carnet d’écoute 2 (1)
Dès que je me suis installée devant le grillage qui sépare le boulodrome Saint-Victor de l’antique carrière de la Corderie les flics sont arrivés une poignée pas plus arnachés comme pour affronter des ennemis surarmés casques gilets pare-balles boucliers protège-genoux le regard vissé sur la foule des habitants qui viennent chaque jour parler de leur amour pour ce patrimoine marseillais qu’on veut leur arracher moi je me suis assise sur mon petit tabouret de camping pliable j’ai sorti mon violoncelle de sa housse et j’ai commencé à jouer tranquille les yeux baissés vers l’ocre de la terre puis levés vers le ciel d’hiver plus un bruit de pas en face de moi Bach seulement par la grâce de mon archet sur les quatre cordes ensuite tout est allé très vite chacun s’est pris par la main une chaîne humaine s’est formée sur des dizaines de rangées les policiers n’ont pas bronché lorsque la foule a renversé le grillage j’ai continué à jouer et une vieille dame est venue me glisser à l’oreille « quelque part, là je jouis ! »
soyez béni !