Quelques pensées de mistral

mistral

Qu’en entendent-ils du mistral les disparus il fait danser les mouettes écumer les flots hurler trembler les fenêtres de ma chambre qui fut ton bureau Maman l’entends-tu toi dis ce vent de folie le sentent-ils les morts pousser et pousser encore les dalles de leurs tombes s’engouffre-t-il dans les fissures délaissées les pots de fleurs les ex-voto les plaques aux mots offerts qui tapent sur le marbre en perçoivent-ils les claquements et ces cendres dispersées au jardin du souvenir qu’en reste-t-il lorsque le vent se déchaîne et nous vrille la tête avec toutes ces pensées sombres tu peux me dire Maman ?

« … Mistral mistral mistral
On voudrait bien que tu t’arrêtes … »

Joli merle siffleur

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Chaque matin que le ciel fait espérer
ou Dieu, qui sait ?
chaque lendemain que l’Univers nous offre
dans sa tragique splendeur
et sa cruelle misère
tu reviens
merle siffleur
parler depuis ta frêle branche
aux morts déjà morts et enterrés
peut-être aussi te poses-tu aussi pour apaiser les morts à petit feu que sommes
devant la laideur et la saleté du monde

joli merle chanteur
tu ne crains ni nos cris
ni nos haines
ni nos crachats
ni nos hontes tues
sous le ciel laiteux ou bleu ou sombre
non
de ton bec or orangé
tu lances en paix ta mélodie
et réponds avec grâce
à celle que désirent parfois
timides
t’offrir mes pauvres lèvres en pleurs

voudrais tant te rejoindre un jour en souriant
sur ta branche fragile
pour ressusciter à tes côtés
les visages
les voix
et les baisers
de ceux qui autrefois
malgré les cris les haines les crachats et les hontes
osaient eux-aussi encore espérer
des lendemains divins

On attend quoi ?

 

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Mortes de froid

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retournent en terre

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qui s’en souviendra ?

il fait surtout froid pour les femmes et les hommes
sans toit
gel ou pas
tant de morts dans la rue
chaque mois
qui s’en souviendra ?

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et nous
bien au chaud
on fait quoi ?
on attend quoi ?

on-attendquoi

Au cimetière du Père Lachaise

Jamais venu ici auparavant. Quelquefois promené non-loin du Mur des Fédérés aux côtés de mon père. Me racontait la Commune de Paris, Gavroche, ce salopard de Thiers, mais jamais entré dans cette ville dans la ville. 70.000 tombes à ce qu’il paraît. Un labirynthe. Un enchevêtrement d’allées pavées. Un foisonnement de tombes, de tombeaux, de stèles, de plaques. Peu de fleurs. Des oiseaux. Beaucoup de mousse. Nombre de sépultures en ruine. Une impression d’abandon. Suis allé écouter ce cimetière géant, saluer les Communards, les communistes, les déportés assassinés, Jean Baptiste Poquelin dit Molière et  Jean de La Fontaine, Frédéric Chopin et Guillaume Apollinaire, Paul Éluard et Alain Bashung, Michel Petrucciani et Pierre Desproges. Aurais bien fait un clin d’oeil à Amadeo Modigliani mais le crépuscule m’a poussé vers la sortie.

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Le Mur des Fédérés. Cherché les traces de balles. Imaginé le carnage.

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Jean-Baptiste Clément. Fredonné sa chanson.

 

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Jacques Duclos roulait les R.

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Paul Éluard né Eugène Émile Paul Grindel

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Buchenwald. M’y rendis dans ma jeunesse. Impérissable souvenir.

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Molière l’immense impertinent.

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Apollinaire. M’accompagne depuis l’adolescence.

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Chopin. Pas un jour sans l’écouter.

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Bashung. Déchirant écorché.

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Petrucciani. Virevoltant.

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Desproges désarmant.

Novembre au lendemain des morts

Juste aux pieds de cette montagne où je suis, une prison — et les types dedans, au bord de la mer, tournent sans doute au milieu de murs qui ne laissent rien passer des embruns. » Tant d’humanité au coeur de cette phrase. Émotion douce à la lecture de cet extrait de Novembre au lendemain des morts, l’un des billets du Journal qu’Arnaud Maïsetti tient sur son site Carnets. Ce texte poétique, je l’ai lu et relu plusieurs fois avant d’oser me lancer dans son récit à voix haute. Savouré les mots qu’il choisit pour se raconter dans Marseille, pour raconter son regard singulier sur la ville. Séduit par la douceur du rythme imprimé à ses phrases. Bouleversé par la conscience exprimée de ce lien permanent qui rapproche les morts et les vivants.

Romancier, docteur en littérature, Arnaud Maïsetti enseigne les études théâtrales à l’Université Aix-Marseille.

Ses Carnets recèlent aussi une multitude de photographies.

Le tocsin du 1er août, 100 ans après

Peu avant 16 heures hier après-midi, je suis monté à l’église Saint-Vincent de Salies-de-Béarn. À l’intérieur, les sonneurs en étaient aux derniers réglages. Au rythme du tocsin, le cœur serré, je me suis laissé happer à l’extérieur, saisi par la mémoire de ces millions de jeunes hommes appelés vers l’effroyable catastrophe qui inaugura le 20ème siècle, il y a cent ans jour pour jour. Lorsque je suis rentré dans l’église pour écouter le tocsin de dedans, la pluie s’est mise à tomber.

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129 enfants de Salies-de-Béarn ne sont jamais revenus de la Grande Guerre.

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