Missak, mémoire rouge

MISSAK

J’ai découvert hier que c’était la Journée nationale de la Résistance. Me suis souvenu que c’est mon instituteur de père qui m’a appris à le lire ce mot. Juste avant que j’entre à la grande école, je crois bien. Écrit avec un R majuscule. Toujours. Ces dix lettres, je les avais découvertes dans l’Humanité laissée sur le rebord de la table. Imprimées peut-être à la Une. En dessous de la faucille et du marteau. Tout minot, je cherchais tout le temps des mots à déchiffrer, à reconnaître et à mémoriser. Puis à prononcer à voix haute. Pour le plaisir de les dire. Il fallait m’arrêter tellement j’étais bavard. Je fouinais dans les livres, je cherchais des mots nouveaux dans les revues et donc dans l’Huma. Résistance. Papa m’avait ensuite appris à l’écrire. Plus tard, il m’avait raconté. Il était enfant sous l’Occupation, à Marseille. Pas encore communiste. Fils d’ouvrier arrivé de Zurich dans les années 20 et pas du tout politisé. Papa avait revisité ses souvenirs. Je le réentends me dire qu’une image l’avait frappé à l’époque. Une affiche rouge collée plusieurs fois sur les murs de son quartier de Saint-Just. L’Armée du crime. Missak Manouchian. Il m’avait parlé des Résistants. Des Francs Tireurs Partisans – Main d’œuvre immigrée. Des Espagnols, des Arméniens, des Italiens, des Hongrois, des Polonais, aux côtés de Français. Il m’avait dit qu’ils étaient vingt-trois à s’être fait arrêter par les nazis, qu’ils étaient morts en héros, et qu’ils avaient refusé d’être fusillés les yeux bandés. Lui le fils d’immigré, il m’avait demandé de ne jamais oublier ce que les étrangers avaient fait pour libérer la France. Je lui avais promis que je garderais toujours en mémoire Missak et ses camarades. 

 

L’affiche rouge – Louis Aragon – Léo Ferré

Affiche_rouge

Le cauchemar du rescapé

baignoire

Découvert avec effroi hier-soir sur Arte.tv le documentaire Heinrich Himmler – The Decent One consacré à Heinrich Himmler chef de la SS et architecte de la solution finale ai haï encore plus fort le fascisme le fanatisme le nationalisme et dans la nuit a surgi et tourné un cauchemar que j’ai tenté d’écrire tôt ce matin

Les traces de sang ont disparu lorsque la terre a tremblé sous les bombes tombées autour du camp le souvenir des méfaits de l’homme à la tête de mort sur la casquette s’est infiltré peu à peu dans les fissures ouvertes à l’endroit même où il avançait chaque jour en riant en claquant des talons cravache en main posait ses bottes noires là juste entre les deux anneaux puis se penchait vers nous et questionnait à voix basse de plus en plus basse au fur et à mesure que les coups pleuvaient nos silences se sont enfuis nos cris se sont tus nos hurlements ne résonnent plus que dans le crâne nu de l’homme aux lunettes cerclées maintenant que le voilà tête de mort enfoncée dans la bouche empierré et ligoté aux poignées de cette baignoire où il régnait en maître il y a peu avant de quitter le camp nous avons coupé l’eau pour le dissoudre à sec dans sa honte en vain il est trop tard à présent trop tard pour entendre et accepter les pardon pardon qui résonnent jusqu’au plafond de cette salle où l’homme demeure seul à ressasser remords ou peut-être dernières volontés tandis que chaque jour qui passe depuis voit le désert envahir un peu plus la terre et le camp où je me souviens avoir été jeté piétiné ce camp où des nuits entières ai prié pour en ressortir vivant.

après le cauchemar la nausée encore la bête immonde à la tête de mort remue encore et dans ma ville en plus sans que grand monde s’en émeuve

Photo de ci-haut @RomainVeillon

Vinci indésirable sur l’antique carrière marseillaise de la Corderie

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Retourner à Marseille hier dans le quartier de ma jeunesse boulevard de la Corderie si souvent emprunté adolescent pour descendre en ville tourner à droite à Saint-Victor juste après la rue d’Endoume venions de là avec les copains pour aller au ciné à deux pas de la mythique et somptueuse Abbaye avancions vers le Vieux-Port passions en dessous de l’antique carrière grecque exploitée à partir du VIème siècle avant notre ère du temps où Marseille était Massalia pas encore mise à jour à l’époque où la longeais sans le savoir aux côtés de Jean-Marc de Guy et de tant d’autres aujourd’hui Vinci ose vouloir y construire un immeuble résidentiel avec la bénédiction de la Mairie de Marseille et de la Ministre de la Culture pas une semaine sans rassemblement d’habitantes d’habitants d’architectes d’archéologues pour protester contre l’insupportable le sacrifice du patrimoine historique des Marseillais sur l’autel du fric banderoles affichettes pancartes et paroles aussi paroles de colère à commencer par Franck Pini habitant du quartier.

