Sur les murs de la ville
l’amour cru poétique
et politique
Séville
SévillHaïku #12 Le vieux peintre
Toujours ses fenêtres ouvertes
le vieil et généreux
artiste peintre
ne s’isole de la rue
José Pérez Conde
que tard dans la nuit
lorsque il va au lit
sinon, demeure toujours grande ouverte
à la vie de sa rue
aux passants curieux
aux échanges improvisés
depuis son salon-musée
où se côtoient vierges et tableaux
à bientôt 80 ans
José peint et sculpte moins souvent
se souvient du temps de sa jeunesse
raconte avec pudeur
son passé en beauté
car fut restaurateur de tableaux
au Musée des Beaux-Arts de Séville
et à Madrid
au Musée du Prado
SévillHaïku #11 À la Casa del Flamenco
Tous les soirs en spectacle
Casa del Flamenco
ces artistes d’ici
jouent ensemble chaque soir
en plein cœur de Séville
dans un patio au large tablao
et aux azulejos foncés
tous sont enfants d’Andalousie
nourris depuis petits
de ce chant fiévreux
ces danses en arabesques
ces fiers et sensuels jeux de mains et de pieds
douloureux et plaintif
leur art conte la passion
les amours impossibles
dévoile avec fougue
les plaisirs offerts
il évoque en pleurant
le deuil
l’absence
les souvenirs enfouis
et leurs chagrins profonds
SévillHaïku #10 Au Flamenco Bar
Au Flamenco Bar
chacun est libre
de jouer ou d’écouter
le professeur et son élève
partagent leur vie
et leur passion du flamenco
en ce lieu aux murs tout blancs
petit et bondé
repère discret et réputé
des aficionados de leur art
SévillHaïku #9 Une Toccata pour Murillo
Sur son orgue doré
le virtuose offre
Bach à Murillo
une brillanteToccata et fugue en ré mineur
le chef d’œuvre de Jean-Sébastien Bach
pour célébrer les quatre-cents ans
de la naissance ici du peintre baroque
Bartolomé Esteban de son prénom
vénéré par Séville
comme son aîné Velásquez
privilège d’assister
au concert-hommage
donné en l’église toute en dorures
de l’Hospital de los Venerables *
le virtuose
Padre José Enrique Ayarra
est depuis bientôt un quart de siècle
organiste titulaire de la Giralda
la monumentale cathédrale sévillane
ce grand maître de l’orgue
a donné plus de mille concerts
dans trente deux pays
* jusqu’au deux avril
l’Hospital de los Venerables
accueille une expo dédiée
aux deux peintre enfants de la cité
Illustration de ci-haut : La Vierge de l’Immaculée Conception – Murillo
SévillHaïku #8 Yo soy Gitana !
Font la fête entre femmes
avec à gogo
alcool et flamenco
https://soundcloud.com/ericschulthess/yo-soy-gitano
le rendez-vous des copines
ce bar du quartier
Las Alamedas de Hercúles
décompressent ensemble
après longue semaine
boulot casa minots
ne sont pas les seules à Séville
à s’escaper ainsi le samedi
pour retrouver l’ambiance
du temps où leur vie
ne s’écrivait pas encore
avec chéri ou mari
SévillHaïku #7 L’entraînement des costaleros
Les yeux lancés vers avril
s’entraînent dur
les porteurs de pasos
https://soundcloud.com/ericschulthess/les-costaleros-a-lentrainement
à trois semaines de l’ouverture
de la Semaine Sainte
croiser dans Séville
à l’approche du soir
les costaleros en plein effort
les écouter racler semelles
sous leur gigantesques autels
pour l’instant ni Christ ni Vierge dessus
mais le paso pèse son poids de bois
et il faut à chacun
régler son pas
accorder son rythme
avancer en harmonie
guidé par un pilote
de la même confrérie
se poser un peu parfois aussi
et repartir jusqu’à la tombée de la nuit
SévillHaïku #6 Soudain Chopin
Sur l’avenue bruyante –
son offrande,
des Nocturnes de Chopin
Il a appris le piano en solo
Francisco
à peine un peu plus de trois ans
quelques cours quand-même
depuis janvier
désire en vivre
passe des heures sur son piano droit
chez ses parents où il demeure
parfois les voisins s’agacent
alors il sort
le soir
et vient s’installer
Avenida de la Constitución
en face de la station de tramway
Archivo de Indias
Francisco joue Chopin
Nocturne N° 20
s’en émerveille
dans la housse de son instrument
tombent les pièces
pas une fortune
mais ne se plaint pas
et lorsque la ville se fait silencieuse
il s’arrête
donne quelque monnaie
au sans domicile voisin
et retourne d’où il vient
reviendra demain
SévillHaïku #5 Les étudiants de la Tuna
Dans leurs costumes d’époque
ils chantent pour
quatre sous espagnols
tradition vivace ici
les Tunas regroupent des étudiants
le soir
se promènent de bar en bar
avec leurs instruments
et offrent chansonnettes
en échange de quelques pièces
sur leur poitrine en travers
une beca
large bande aux couleurs de leur université
le vert sur celle de ceux-ci
raconte qu’étudient
vétérinaire ou pédagogie
au Cafe-Bar La Teresas
ces Tunos m’ont sorti
du labyrinthe empreint de passion
de nostalgie aussi
des affiches et photos
dédiées à l’aficion
SévillHaïku #4 Près du Guadalquivir
Près du Guadalquivir
les rameurs ignorent
les bateaux à touristes
Un fleuve ça n’est pas la mer
mais la promenade ouvre aussi l’horizon
sur les deux rives de la ville
les unit et les sépare
les rassemble et les éloigne
Séville touristique d’un côté
fière de son histoire multi millénaire
où tinte sur les pavés
le clac clac des sabots
des chevaux en calèches
et où résonne en bord de fleuve
ces pasos dobles qui invitent
à se promener sur l’eau
en face Triana
quartier populaire
fier de ses artisans d’azulejos
Triana amoureux de ses toreros
même si c’est sur l’autre rive
que se pressent les aficionados
à la monumentale Maestranza
la Plaza de toros
lorsqu’arrive l’heure de la Feria
la Maestranza où trône Curro Romero
le Pharaon statufié en bronze
non-loin de l’hommage à un autre maestro
Wolfgang Amadeus Mozart