Le saut de l’ange #1

Le saut de l'angeUn cliquetis sauvage secoue mes semelles. Pas moyen de faire la sieste. Les pelleteuses viennent de pulvériser la dernière murette du domaine ouvert en contrebas sur la mer. Le temps d’activer mon Leica, une odeur de fuel poisseux troue l’air azur de décembre. Je n’ai pas le courage de m’allonger en travers des chenilles d’acier, alors, je marche à reculons, adossé aux flots. Un oeil collé au viseur, l’autre fermé sur la mémoire. Dans quelques minutes, plus personne ne connaîtra l’histoire des jardins d’Angelo.

Photo numéro neuf.

Zoom avant vers l’orangeraie des origines. Gros plan sur des milliers de fruits en bouillie, des centaines de troncs affalés, une récolte déchiquetée. C’est par là que les machines ont commencé leur sale boulot. Lorsque des pirates corses fondèrent la cité, ils débarquèrent de leurs bateaux des sacs joufflus gonflés de pépins. Les semailles furent providentielles : des arbres surgirent en abondance entre pinède et roche blanche. La première cueillette offrit navels, limettes, clémentines et sanguines à volonté. L’année qui suivit, les pirates désarmèrent leurs barques pointues et choisirent de devenir paysans. Le troc procura les arpents nécessaires à l’extension des cultures. Des familles entières arrivèrent de l’autre côté de l’horizon pour tenter leur chance à Angelo, du nom du premier marin à fouler le sol du continent. Encore quelques clichés, et ce nom s’éteindra pour toujours.

(à suivre)

Marius et Jeannette à la maison

Pour une fois hier-soir, j’ai fait une infidélité à la radio. Regardé Marius et Jeannette sur LCP. Oui, la chaîne parlementaire que je ne regarde jamais – les autres chaînes guère plus – car la radio filmée, les talk shows comme ils disent, ça n’est vraiment pas ma tasse de thé. Mais hier-soir, Robert Guédiguian s’invitait à la maison. Alors, je n’ai pas résisté au charme poétique de son Marius et Jeannette, véritable conte populaire qui réenchante le monde et que le cinéaste a dédié aux « milliers d’ouvriers anonymes » qui reposent en paix au cimetière de l’Estaque. Extrait sonore teinté d’opéra et d’humour.

Le cinéma de Robert Guédiguian invité de La Grande Table sur France Culture en octobre dernier.

Izzo, Marseille, la lumière et la mer

Il y a 14 ans jour pour jour, le 26 janvier 2000, Jean-Claude Izzo disparaissait. Il avait 54 ans. Je pense souvent à lui. Lorsque je retourne à Marseille. Lorsque je suis loin de ma ville natale aussi. Je n’ai pas oublié qu’il m’encouragea à continuer à écrire, lors d’une brève rencontre en 1997 avant une émission de télévision. Je garde bien présente l’émotion que me procura la lecture de ses livres. Notamment Les marins perdus et Le soleil des mourants. Ce matin, j’ai ressorti de ma bibliothèque un petit livre Librio que m’offrit ma fille aînée Noémie en juin 1999 : Méditerranées, une anthologie présentée par Michel Le Bris et Jean-Claude Izzo et proposée à l’occasion du Festival Etonnants voyageurs 1998. 13 auteurs s’y côtoient. Entre autres Amin Maalouf, Malika Mokeddem, Erri de Luca et Jean-Claude Izzo. Marseille, la lumière et la mer est le titre de son texte. En voici un extrait, lu pour vous et accompagné du jazz mélancolique de Thelonius Monk qu’Izzo aimait tant.

Vous aurez reconnu This is my story, this is my song du génial pianiste américain.

Jean-Claude Izzo (1945-2000), Marseille au noir, c’est le titre de l’émission que France Culture consacra à l’auteur marseillais en Novembre 2007.

Le site officiel de Jean-Claude Izzo, c’est par ici.

 

Piquer une tête à Sugiton

Il y avait bien longtemps que je n’étais pas descendu à Sugiton, l’une des merveilles de calanques de Marseille. Soleil parfait ce mercredi. Idéal pour se lancer vers la balade. Pas grand monde jusqu’au col d’où descend le sentier pentu qui mène à la mer. Le temps de bader quelques grimpeurs en pleine action sur les parois qui surplombent le chemin et nous voilà à portée de calanque. D’abord longer les rochers où vient taper la mer. S’y faufiler cahin caha. Et finir notre périple sur les galets de Sugiton. Là où il fait si bon se baigner tout nu.