David Coquille est journaliste au quotidien La Marseillaise je garde une tendresse pour ce journal où fus correcteur l’été de mes dix-sept ans ce fut aussi le journal du regretté Jean-Claude Izzo David Coquille donc qui chronique avec talent chaque épisode du feuilleton de l’antique carrière remonté lui aussi devant le scandale de ce projet immobilier cautionné par Jean-Claude Gaudin et Françoise Nyssen.

Ne pas lâcher résister ensemble chacune et chacun à son niveau seule condition pour que ce funeste projet finisse par être enterré dans les poubelles de la ville.

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Lire l’interview réalisée par David Coquille de Georges Heintz, architecte urbaniste et membre de l’Académie d’architecture, publiée dans La Marseillaise.

David Coquille est aussi sur Twitter : @DavidLaMars
Il y tient entre autres la chronique de la carrière antique de la Corderie

Entre violence et espérance

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Jacques parti vers les oiseaux
me suis laissé prendre à nouveau
dans les vibrations colorées du monde
à petites touches
voulais que ce soit doux
ce fut violent

ai une nouvelle fois eu honte
pour l’Amérique qui exclut
mais ressenti grande fierté
devant l’esprit de résistance
qui bat au pays de Donald

usa

revenu chez nous, ai tenté de rester aussi lucide que possible
devant le spectacle de la primaire du PS
moyennement emballé par Benoît Hamon mais désireux d’une gauche unie
sans faux nez
une gauche qui refuse une bonne fois pour toutes
les renoncements et les trahisons
qui jonchent le pauvre parcours du quinquennat finissant
ai mesuré qu’avons devant nous du boulot pour avancer groupés
beaucoup de boulot pour éviter
un très laid remake de 2002

melenchon

une fois n’est pas coutume
me suis posé devant l’ordi pour suivre un programme télé
regardé jusqu’au bout le documentaire que Gérard Miller
consacrait à Jean-Luc Mélenchon
son histoire, son parcours
plutôt séduit par le bonhomme
qui pourtant m’exaspère tant lorsqu’il se met en colère
me suis rappelé le titre du film de Robert Guédiguian
Dieu vomit les tièdes
ai revu le visage de mon grand-père
immigré et exploité
alors j’ai écouté Moussu T

après quoi, apaisé, suis parti retrouver Issa

Petit escargot

grimpe doucement surtout

c’est le mont Fuji !

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Un Bella Ciao pour les femmes d’Amérique

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Bien trop loin d’ici, Washington
hélas …
n’empêche hier
c’est aux côtés des innombrables femmes d’Amérique que j’ai marché
entre le Mémorial Lincoln et les abords de la Maison Blanche
ai mêlé ma voix à toutes celles
atteintes, blessées, meurtries au fond d’elle-mêmes
par la vulgarité, l’obscénité
l’irrespect envers les femmes
le mépris de toutes les différences
la xénophobie
la haine de l’étranger
véhiculés par le 45ème président des États Unis
et comme chaque fois qu’il s’agit de protester, de résister
j’ai chanté Bella Ciao *
et l’ai lancé bien haut, bien loin
jusqu’à l’Amérique outragée

* Cette version de Bella Ciao est l’œuvre de l’Académie de Chant Populaire fondée à Marseille en 1994 par Alain Aubin. Le chœur qu’il dirige interprète un répertoire riche de chants de lutte et de résistance.

Pour prolonger, c’est par ici et par ici .

Un Bella Ciao pour Bruxelles

Bordilles
c’est je l’avoue le premier mot qui m’est venu à la bouche
en apprenant hier la nouvelle de Bruxelles ensanglantée
très laid ce bordilles
presque aussi laid que ordures
traduction en français de ce mot marseillais

bordilles ! j’ai hurlé devant mon écran mais n’ai pas voulu en rester là, non
me suis dit que l’horreur et la peur jamais ne doivent et ne devront
gagner contre la beauté et la paix
alors, ai entonné Bella Ciao *
comme chaque fois qu’il s’agit de penser à résister

puisse ce chant remonter
jusqu’à Bruxelles l’endeuillée

* La version de Bella Ciao ici publiée est l’œuvre de l’Académie de Chant Populaire fondée à Marseille en 1994 par Alain Aubin. Le chœur qu’il dirige interprète un répertoire de chants de résistance et de lutte.

