Régalade au Balèti bédoulen

Il y a des partages comme ça qui font tellement plaisir ! Je vous raconte. Sur le coup de cinq heures de l’après-midi hier, mon ami Bernard Seignouret y va de son petit post joyeux sur X (ex Twitter) : « Vé ! Balèti à la Bédoule ! » , accompagné de cette photo de l’un des musiciens du groupe Bagalenti Chapacan, basé à Saint-Zacharie, dans le Var.

Balèti ! Ce mot entendu souvent à Bauduen dans mon enfance me donne envie de sentir l’ambiance, de découvrir avec du son à quoi il ressemble. Je le dis à Bernard. Ni une ni deux, il fait chauffer l’enregistreur et m’envoie deux extraits de cette musique. En les mesclant, j’ai esquissé quelques pas de danse !

Régalade, non, cette mescle d’accordéon diatonique, de vielle à roue , de fifres et de tambourins ? Elle est bien dansante, pas vrai ? Ce balèti, Bagalenti Chapacan est venu l’animer à l’invitation de La Respelido Bedoulenco, une association qui à Roquefort La Bédoule se consacre à la promotion de la langue et de la culture provençales, grâce entre autres à des concerts, des balètis, des ateliers de danse et des cours de lengo nostro. Gramaci à elle et à mon ami Ber !

Photos @Bernard Seignouret

Printemps #6 Un vœu, des gueux et une fée

Il paraît que ça porte malheur de dire quel vœu on formule lorsqu’on souffle sur les pistils d’un pissenlit. Du coup, je vais taire le mien, lancé hier les yeux bien ouverts sur ses reflets d’argent. En donnant tout de même un indice. Ce vœu s’écrit sur fond d’arc en ciel en lettres rouges.

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États-Unis. Début du XXème siècle. Des gueux débarqués de l’Europe entière déferlent sur Chicago à la recherche d’un travail dans les abattoirs. Upton Sinclair décrit dans La Jungle l’épopée des ouvriers venus vendre leur force de travail aux magnats de la viande. C’est en lisant  » À la ligne Feuillets d’usine « , le roman de Joseph Ponthus, que j’ai découvert et dévoré ce livre qui fit scandale lorsqu’il parut en 1906. En voici un extrait lu à voix haute.

 

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Camille Thomas est une fée. L’écouter interpréter Donizetti, Purcell, ou un Kaddish de Ravel me procure tant de joie. Depuis le premier confinement, la violoncelliste a joué sur les toits de Paris et puis a choisi de faire résonner son De Munck Feuermann Stradivarius fabriqué en 1730 dans des musées désormais confinés. Elle s’est rendue notamment au Château de Versailles, à l’Institut de France, à l’Institut du Monde Arabe à Paris, et récemment dans les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. « La musique n’a aucun sens si elle n’est pas partagée, confie-t-elle. Sans le moment de communion avec les autres, elle est comme une fleur qui se fane. Le public, c’est l’eau, il lui est essentiel. » Ne laissons surtout pas se faner cette fleur, alors, partageons.

Comme tous les artistes, Camille Thomas est quasiment privée de tout concert en public. Ce printemps, quatre de ses dates ont été annulées : Hong Kong, Dublin, Bonn et Leer, en Allemagne. Pour l’instant, le concert d’Innsbruck prévu le 11 mai est maintenu. Faisons le vœu que Camille Thomas puisse ce jour-là retrouver la scène.

 

Photographie © Dan Carabas / Deutsche Grammophon

Printemps #2 Des voix et le Mont Fuji

Rien de bien neuf avec la nouvelle saison. Je me suis installé devant le printemps naissant dans l’une de mes positions préférées, celle de l’auditeur réfugié sur son île numérique. Et tiens, d’abord, je suis resté fasciné par ces mains sur le Nagra. Elles appartiennent au sculpteur de sons Yann Paranthoën. Je les ai observées en regardant sur la plateforme Tenk le documentaire que lui consacra Pilar Arcila en 2007. Elles montèrent et ciselèrent tant et tant d’émissions et de documentaires, ces mains d’or. Ces mains d’artiste artisan. C’était au temps où la radio se faisait en bande et prenait encore le temps de se ficher de l’air du temps… Paranthoën était breton, fils de tailleur de pierre. Il fut comme un pape de la sculpture de sons, de la création radiophonique. Créatif est un mot minuscule pour qualifier le bonhomme, tant sa patte apporta au genre pendant des décennies. Tant son œuvre reste un patrimoine légué à tous les amoureux et passionnés d’histoires sonores. En écoutant Yann Paranthoën, je suis aussi resté fasciné par son timbre de voix. Doux, juvénile. Comme s’il s’était arrêté à la lisière de la contrée des adultes. Écoute-la à ton tour cette voix, raconter un petit peu de ce qui fut son art.