Vous me croirez ou pas. Je n’ai pas résisté à piquer une tête dans cette mer très très frisquette. Mon premier bain de l’année. Un 22 janvier…

Écouter le mistral

Promener dans le Massif de Marseilleveyre. À ses pieds j’ai passé mes sept années de secondaire au lycée qui porte son nom. Hier avec ma compagne, je suis monté où je n’avais jamais mis les pieds. Tout là-haut. Jusqu’au Col de la Selle d’où l’on aperçoit la rade de Marseille et la mer côté calanques. Avec l’Île Maïre qui s’allonge au large de Cap Croisette. Émerveillés, nous avons écouté le mistral secouer les roches et les pins.

Des idées de balades dans le Massif de Marseilleveyre.

Au marché de la mescle

Au coeur de Marseille, il est un lieu que je ne me lasse jamais d’arpenter : le marché de Noailles. Vous le trouverez en remontant Canebière, en bifurcant à droite – une fois dépassé le cours Lieutaud – vers la place du Marché des Capucins. J’aime cet endroit d’où fusent nombre de langues du monde. Il me rappelle que mes ancêtres arrivèrent d’ailleurs, comme tant d’autres Marseillais. J’aime respirer cette ambiance populaire qui forme la chair de ma ville, ce que n’oublient pas les artistes de Moussu T e lei Jovents. Tendez l’oreille, ils vont vous parler.

Tatou – le chanteur – Blue – le guitariste – et leurs camarades de Moussu T e lei Jovents préparent en ce moment un nouveau disque. Leur dernier, Artemis, est une merveille. Voici  quelques paroles de la chanson Occitanie sur mer, qui reflètent cet attachement à la mescle marseillaise.

Si tu veux nous trouver, prends ton planisphère,
Mets le doigt sur cette tache bleue,
Il y a un petit point tout au bord de la mer,
C’est là qu’il te faut poser les yeux.
Pour venir jusqu’ici, si tu as quelques doutes,
Tu demanderas à un cargo,
Tous les navires du monde connaissent la route
De la maternité des bateaux.
Benvengut a l’ostau*:
Occitanie sur mer,
Ici c’est sur le tas
Qu’on reconnaît les frères.
Benvengut a l’ostau :
Occitanie sur mer,
Les papiers, les visas,
On n’en a rien à faire !

*Bienvenue à la maison

Remets le son !

Une promenade vers Morgiou hier après-midi. Le ciel menace. La pluie n’est pas loin mais tant pis. Avec ma compagne, nous partons vers la calanque. En longeant la prison des Baumettes, qualifiée d’endroit répugnant par le Conseil de l’Europe, nous découvrons des grues qui dépassent des murs d’enceinte d’où s’échappent des cris sourds. Alors, nous contournons la bâtisse et montons dans la colline par un sentier caillouteux. Jusqu’en haut, un chemin de frises. Tout en bas, un chantier et au fond, les bâtiments d’où montent les voix des prisonniers.

Les Baumettes, ce sont des « oubliettes ». Lu dans Le Monde, par ici.

meta_carcerales

L’écrivain marseillais René Frégni anime depuis longtemps des ateliers d’écriture avec les prisonniers des Baumettes. Métamorphoses et la Friche de la Belle de Mai publient « Carcérales, pages et images de prison« , dont il a signé les textes et Yves Jeanmougin les photographies.

Une nuit de pluie et de vent

Marseille. Nuit agitée. Trois heures du matin. La pluie qui s’abat sur la fenêtre du toit me sort du sommeil.

A Marseille la pluie* ne tombe jamais sans discontinuer. Cette nuit, le vent a pris le relais.

Je me suis rendormi sans difficulté après cet épisode sonore évocateur du Feng Shui, cet art de vivre chinois qui associe les énergies issues du vent – 風 feng – et de l’eau – 水 shuĭ – . Plus d’infos sur le Feng Shui par ici

*Précision utile, en chinois la pluie s’écrit et se prononce Yŭ 。