Ne jamais oublier Missak

Extrait des actualités télévisées du 2 Mars 1945. Au cimetière d’ Ivry, on honorait la mémoire de Missak Manouchian et de ses camarades fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Militant communiste et résistant d’origine arménienne, commissaire militaire des Francs Tireurs Partisans-Main d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne, Manouchian fut arrêté en novembre 1943 et condamné à mort comme membre de l' »Armée du crime » ainsi que 23 de ses camarades. Les nazis et leurs amis de Vichy apposèrent leurs visages sur la sinistre Affiche rouge. Ces héros refusèrent d’être fusillés les yeux bandés. À Marseille, je vais souvent saluer Missak Manouchian au Mémorial qui lui est dédié, près du jardin du Pharo. Respect et reconnaissance éternel.le pour Missak, qui entre ce soir au Panthéon aux côtés de sa femme Mélinée, et pour ses camarades fusillés.

Missak

Le buste de Manouchian à Marseille.

 

Je n’oublie pas Missak Manouchian

Extrait des actualités télévisées du 2 Mars 1945. Au cimetière d’ Ivry, on honorait la mémoire de Missak Manouchian et de ses camarades fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Militant communiste et résistant d’origine arménienne, commissaire militaire des Francs Tireurs Partisans-Main d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne, Manouchian fut arrêté en novembre 1943 et condamné à mort comme membre de l' »Armée du crime » ainsi que 23 de ses camarades. Les nazis et leurs amis de Vichy apposèrent leurs visages sur la sinistre Affiche rouge. Ces héros refusèrent d’être fusillés les yeux bandés. À Marseille, je vais souvent saluer Missak Manouchian au Mémorial qui lui est dédié, près du jardin du Pharo. Ce samedi, une cérémonie d’hommage y est organisée à 10 heures. Un autre moment de mémoire est prévu à Paris à partir de midi, devant la plaque apposée en sa mémoire sur l’immeuble qui fut le dernier domicile de Missak Manouchian, au 11 Rue de Plaisance, dans le 14ème arrondissement.

Missak

Le buste de Manouchian à Marseille.

 

Le Chant des Marais résonne en Haute-Provence. Nie wieder faschismus !

Ce Chant des Marais est interprété par des élèves de 3ème du collège du Sacré-Cœur et du lycée Beau de Rochas de Digne-les-Bains, aux côtés des choristes de la Claire Fontaine. Cette aventure artistique et humaine correspond à un projet pédagogique « Mémoire et devenir » lancé à la rentrée 2013, à l’occasion du 70ème anniversaire des années 1944 et 1945, avec l’implication du Service des archives communales – et notamment de son responsable Rémi Garcin, très investi dans un travail de transmission de mémoire – et du Service culturel de la ville préfecture des Alpes de Haute-Provence.
Le Chant des Marais a été composé dès 1933 par quelques détenus politiques allemands du camp de Börgermoor, situé dans une région pauvre et marécageuse de Basse-Saxe, au Nord-ouest de l’Allemagne. Tout d’abord encouragé par les SS comme chant de travail, il a été ensuite interdit car reconnu comme subversif. Ce fut en fait l’un des premiers gestes de résistance aux nazis et il est devenu après la guerre l’hymne commémoratif de tous les anciens déportés, partout en Europe.
Après deux répétitions de travail début 2014, l’enregistrement du chant dans sa version française (harmonisée par César Geoffray), s’est déroulé durant 3 heures hier au centre culturel René Char. L’enregistrement va désormais être gravé sur CD par le technicien son du Service culturel, et il pourra être diffusé lors des cérémonies commémoratives, notamment la Journée Nationale de la Déportation.
Choristes adultes et adolescents se retrouveront une dernière fois le 27 mai prochain, Journée nationale de la Résistance. Ils chanteront ensemble le Chant des Marais dans 3 établissements scolaires dignois : le Sacré-Cœur, les lycées Alexandra David-Néel et Beau de Rochas.

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Au mémorial de Börgermoor.

Nie wieder faschismus ! – Plus jamais le fascisme !

Le Chant des Marais

Loin dans l’infini s’étendent
Les grands prés marécageux
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux

Refrain
O terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher ! (bis)

Bruits de chaînes, bruits des armes
Sentinelles jour et nuit
Des cris, des pleurs et des larmes,
La mort pour celui qui fuit

Mais un jour, dans notre vie,
Le printemps refleurira.
Libre alors, ô ma Patrie,
Je dirai : tu es à moi !

O terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer, aimer !

Le dernier poème de Robert Desnos

Alors que la nuit est tombée, me voici bouleversé par un tweet. Posté par Philippe Briday. Comme nombre de mes amis et amies numériques, il adore la poésie. Ce que je lis et relis est Le dernier poème de Robert Desnos. Chaudes larmes. Frissons. Besoin de le lire à voix haute et de le partager avec vous.

robert_desnos

Robert Desnos, poète antifasciste, résistant et journaliste, est mort le 8 juin 1945 du typhus à Theresienstadt, après avoir été déporté dans plusieurs camps de concentration. Il avait 44 ans.