Il s’est figé au garde à vous lorsque t’es approché pour le prendre en photo
ne t’a pas repoussé de ses gants blancs comme nombre de ses collègues dans d’autres quartiers de la ville
torse à peine bombé tête haute visage impassible pose martiale
gardien d’une rue piétonne calme au début du matin
talkie-walkie pour seule arme
visiblement fier de m’offrir son image de soldat civil encasquetté
Shanghai est truffée de vigiles en tenue bleu foncé
parfois la casquette est moins rigide et le treillis remplace l’uniforme
tu les croises devant les résidences à l’entrée des immeubles des magasins des marchés
certains passent leur journée assis dans leur guérites poussiéreuses à actionner des barrières puis à se replonger dans leur écran de téléphone
furtivement
d’autres s’installent droits comme des i sur de petits tabourets de plastique blanc et saluent au garde à vous chaque fois qu’entre ou sort une voiture aux vitres fumées
tu en as vu avec des brassards rouges comme le drapeau de la Chine
assis sur des tabourets à l’entrée de petites rues
presque endormis
peu concernés par les allées et venues des gens
envahis par l’ennui
sans doute rassurés au fond d’eux par les caméras de surveillance installées en hauteur sur des poteaux grisâtres presque invisibles parfois
invraisemblable déploiement des caméras dans la ville
partout partout
jusqu’au moindre croisement
jusqu‘à la moindre entrée d’immeuble ou d’ascenseur
cela ne saute pas aux yeux de prime abord mais se vérifie lorsqu’on lève la tête
Shanghai est sous contrôle
et tu as beau te sentir non stop en sécurité tu te prends à voir peur.