Samedi, pour me préparer en beauté à dormir soixante minutes de moins – le passage à l’heure d’hiver, avec ses jours qui rallongent, est toujours un moment de l’année que j’attends impatiemment, ce qui était bien moins le cas quand mes minots étaient petits – je suis allé au concert. Au concert ? Parfaitement. Oh, rien de clandestin, non. Très officiel ce concert. À visages découverts. Moussu T et les Jovents nous avaient donné rendez-vous sur Facebook depuis l’Espace Culturel Busserine à Marseille. Pas de public, évidemment. C’était leur premier concert depuis un an. Ils n’ont pas larmoyé sur leur sort, les collègues de La Ciotat, non. Ils ont juste rappelé que comme l’ensemble des artistes, ils désiraient être considérés, respectés. Et que cesse le mépris et l’abandon dans lequel ils sont laissés. Les applaudissements après chaque chanson nous ont manqué. Hélas pas de oaï ni de distribution de pastaga comme jadis aux concerts de Massilia, mais une totale régalade, par écran interposé. Allez, on s’écoute Mademoiselle Marseille.

MoussuT FB

Sinon, dans la série spectacle virtuel, il y a aussi ces quelques photos du Mont Fuji que je bade chaque jour. Monter un jour tout là-haut est l’un de mes plus grands rêves. Je crains de devoir patienter encore quelques années avant de le réaliser. Se satisfaire de le contempler et d’en partager toute la beauté, grâce au photographe japonais Hashimuki Makoto.

Hashimuki Makoto est aussi sur Instagram

Hiver #4 Le Fuji et une apparition

Le retour des engelures, de la goutte au nez, de l’écharpe épaisse et du bonnet. Le givre sur les feuilles,  quelques flocons savourés comme des friandises. Et voilà le désir de Fuji qui renaît.

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Ce rêve de monter jusqu’à son sommet se réveille aussi en été lorsque je pars marcher face aux Pyrénées. Mais voilà l’hiver venu et sans trop savoir pourquoi, le désir d’aller un jour tout là-haut se fait encore plus vivace. Chez mon libraire préféré, j’ai aggravé mon cas en dénichant le livre de Dazai Osamu, Cent vues du mont Fuji, dont l’un des récits est dédié à la mythique montagne japonaise. « Ce soir-là, le Fuji était magnifique. Vers dix heures, mes deux compagnons me laissèrent pour rentrer chez eux. Ne dormant pas, je sortis. J’avais gardé ma veste d’intérieur. La lune jetait un vif éclat sur le paysage nocturne. Merveilleux spectacle : sous les rayons de la lune, le Fuji, translucide, avec ses reflets bleutés. Était-ce un renard qui l’avait ensorcelé ? La montagne, bleue comme l’eau ruisselante. Éclat phosphorescent. Feux follets. Étincelles. Lucioles. Hautes herbes. Kuzuno-Ha. Je marchais tout droit dans la nuit. mais avec l’impression d’être sans jambes. Seul résonnait avec clarté le bruit de mes sandales. – dont on eût dit qu’elles ne m’appartenaient pas, que c’étaient des êtres totalement indépendants de moi. Je me retournai doucement et regardai le Fuji. Il était comme une flamme aux reflets bleus flottant dans le ciel. » Me languis d’aller le voir de près. De jour comme de nuit. Et pourquoi pas avec mon James sur le dos ?

