Carnet d’Afrique #3

foot

Plus tard, l’océan lui tend la main.
Les garçons courent en groupe. Ils avancent à larges foulées au pied des palmiers. Lorsqu’ils s’arrêtent, tractions de jambes et de bras pour se muscler. Peu se lancent dans l’eau. La mer déroule sa robe bleue argent sans insister. S’exercent à la lutte. Colosses ou sauterelles. Tous, le corps doré de poussière de sable. Gri-gris à la taille ou au bras.
Le costume partagé c’est le maillot de foot. Entre les épaules, des noms de joueurs de rêve gravés sur les tissus souvent délavés et troués. Parfois, les shorts vont de paire. Ces parties de ballon sans cages ! Joyeuses et accrochées. Les jeunes jonglent, dribblent et dansent le beau jeu. Marquent peu. Savent-ils que le mirage du foot des riches leur restera mirage ? À moins d’un miracle.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #2

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Il croise dès l’aube les enfants en guenilles.
Longent les baraques cousues de fer blanc. Mendient aux abords des échoppes où s’achète le pain quotidien, le lait en poudre et les bidons d’eau en plastique. Essaims de gamins faméliques. Épuisés. Escouades ensommeillées. Vidées. Des bras et des jambes secs et maigres comme des branchages rescapés du feu. Pleurs séchés au coin des paupières. Morve en filet sous les narines. À chacun sa cuvette en plastique jaune. Ne tinte que de quelques morceaux de sucre lancés par une femme en boubou bouton d’or et turban bleu outremer. Son fils à elle part à l’école en uniforme bleu ciel dans un bus blanc sans équivoque. « Dieu seul ». C’est écrit sur le flanc. Oui, Dieu bien seul face aux petits talibés qui se dispersent comme une volée d’insectes. Le regard de certains teinté de honte. Quelques visages masqués par la cuvette ou un coin de haillon.

(à suivre)

Carnet d’Afrique #1

Afrique1

 

La tiédeur poivrée le cueille en douceur au creux des narines.
S’en envelopper et avancer vers dehors. Retrouver l’Afrique dans l’attente. Immobile. Frissonnante pourtant. Revoir les éclopés affamés de pièces. Frôler les porte-faix aux aguets. Longer les voitures en vrac prêtes à filer sous les maigres étoiles. Les camions essoufflés et leurs chauffeurs électriques au seuil d’une nuit blanche. Les taxis-brousse hérissés de bidons, de cartons et de bagages ficelés au-dessus d’inscriptions dévotes. Les photos de marabouts scotchées aux vitres et aux pare-brise. Vénérés comme guides en médaillon et en affiches tutélaires. Ils protègent. C’est écrit dessus. Leurs turbans décolorés, pourtant. Leurs visages luisants. Leurs joues rondes impassibles. Cerclées de barbe bleue passée. Quel contraste avec les faces émaciées de ceux qui se compressent vers la portière. S’entassent derrière. Au volant, le conducteur porte un bonnet de laine écrue bistre. Trois cahots d’épaisse fumée et c’est le départ. S’engouffrer dans le noir vers le sud qui nous happe.

(à suivre)

 

Livres de ma vie / Oeuvres poétiques de Léopold Sédar Senghor #1

Découvert Léopold Sédar Senghor sur le tard. L’avais écouté parler à la radio. Négritude. Homme noir. Colonisation. Esclavage. Émancipation. Libération. Rêvé de l’Afrique noire grâce à lui – ses poèmes – et Césaire et Youssou Ndour. Et puis un jour, le Sénégal en vrai. En chair et en ciel. Ancrer mes pas sur cette terre berceau. Visiter la maison natale du poète à Joal et redouter au cœur du ventre le retour en Europe. Redouter cet arrachement. Quelques années plus tard, serai bientôt de retour là-bas. Emmènerai ce livre aux parfums d’amour et de liberté. Le montrerai aux enfants du Sénégal et à leurs parents.

 

Senghor

Que fais-tu ?

 » « Que fais-tu ? À quoi penses-tu ? À qui ? »

C’est ta question et ta question. Rien n’est plus mélodieux que le coureur de cent mètres

Que les bras et les jambes longues, comme les pistons d’olive polis.

