Presque invisibles
elles transpercent le ciel
les grues sauvages
oiseaux
Hirondelles des matins clairs
Jamais ne vous arrêtez
joyeuses hirondelles
le tournis toujours me donnez
à tire d’ailes
j’entends là-haut vos tout petits
les becs offerts
criez criez donc les chéris
un jour aussi fendrez l’air
prisonnier de la pesanteur
je vous envie
jamais ne vivrai le bonheur
de frôler vos nids
hirondelles des matins clairs
jamais ne cessez de voler
que monte vers vous ma prière
pour l’éternité
Jacques a rejoint les oiseaux
Tu t’es envolé –
mon Jacques,
rejoindre ces oiseaux que tu aimais tant
De passage
L’amoureux des perroquets
Enfant, ses amis l’appelaient Jean-des-oiseaux
toujours entouré d’oiseaux il était
une vraie volière, sa maison
aujourd’hui, Jean-Michel-perroquet lui irait très bien
très bavard le Monsieur
et surtout amoureux des huit spécimen qu’il côtoie
de sa salle à manger à sa véranda
de sa cuisine à son jardin
parmi eux, Charlie, un perroquet amazone à front bleu
Voyageuses
Fendent l’air en triangle
les grues cendrées
de retour vers le nord
parfois font demi-tour
puis repartent à l’endroit
ivres sans doute de tant d’oxygène
de tant de caresses aux nuages
les salue et les envie, ces voyageuses
frileuses et courageuses
côtoient les vents et les courants
ne redoutent que les aigles
épousent les saisons
Migrateur
Puisqu’il faut rentrer
redescendre de la montagne
retourner sur le sol d’avant
non-pas cheminer à reculons
non
se placer dans l’autre sens
revenir dans les contrées laissées en friche
redessiner les contours effacés
laisser le ciel peser sur les silences et les cris d’ici
puisque l’heure sonne d’un nouvel abandon
chaque fois il le faut
oui
abandonner encore
toujours pareil
c’est
enfouir à nouveau le lien ténu avec la neige et la glace
gommer l’éclat des roches
rayer l’alphabet des écorces
écrire cette lumière et repartir
puisqu’il faut oser l’au-revoir
tourner le dos
quitter
couper
perdre
s’en remettre à présent aux calligrammes des migrateurs
redécouvrir leur grâce au-dessus des branches frêles
goûter les traces laissées aux pieds, aux doigts, au corps tout entier
puis, savoir se fondre dans les rêves de départ
Der Wanderer – Franz Schubert – chant : Dieter Fischer-Diskau – piano : Gerald Moore
De passage
En fugue
Je marche au soleil sur les traces évanouies des disparus
leurs pas passèrent ici, c’est sûr
mikado d’allées et venues
le sol sait
se souvient mais se tait
s’offre à la multitude
me baisse pour en saisir le sens
tenter
sans cesse surgissent les anciens
seuls
silencieux
en fugue, la substance des trépassés.
J’effleure à l’ombre les empreintes abandonnées des évanouis
leurs mains ouvrirent ces portes connues
claquèrent au mistral
résistèrent au mistral
les poignées recèlent stries de doigts mêlées
ont oublié les sésames
caresse le galbe pour extraire le code
tenter
toujours réapparaissent les enfuis
seuls
silencieux
en fugue, les atomes parfumés des perdus.
Je lance les yeux là-haut vers les oiseaux
le temps d’un clignement ont déserté les fils
bientôt il fera lune et à mon tour m’éclipserai.
Glenn Gould joue la Fantaisie & Fugue en Do majeur K394 de Wolfgang Amadeus Mozart