
Ça m’aurait bien plu de monter dans la cabine de pilotage du Shinkansen, しんかんせん qui m’emmenait vers le sud, en direction du Mont Fuji. Minot à Marseille, je me rêvais conducteur de locomotives. Lorsque nous prenions le train Gare Saint-Charles, je voulais toujours les approcher. Elles m’émerveillaient. Autre monde au départ de Tokyo, mais j’ai ressenti la même fascination devant ce TGV à la japonaise, tout blanc et au museau oblong comme celui d’un animal des grands océans. Seulement voilà, je n’ai pas osé demander au conducteur s’il m’acceptait à ses côtés. Tant, il m’aurait dit oui. Sans doute m’aurait-il poliment expliqué que non, une telle aventure est prohibée par le règlement de sa compagnie.

Comme un petit clin d’œil consolant, c’est la voiture 13 que ma réservation m’avait affecté. La sortie de Tokyo a duré au moins vingt bonne minutes, je crois bien. Quitter la mégalopole m’a rappelé le voyage au départ de Shanghai vers la montagne, vers Moganshan, il y a huit ans. L’impression que la ville ne s’arrête jamais, que les immeubles et les rues se succèdent interminablement. Et puis enfin, du vert tendre à travers la vitre. Des rizières au premier plan et un peu de montagne au fond.

Je ne sais plus exactement à quel point du trajet – Tokyo-Mishima, puis Mishima-Fujinomiya – j’ai pu apercevoir pour la première fois le Mont Fuji. Il a surgi au-delà d’un pont, tout au fond du cadre. Il a montré juste un petit bout de son sommet, tout gris, orné de quelques blancs nuages, avant de se cacher derrière une succession de pylônes et d’immeubles à l’approche de Mishima.


Hokusai n’aurait certainement pas dessiné une estampe depuis ces points de vue, mais je m’en suis contenté, tout heureux de savoir qu’on ne m’avait pas menti. Le mystérieux Fuji san, 富士山 m’attendait là-bas, lui que je n’avais fait que survoler il y a douze ans lors de ma première venue au Japon.
(… à suivre)