 

Ce concerto en mi mineur d’Elgar, interprété par l’étoile filante Jacqueline du Pré au violoncelle (Daniel Barenboïm à la baguette de l’Orchestre Philharmonique de Londres en 1967),  est l’une des œuvres préférées de la violoncelliste Claire Oppert, reçue par Chloë Cambreling sur France Culture et découverte en podcast cette semaine. Quelle découverte ! La musicienne a choisi d’orienter son art vers le soin et de devenir thérapeute musical. Elle a commencé à jouer d’abord auprès de jeunes autistes, puis auprès de femmes et d’hommes qui vivent dans des Ehpad, et puis dans des unités de soins palliatifs. La musique qui soigne, qui apaise, parce qu’elle parle à l’intelligence du cœur. Parce qu’elle a la capacité d’aller chercher à l’intérieur de chacun ce qui est encore intact et source de joie. 

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Une apparition dans le port de Cannes. Ce cygne en face du vieux quartier du Suquet. Affamé, le pauvre. Il s’est approché lorsqu’il m’a aperçu sur le quai. N’ai eu rien d’autre à lui offrir que mon émerveillement. L’ai salué et lui ai confié un autre de mes rêves, tiens, tout aussi vivace que celui du Fuji : réussir à jouer un jour sur mon James ce morceau-là :

 

Le Cygne de Saint-Saëns – Yo-Yo Ma, violoncelle et Kathryn Stott, piano

 

Hiver #3 Partitions et lectures en tous genres

Se sentir un peu ours sur les bords. Ou marmotte. Tortue aussi. Penser l’hibernation tout en promenant. Deviner soudain les petites taches noires sur la partition embrouillée des nuages. Imaginer une destination à ces nuées d’oiseaux. Près de l’océan, là-bas.

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De retour, retrouver James, mon cher violoncelle. Une bonne heure. Comme chaque jour. Réviser les morceaux déjà appris : L’Ave Verum de Mozart, la petite berceuse de Brahms (Wiegenlied opus 49, N°4) et puis Das Blümchen Wunderhold de Beethoven. Pour la première fois, réussir à jouer ce petit lied sans crisper les lèvres, en cherchant le plus de relâchement possible dans les bras, les doigts et notamment main droite, celle qui tient l’archet. Sentir James vibrer contre ma poitrine et le haut de mes cuisses. Plaisir physique. Mesurer les progrès à toutes petites touches. Peut-être ce mois-ci, la découverte de la quatrième position. Vraiment hâte, mais… apprendre le cello, c’est une école de patience et d’humilité.

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Non-loin du poêle, prendre le temps d’écrire. Retravailler Mireille la Trompettaïre et Aimé le cantonnier avant d’envoyer les deux textes à Céline pour traduction en provençal. Lire dans le semainier d’Anne Savelli « trouver enfin un éditeur ou une éditrice pour Volte-face, mon livre sur Marilyn Monroe ». Bauduennois.e.s anonymes et Norma Jean Baker, même combat… Continuer de fuir les news – télé, radio – , lire dans Le Monde Diplomatique un article passionnant consacré à la résurgence de l’antisémitisme en Allemagne et aux politiques de mémoire instrumentalisées par l’anticommunisme. (https://www.monde-diplomatique.fr/2021/01/COMBE/62660 ) Et puis retrouver avec bonheur, en podcast, Paul Auster, invité de la Masterclasse d’Arnaud Laporte, sur France Culture. « Je crois qu’il faut beaucoup lire et beaucoup vivre pour écrire », confie-t-il. Ça me plaît bien. Vivant je me sens, malgré le mode hibernation. Et lecteur vorace aussi, de jour comme de nuit. Ce n’est pas Herr Edgar Hilsenrath qui dira le contraire.Edgar Hilsenrath

Ema, en mode impromptu

ema

Avant de m’en aller vers quelque jachère estivale, écrire ma profonde reconnaissance à Ema.
Une année que cette musicienne accepta, par la grâce d’une rencontre inattendue, de me guider vers la découverte du violoncelle.
Vers l’accomplissement d’un rêve de jeunesse.
Elle arriva un beau matin avec son Mirecourt, me le tendit puis l’installa contre moi.
Ensuite, elle plaça l’archet au creux de ma main et me laissa commencer à tenter de faire vibrer les cordes.
Une à une.
De la plus grave à la plus aigüe.
Elles sonnèrent un petit peu.
Jusque dans ma poitrine et dans mon ventre.
Ema sourit avec douceur.
Je fus bouleversé de cette confiance et de ce partage impromptu.
Cette émotion reste et restera gravée en moi.
Depuis cette petite heure de rêve, le violoncelle m’accompagne chaque jour.
Gratitude immense à Ema pour ce si beau cadeau de la vie.