Rien n’est plus stable que le buste nu, triangle harmonie

Du Kaya-Magan

Et décochant le charme de sa foudre.

Si je nage comme le dauphin, debout le Vent du Sud

C’est pour toi que je marche dans le sable, comme le dromadaire.

Je ne suis pas roi du Ghana, ni coureur de cent mètres.

Or tu ne m’écriras plus « Que fais-tu ? »…

Car je ne pense pas, mes yeux boivent le bleu,

Rythmiques

Sinon à toi, comme le noir canard sauvage au ventre blanc.  »

 

Copyright @ Editions du Seuil

Cloches et Muezzin

Réveillé par les cloches de l’église Saint-Vincent. Elles m’ont aussitôt transporté à Ndianda, village de la communuté rurale de Nguenienne, à 80 kilomètres au sud de Dakar. Y cohabitent en paix église et mosquée. Chrétiens et musulmans s’y respectent. À Joal, où naquit le père de l’indépendance du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, le cimetière est mixte. J’ai choisi ce collage de Corinne Attali pour illustrer ce métissage et ce partage dans le respect de la différence. Valeurs bien trop souvent délaissées dans notre vieille France…

métissage

@ Corinne Attali

Ousmane Sow et Mandela

France Culture en voiture ce midi. La Grande Table. Le rendez-vous que nous donne chaque jour Caroline Broué. Toujours élégante et bienveillante intervieweuse. Face à elle aujourd’hui, un maître de la sculpture, Ousmane Sow, le sculpteur sénégalais. Cela tombe bien, je suis fan depuis longtemps de son travail de géant, de ses statues fières et tourmentées, de ses personnages qui semblent émerger avec violence et fureur de la terre foncée de l’Afrique. Dans son hommage à Nelson Mandela, en ce jour de funérailles, Ousmane Sow a évoqué Victor Hugo, l’un des écrivains qui l’accompagne depuis son arrivée en France en 1957.

Demain, Ousmane Sow sera officiellement installé à l’Académie des Beaux-arts à Paris, en tant que membre associé étranger. Âgé de 78 ans, il est le premier artiste africain accueilli au sein de cette institution, 30 ans après  son compatriote Léopold Sédar Senghor, reçu à l’Académie Française.

L’immense voix de Youssou Ndour

Youssou Ndour a fêté hier ses 54 ans. Quel chanteur ! Quelle envergure ! Quel charisme ! Bien avant de me rendre au Sénégal – je ne remercierai jamais assez Chantal, ma compagne, de m’avoir fait découvrir l’Afrique noire – j’ai été happé par la force et l’énergie extraordinaire qui émane du jeu de Youssou, l’une des immenses voix du monde. Les rythmes qu’il imprime à ses chansons sont étonnants de vitalité et de sensualité. En 2010 avec Chantal, nous avions savouré le concert de Youssou à la Fiesta des Suds, accompagné par son Super Etoile de Dakar. Extrait.
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RFI fête aussi l’anniversaire de Youssou
 Youssou Ndour en écoute sur Deezer
 Youssou Ndour sur Wikipedia
La Fondation Youssou Ndour

On vous invite chez vous

Luc et Niamar Ndour sont deux musiciens sénégalais originaires de Mbour. Ces deux frères installés dans les Hautes-Alpes depuis 2004 ont créé le concept de concert-repas à domicile. Spontanéité, simplicité et convivialité sont les ingrédients de leur réussite. Avec le souci du partage de leur culture. Extrait du chant dédié à Nelson Mandela, hier-soir à Digne-les-Bains.

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Le site de Luc et Niamar

Sénégal # 9 L’heure de quitter l’Afrique

Voici venue l’heure redoutée du retour vers la vieille Europe…
A chaque fois, le coeur serré, il faut dire au revoir aux amis et prendre le taxi vers Dakar, vers l’aéroport.

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Arrivés à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, survient l’heure triste d’une énième coupure avec cette Afrique tout à la fois bouleversante, désespérante et enthousiasmante.