvent pas de voir le monde. Un petit nombre d’autres brûle, au contraire, de tout quitter et de mettre le cap sur le large. Plus fort que le désir de voyage, le désir de la mer ; et plus que le désir de la mer, la nostalgie d’ailleurs. Où ? Ailleurs. À quelle fin ? Ailleurs. Pour quoi ? Ailleurs est le nom du pays inconnu, le plus beau des pays. Ailleurs, le pays où l’on n’est pas et où l’on pourrait être ; celui où nul n’a été, jusqu’à ce qu’on y soit.

À Marseille, comme dans tous le grands ports, l’indigène aime la mer à la façon des riverains amis de leur fleuve ou de leur rivière. Pour eux, la mer est la belle eau familière, l’air plus vif, l’aventure d’une demi-journée, le plus large rire de la nature, les bains dans le flot doré, le canot et la pêche.

Mais les amants d’Ailleurs ont pour la mer une toute autre passion. Jour et nuit, les mâts tissent le filet de la séduction, et le cœur du jeune homme fait nœud à chaque maille. Il ne dort plus. Que de navettes sur le ciel du Vieux Port ! Il est pris aux rets de sa convoitise… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffitte

Livres de ma vie / Marsiho #6

Saint-Victor. Antique église aux cloches tonitruantes. Nichée au-dessus du Vieux Port. Ferveur des prières en son sein. C’est ici que mon père m’emmena écouter mes premiers concerts de musique classique. Bach, Mozart. Souvenir d’un recueillement profond souligné par la magique austérité de ce lieu auquel Suarès déroule ce splendide tapis coloré.

AndréSuares

 

« … Il fait grand jour rouge au-dehors ; mais ici, passé la porte, c’est la fraicheur et l’ombre d’une demi-nuit. Saint-Victor est la seule église de Marseille. Il y a bien la première cathédrale, la vieille Major : elle est morte ; elle rentre sous terre : collé à son flanc, la nouvelle l’a tuée.

Énorme et vide, riche et sans beauté, cette parvenue n’est pas vivante elle-même. Saint-Victor, au contraire, lance le profond regard de l’âme fidèle sur sa petite place étroite : esplanade déserte, au-dessus du Vieux Port, verte et noire, l’herbe entre les pavés et parfois un vol de mouettes, la solitude ne démantèle pas cette église de sa rude et chaude vie.

Quel fort rendez-vous elle donne au mistral sur cette terre : il la prend debout au nez, ou par le travers de la joue ; il va l’emporter. Toute pesante et toute assise qu’elle est, s’il la saisit par dessous, la vieille église des marins s’élèvera d’un seul coup dans le ciel, magnifique quatre ponts de pierre, en partance vers les échelles du Paradis. Intacte, Saint-Victor serait la plus ancienne basilique de la France.

Telle quelle, dans son armure roide, elle est de la flotte militante : elle parle à la ville païenne la langue du plus vieil âge chrétien. Elle est carrée en ses tours, en ses créneaux, en tout son plan… »

La suite du texte – écrit je le rappelle en 1929 – revêt une « sonorité » qui choque pour le moins :

« C’est une forteresse de prières contre les mécréants, contre les Arabes et les « Teurs », s’il y en a : sa carrure, en tout, s’oppose au croissant. Elle est guerrière et bonne femme.»

85 ans après, ces phrases font mal aux yeux, plus que jamais. Une douleur à peine adoucie par la suite du texte :

« Solide citadelle contre les Infidèles, elle est aussi le refuge contre contre les infortunes de la mer, les tempêtes et les orages. Toujours dans l’ombre, une forme prosternée prie, un fichu noir sur une jupe de laine noire : femme de pêcheur, femme de malheur ; mère de marin, mère de chagrin. »

Copyright  @ Editions Jeanne Laffitte

Livres de ma vie / Marsiho #5

Le cabanon. Mythe marseillais sauf pour la poignée de cabanoniers qui y passent encore du temps, aux Goudes ou à Sormiou, comme avant eux leurs ancêtres. La pêche sur les rochers, mon grand-père Marseillais d’adoption – il émigra de Zürich en 1923 – m’y emmenait enfant. À l’époque, la pêche était abondante. Aujourd’hui, restent les mots d’André Suarès…

 

AndréSuares

 

« … Le rêve de chacun est d’avoir une de ces cases en nougat coiffées de tuiles. Là, ils vont en tous temps du samedi au lundi. En été, ils s’y installent, les uns sur les autres. Chacun chez soi et tous presque en commun. On voisine, on se querelle, qui est une façon de voisiner encore. On se parle au-dessus du mur. La fumée d’une pipe croise l’autre. Les enfants jouent, se battent et braillent ensemble.

Quelques hommes vont à la pêche sur les rochers ; ils partent de bon matin, leurs lignes hautes contre l’épaule, le veston ouvert, la chemise de flanelle béante ; et tous ont le même air de soldats hilares, d’heureuse troupe qui descend à la conquête du poisson. Ceux qui ne pêchent pas ne sont pas moins avides que les autres de rascasse, de girelles, de gobis, de crabes, de tout ce qui entre dans la bouillabaisse. Et faute de bouillabaisse, il y a toujours l’aïoli.

Une heure avant midi, tous les cabanons sont frottés à l’ail, chapons offerts au soleil. L’homme bat lui-même la purée à l’huile dans le mortier, et la tourne dure et jaune : que la femme ne s’en mêle pas, et même qu’elle n’approche pas, fût-ce du souffle : elle la ferait tourner… »

Copyright @ Editions Jeanne Laffite