 

Impromptu – Franz Schubert (indulgence requise…)

 

Trois petits tours et puis revient (1) Sur la pointe des pieds…

CELLELÀ

 

J’ai dû hériter ça de Papa. Dès le saut du lit, je sifflote, je fredonne, chansonne, chantonne, scie, vibre, vocalise, dans ma barbiche blanche. Ça tourne en boucle dans ma tête, dans crâne, bouche, nez. J’en perds la voix aussi lorsque la gorge se noue. Ça m’arrive, oui.

Un mois que Papa est parti et voilà que ces mélodies se font plus présentes chaque jour. Même dans la nuit ces refrains s’installent. Ils tournent en moi encore davantage depuis les premières heures de ce tunnel de confinement. Parfois je sifflote aussi. Pas toujours juste mais qu’est-ce que ça fait du bien d’accueillir ces sons, de les lancer doucement dans l’espace de la chambre, du bureau, de la salle à manger, du balcon, sur le court chemin des courses vers le pain, le vin, la salade, les lentilles et le fromage.

Ces jours-ci, une envie est née au fond de moi. En douceur. Les partager ces sons. Pas les garder pour moi. Les faire sortir de leur confinement. Les lâcher en liberté. Oser le faire, oui. Sur la pointe des pieds. Et pardon pour les fausses notes, les rythmes à la six quatre deux, les tempos chaotiques. Sans doute un écho à nos quotidiens fragiles de confinés. Allez, la première mélodie nous ramène en hiver avec Franz Schubert. Je ne me lasse pas de ce voyage.

Trois petits tours et puis revient 1

Tant que ne prendra pas fin notre film noir, je viendrai ici chaque matin à 8H30, en catimini, pour partager ce qui rythme mes heures et me tient en éveil près de vous qui fredonnez, chansonnez, chantonnez sans doute aussi.

Am Brunnen vor dem Tor, par Olivia Gay

Et pour les Soundcloudistes

 

Bach, Candice et Sama

grues

Pas un jour sans Bach violoncelle seul les six suites m’accompagnent en écriture Rostropovich Casals bien sûr et Queyras au jeu moins lyrique moins romantique disons davantage protestant l’écoute religieusement et l’emmène avec moi regarder les grues passer là-haut près des des traces fugaces laissées par les avions

un peu de Twitter aussi juste ce qu’il faut pour rester connecté avec celles et ceux dont j’aime la petite musique et justement hier un tweet de Candice Nguyen exilée à Montréal pour combien de temps je ne sais quand reviendra à Marseille reviendra-t-elle mystère mais savoir que tout le temps où je veux quand je veux sa merveille de site m’est ouverte

 

et donc ce tweet qui ouvre la curiosité « Un après-midi avec Sama, la DJ qui a ramené la techno en Palestine » et là je clique découvre l’interview de l’artiste dans Noisey son courage son engagement sa liberté de ton et en quelques minutes par la magie du Web passe du Québec à Ramallah en me disant que Twitter quand même c’est chouette j’écris quand même parce que souvent las me trouve devant la foire aux egos on s’aime mais surtout on aime qu’on nous aime vous me comprenez hein mais bon avec Candice c’est un autre feeling jamais déçu suis par sa curiosité sa poésie et son talent pour partager voilà à mon tour je partage avec plaisir les morceaux de Sama découverts alors que la nuit tombe ici qu’il commence à faire froid dehors moins beaucoup moins qu’à Montréal mais tellement chaud dedans comme à Ramallah cette musique c’est de la régalade.

https://soundcloud.com/sama_saad

 

Une pause mélodique au Parc Montsouris

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Soudain, en plein Parc Montsouris
sur les marches d’un escalier pierreux
naissent quelques notes de guitare
et une voix de femme
parmi les cris d’oiseaux
et le souffle saccadé
du RER juste au-dessus

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paisible cette pause mélodique
que s’offre Louiza Bouchikh
jeune artiste métis
papa kabyle
maman normande
Parisienne ouverte sur le monde
ses gens, ses accents et ses musiques

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