Médé, c’est mon gâté

Je me pince encore, oui. C’est que je n’en suis pas encore revenu de la nouvelle apprise hier-soir peu avant le Motchus de minuit. Le mot Gâté, ée vient de faire son entrée dans le nouveau dictionnaire 2026. Pas n’importe lequel, non. Pas celui bien moisi de l’Académie française, non. Gâté, ée figure désormais dans le Petit Robert, siouplé. Mon ami, notre ami Médéric Gasquet-Cyrus n’y est pas pour rien bien sûr. En sociolinguiste spécialiste entre autres du parler provençal et marseillais, il participe à la rédaction du Petit Robert et il est de longue à l’agachon sur l’évolution de notre langue, ses acccents, ses trésors, ses influences nouvelles, sur tout ce qui fait qu’elle s’enrichit, se transforme, et ainsi se transmet avec estrambord de génération en génération. Gâté, ée fait partie de ces mots familiers avec lesquels nous autres Marseillais exprimons notre amour ou notre affection à nos proches. Autre immense surprise hier-soir. Pour illustrer Gâté, ée, dans le nouveau Petit Robert 2026 – oui, vous avez bien lu – Médé a choisi cette citation :

Incroyable ! Médéric est allé trouver une phrase extraite de Du miel au bout des doigts, l’une des 13 nouvelles noires publiées en 2013 dans mon recueil Marseille rouge sangs. Ma gratitude est immense, surtout au nom de mon père, Paul James Schulthess, qui était un grand amoureux des dictionnaires et des citations. Il aurait été tellement fier de découvrir celle-ci, accompagnant ce mot qu’il utilisait parfois dans le sens de « faire gâté », faire un câlin. Mon papa fut instituteur de la République, dans notre quartier d’Endoume à Marseille. J’ai la chance de l’avoir enregistré me raconter qu’il avait bien failli ne jamais le devenir.

Médéric est aussi un homme de radio. Tous les matins, il propose une chronique sur Ici Provence : « Dites-le en marseillais ». C’est instructif, documenté, érudit et souvent très drôle. Bref, de la régalade.

Motchus, oh fan, déjà 1200 !

Douze cents ! Y’a rien là ? En faisant mon Motchus hier-soir peu après minuit, j’ai réalisé que c’était la douze centième fois que je m’adonnais à ce jeu de mots marseillais, tout comme un moulon de valables de par le monde et la planète entière. Alors, je me suis amusé à griffonner ce petit poème qui ressemble à pas grand chose mais qu’il me plaît de partager.

Oh fan, déjà douze cents

Douze cents Motchus à deviner
À découvrir, à réviser
Douze cents mots du parler d’ici
Teintés de provençal ou d’italien, pardi

Oh fatche, déjà douze cents
Douze cents motchus à goûter à voix haute
Des mots qui rappellent l’enfance
Des mots bijoux, des mots grossiers
Des mots rares, des mots oubliés

Tè vé, déjà douze cents
Douze cents Motchus à savourer
Des mots à transmettre, à partager
Des mots pour chaque jour célébrer
Notre patrimoine marseillais

Aïoli sur vous, Denis, Médé
Déjà douze cents jours que vous offrez
Esquiche teston et rigolade
Estraïques ou estramassade
Merci beaucoup et siouplé
N’arrêtez pas de nous faire Motchuser !

La musique qui accompagne les mots dans mon petit montage sonore, c’est l’intro de  » Les Rivalités « , la première chanson du nouvel album de Chichi et Banane, les poètes musiciens de la Ciotat. Je ne sais s’ils jouent à Motchus, mais les mots, ils savent les faire chanter. Pas vrai ?

Le français en danger ? Remettons le Vieux-Port au centre-ville !*

Les idées fausses, c’est comme les idées noires. Il convient de les chasser loin de soi. Et loin des autres aussi autant que faire se peut. Parce qu’elles sont nocives, ces idées. Parfois toxiques et dangereuses. En professeur de sociolinguiste à l’Université passionné, Médéric Gasquet-Cyrus n’est pas du genre à se laisser impressionner par le moulon d’idées fausses que trimbale la langue française. Elles l’emboucanent, elles lui hérissent le poil, elles le révoltent, mais en chercheur en Parole et Langage avisé, il résiste, il leur fait face et se fait un plaisir de les démonter dans un livre jubilatoire et savant, paru en avril dernier, « En finir avec les idées fausses sur la langue française ».

Il en a listé une quarantaine de ces idées fausses, véhiculées par ceux qui claironnent notamment que la langue française est en danger parce qu’elle « est menacée par l’anglais », « envahie par l’arabe », parce que « les jeunes parlent avec 500 mots », alors que « le français est une langue pure », « belle », que l’on doit parler comme il faut, en respectant les règles fixées par l’Académie française. Entre autres mythes qui entourent le français et que Médéric Gasquet-Cyrus déconstruit point par point, l’idée souvent repérée sur les réseaux sociaux selon laquelle « le » dictionnaire contiendrait la vérité sur la langue et sur le monde.

« Remettre le Vieux-Port au centre-ville » , c’est aussi rappeler dans ce livre que le français est présent sur les cinq continents, officiel dans 13 pays, co-officiel dans 16 autres, qu’il est une langue d’enseignement pour 93 millions d’élèves.  Et donc non, « le français n’est pas menacé par celles et ceux qui s’en servent pour communiquer ». N’en déplaise aux réactionnaires, aux sectaires, aux xénophobes, et aux nationalistes de tous bords qui en prennent pour leur grade. C’est réjouissant de voir mis en pièces les Rivarol, Julien Aubert, Alain Finkielkraut, Jean-Michel Blanquer, entre autres chantres du roman national et caricaturistes du déclin de notre français que nous aimons tel qu’il est. Divers, ouvert, vivant, riche en accents et en mouvements.

« En finir avec les idées fausses sur la langue française » est publié aux Éditions de l’Atelier.

* ça m’amuse de tenter ce pendant marseillais de « remettre l’église au centre du village » ou de « mettre les points sur les i et les barres sur les t »