Parmi les disparus

Deux ans que n’avions plus VaseCommuniqué avec Marie-Noëlle Bertrand
et là, presque par surprise,
un désir commun d’échanger à partir de trois mots  :

parmi nos disparus

trois mots qui pèsent si lourd
dans le quotidien du monde

Bienvenue à son texte puissant.

Le mien est accueilli sur Éclectique et Dilettante
son blog de textes, de sons et de photos

mémoire sans lieu

disparu
mort
perdu
désavoué dans sa qualité d’être humain

disparus en mer
l’esclave enchaîné dans les cales, le marin d’ici ou d’ailleurs, le boat-people d’hier, le migrant d’aujourd’hui

disparus, avalés par Héphaïstos
l’ouvrière du textile au Bengladesh, l’enfant vietnamien ou syrien qui court sous les bombes, l’habitant d’Hiroshima ou de Tchernobyl

disparus, dévorés par Mammon
l’ouvrier licencié par Renault ou Arcelormital, le SDF sur le trottoir de Manhattan, la jeune femme abandonnée au cancer dans les usines Samsung

disparues, proies du dieu phallus
la prostituée de Ciudad Juarez, la femme de réconfort coréenne, l’épouse tuée par les coups de son conjoint

disparus, broyés par les mâchoires de Seth
le poilu dans la tranchée, le déporté à Auschwitz, le condamné au goulag sibérien, le prisonnier à Guantánamo

disparus
inconnus ou icônes
leur voix et leur cri
leur visage
dans nos vies
dans nos nuits
lieux de mémoire
mémoire sans lieu

                                      Marie-Noëlle Bertrand

Un double grand merci à elle, qui chaque mois, coordonne, accueille et met en relation les VasesCo et leurs auteurs. Échanges à suivre sur Facebook et sur Twitter.

Gratitude également à François Bon – et à son Tiers Livre – ainsi qu’ à Jérôme Denis – et son Scriptopolis – , tous deux à l’origine du projet des Vases Communicants : le premier vendredi de chaque mois, chacun écrit et publie sur le blog d’un autre de son choix, à inviter selon son envie. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Nos douze haïkus pour Kamaïshi

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Il y a quatre ans
avec ma fille Zoé et mon fils Marius
avions choisi et lu à voix haute quatre haïkus chacun
dédiés aux enfants et aux parents de Kamaïshi,
cette ville du nord-est du Japon
tragiquement frappée par le tsunami
il y a six ans jour pour jour
le 11 mars 2011

Les haïkus de Zoé

Entouré de branches mortes
il se redresse
le printemps !

Ishikawa Keirô

Comme un bloc de nuit voilée
perdu dans mes pensées

Katô Shuson

Viens écouter la glace
qui se craquelle sur le lac

Ozawa Minoru

Quand une tortue crie
l’autre lève la tête
pour l’écouter

Nakahara Michio

Les haïkus de Marius

Voile de lune
une grenouille
trouble l’eau et le ciel

Yosa Buson

Sur le gazon
languissamment retombe
la brume de chaleur

Natsume Sôseki

Dans les brumes de chaleur
quelques trous laissés
par le bâton allé au temple

Kobayashi Issa

A l’entrée du jardin
fleurit le blanc
d’un camélia

Ueshima Onitsura

Les Haikus d’Eric

La lampe éteinte
les étoiles fraîches
se glissent par la fenêtre

Natsume Sôseki

Nulle trace dans le courant
où j’ai nagé
avec une femme

Yamaguchi Seishi

Mon pays natal
détrempé par la pluie
je le foule pieds nus

Taneda Santôka

On vieillit
même la longueur du jour
est source de larmes

Kobayashi Issa

Je n’oublie pas Kamaïshi #2

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À Kamaïshi
il a fallu deux années
pour que la mer accueille à nouveau
le travail des hommes

en mai 2013
avec Momomi Machida
avions accompagné les pêcheurs du petit port de Osaki Sirahama,
pour leur toute première récolte d’huîtres et de coquilles Saint-Jacques
depuis le tsunami du 11 mars 2011

le 11 mars 2011
la vague géante avait tué l’un des camarades de ces pêcheurs
95% de leur flotte avait été détruite.
Seulement 30 de leurs 130 maisons avaient été épargnées

 

Missak, je ne t’oublie pas

missak

Ce samedi-matin à 11 heures
j’espère que seront nombreuses et nombreux
celles et ceux qui viendront à Marseille
se rassembler au Square Missak Manouchian *
pour commémorer le 73ème anniversaire
de l’exécution au Mont Valérien du groupe Manouchian
ces résistants dont les nazis et leurs sbires de Vichy
apposèrent les visages sur la sinistre Affiche Rouge

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à chacun de mes séjours à Marseille
mes pas me mènent devant le mémorial dédié à Missak
boulevard Charles Livon
tout près du Jardin du Pharo où je jouais, enfant
ce mémorial a été honteusement profané il y a quelques jours
alors, pour encore moins oublier Manouchian et ses camarades fusillés le 21 février 1944
voici un extrait sonore des actualités télévisées du 2 Mars 1945
au cimetière d’ Ivry, on honorait leur mémoire

* D’origine arménienne, Missak Manouchian était militant communiste et résistant
commissaire militaire des Francs Tireurs Partisans-Main d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne
il fut arrêté en novembre 1943 et condamné à mort comme membre de l’ Armée du crime
ainsi que 23 de ses camarades
ces héros refusèrent d’être fusillés les yeux bandés

Voir aussi L’Armée du crime, le film dédié en 2009 par Robert Guédiguian à Missak Manouchian et à ses camarades, et dont voici la bande annonce

Accueillir la pluie

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Cette pluie qui me réveille
l’accueille comme une amie
à larmes ouvertes
bénie soit sa musique

voudrais fuir le soleil
sa violence
son insistance
son indécente présence

reste encore caché
astre dont l’ombre n’épargne
ni les aimés partis
ni les inconnus
ni les exilés aux pieds nus
ni les souvenirs brûlants

pluie, surtout ne cesse
de lancer tes pleurs sur les tuiles
poursuis ta chanson de caresse
accueille la mémoire de tous ceux
qui frissonnèrent sous tes gouttes

Lecteur audio

Billie Holiday – Come Rain Or Come Shine

Souviens-toi de la Retirada

retirada-leperthusLa Retirada
mes amis espagnols m’en parlent souvent
un demi-million d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient les franquistes
et qui rejoignent la France
en à peine quinze jours
fin janvier 1939
mes amis de Valence n’oublient pas
ce qui fut le plus grand exode du XXème siècle en Europe occidentale
après la terrible bataille de l’Ebre
ses 100.000 morts
et son ¡ Ay Carmela !

ai revisité cette mémoire vive hier
grâce à Julie Gacon
et son émission Sur la route… de la Retirada

un très fort moment de radio sur France Culture

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Photo de ©Manuel Moros

Ay Carmela en paroles

El Ejército del Ebro
Rumba la rumba la rum bam bam!
Una noche el río pasó,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

Y a las tropas invasoras
Rumba la rumba la rum bam bam !
Buena paliza les dió,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

El furor de los traidores
Rumba la rumba la rum bam bam !
Lo descarga su aviación,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

Pero nada pueden bombas
Rumba la rumba la rum bam bam !
Donde sobra corazón,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

Contrataques muy rabiosos
Rumba la rumba la rum bam bam !
Deberemos resistir,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

Pero igual que combatimos
Rumba la rumba la rum bam bam !
Prometemos resistir,
¡ Ay, Carmela !, ¡ ay, Carmela !.

 

 

 

Janvier 43, Marseille meurtrie en son cœur

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Mémoire vive . Un grand merci à David Coquille, journaliste à La Marseillaise pour son travail de mémoire hier sur Twitter : le récit en images de ce qui reste et restera une meurtrissure profonde dans le cœur des Marseillais : il y a 74 ans, Marseille vécut une grande rafle dans les quartiers du centre-ville : l’Opéra, le Panier et le Vieux Port.

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L’armée allemande et la police de Vichy dirigée par René Bousquet arrêtèrent des milliers de personnes, dont 250 familles juives qui furent arrachées de leur logement. 1.642 hommes, femmes et enfants furent déportés vers Sobibor.

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Quelques jours après cette rafle, le 1er février 43, les nazis firent procéder à la destruction du quartier du Panier, qualifié de « chancre de l’Europe » et de « repère de toute une pègre internationale ». Voici comment le JT de l’époque, France Actualités, osait raconter cet évènement, sur 56 petites secondes…

Ce document est à retrouver en images sur le site de l’Institut National de l’Audiovisuel.
et le Mémorial de la Shoah œuvrent pour transmettre cette mémoire, notamment auprès des jeunes.

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L’armée non-violente de Martin Luther King

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Lundi tout gris ici
pluie pluie et pluie
lire Asli et Erri
écouter le très beau podcast de Julien Cernobori
puis regarder vers l’ouest et songer, affligé, que vendredi
il ne fera pas bon du tout être étranger
aux États-Unis

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Photo @ The Untitled Space Gallery

lire l’éditorial de L’Autre Quotidien
et célébrer d’ici le Martin Luther King Day
penser à John Lewis
à Bernard Lafayette
à tous aussi ceux que D.T. insulte
et s’apprête à rabaisser
humilier
priver de leur droit à vivre dignement et à se soigner

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respirer profond
chasser ma colère et ma haine
et me résoudre
parce que c’est juste et nécessaire
à relire à voix haute ces mots de Martin Luther King
extraits de Révolution non-violente

* Pour prolonger, avec RFI et Mediapart, c’est par ici et par ici .

Te retrouver ici et là-haut

 

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C’est donc ainsi
encore une année sans toi
la troisième
en naîtront d’autres où tu vivras encore
chaque jour et chaque nuit

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retournerons à la mer
sur ces rochers qui se souviennent
de la femme que tu fus
de l’enfant que j’étais
des baignades et des embruns
des gabians et des crabes
des aubes et des midis et des crépuscules
à écouter ensemble

 

nous repartirons aussi en montagne
approcherons des sommets
monterons marcher dans la neige

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prendrons le temps de retrouver ces lacs
qui gardent en mémoire
le reflet de ton regard émerveillé
face aux silence des cimes

 

 

 

encore une année sans toi
mais chaque seconde de ma vie
te nomme et te ressuscite
c’est donc ainsi

 

Les murs parlent de toi, Aslı

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Il y a des combats violents
pour libérer la parole
les murs parlent de toi, Asli

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tant de visages ont disparu
tapis dans les murmures
des palissades froides où tu survis, Aslı

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parfois un cœur s’accroche
en solidarité vivace
des amoureux de la liberté comme toi, Aslı

Le procès d’ Aslı Erdoğan s’ouvre aujourd’hui à Istanbul. L’écrivaine turque est emprisonnée depuis le 17 août, poursuivie pour « atteinte à l’intégrité de l’Etat » et « propagande en faveur d’une organisation terroriste » pour avoir collaboré avec le journal Ozgür Gündem, qui soutenait des revendications pro-kurdes. Comme huit des prévenus jugés avec elle, Aslı Erdoğan risque la prison à perpétuité.