À La Ciotat, Moussu T e lei Jovents embarque pour SOS Méditerranée

Je n’oublierai pas ce samedi 22 juillet à La Ciotat. D’abord parce que j’ai retrouvé Moussut T e lei Jovents en concert au Bar O’Central, dédié à SOS Méditerranée et parce que j’ai pu rencontrer Anthony 35 ans, Corse et capitaine de marine marchande. En mer toute l’année, il choisit pendant ses vacances ou ses jours de repos, d’embarquer à bord de l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée.

Inoubliable aussi ce samedi-là parce que j’ai assisté à la traditionnelle et très drôle course de baignoires organisée dans le Port Vieux de La Ciotat par l’association Ciotat Chourmo. En fin d’après-midi, après quelques pastis, j’ai pu bavarder avec Chichi d’or, le déclameur de l’asso, qui a invité SOS Méditerranée à être de la fête.

course de baignoires

baignoiresLaCiotat

Cigales du matin

cigales

Cigales du matin
pas chagrin
dès les premières lueurs
chantez en chœur

reines du camouflage
vous répandez
vos ondes de gaieté
sur tout le paysage

cigales du matin
pas chagrin
s’il vous plaît
de célébrer l’été
jamais ne cessez

Comme une Reine des surprises

commeunereinedessurprises

Où est passée la mer
me suis demandé hier

à peine deviné sa trace
humé sa présence
en dessous de la blancheur des roches
tandis que la brume remontait jusqu’au vieux sémaphore

et là, comme un enfant naïf
j’ai cru voir la mer tout là-haut
vêtue de bleu azur comme une Reine des surprises

Demain il fera beau

Demain ilfera beau

Revenir au pays
là où marchions ensemble
il y a combien de jours et de jours, dis ?
poser les yeux où si longtemps tes yeux se posèrent
d’est en ouest
vers Planier aussi
et puis auprès des bateaux de retour des îles
lancer le regard jusque derrière les limites de cette ville
où tu me donnas vie
guetter la fuite du jour
et savoir
ce soir peut-être encore plus profond que les autres soirs
que demain il fera beau

 

Onze femmes de Shanghai 十一个上海的女人

femmesdeshanghai2

Raconter en trois phrases un personnage en le décrivant « non pas en général, mais dans un moment précis d’une histoire…. non pas depuis lui-même, mais depuis son contexte et ce qui le meut ».
En raconter onze en tout.
J’avoue que j’ai tourné viré pendant de longues semaines avant de me lancer sur les traces des 68 contributeurs qui se sont avant moi laissé tenter par l’invitation-proposition de François Bon sur son Tiers Livre.

Peu ou pas inspiré suis depuis de très longs mois. Deux romans en jachère. N’arrive pas à faire émerger les mots qui pourraient leur donner un semblant de suite.
Seuls quelques poèmes parviennent à s’échapper de temps en temps de mon stylo.
Au quotidien, se résoudre à répéter et conjuguer le mot résilience au fond du brouillard de soi-même, et pas que dans l’écriture.

Et puis, une petite embellie avant-hier à la lecture de la très belle contribution d’Arnaud Maisetti à l’atelier de François. Ses onze personnages esquissés à partir d’expériences de voyages m’ont renvoyé illico à Shanghai, si chère à mon cœur.
L’an passé, mon voyage là-bas m’avait inspiré plus de cinquante Shanghaikus.
Je les ai revisités et me suis lancé en choisissant onze femmes approchées lors de mes séjours annuels à Shanghai.

Pour le plaisir et le mystère de la calligraphie, j’ai demandé à ma fille de traduire le titre de ce billet, en attendant de pouvoir moi-même un jour écrire correctement en chinois.

十一个上海的女人

1. Jia Jia dessine sur la peau des hommes les tatouages qu’ils ont choisis.
Au revers de sa main qui danse au rythme de l’aiguille gorgée d’encre, elle s’est fait tatouer le Mont Fuji d’Hokusai. Il l’accompagnera cet hiver au Pays du Soleil Levant, dans son premier voyage hors de Chine.

2. En attendant que le feu passe au rouge, Feng fredonne la ritournelle triste diffusée par son autoradio. Elle voudrait bien rentrer chez elle après ses dix heures de volant, mais tant que des bras se lèveront au-devant de son taxi, elle continuera de braver les embouteillages. À bientôt 70 ans, Feng travaille sans compter pour payer les études de son fils, futur avocat d’affaires.

3. Rue Fuzhou Lu, Zhen agite un éventail pour chasser la vapeur qui s’échappe de trois petits paniers ronds en bambou. Debout dans un réduit brun de crasse coincé entre une boutique dédiée à la calligraphie et un salon de coiffure, Zhen vend ses raviolis à la pièce. Un très vieil homme est allongé devant une télé miniature au fond du réduit. Sans doute son père.

4. Mei brandit en souriant la grosse pomme de terre arrachée du sol noirâtre de sa parcelle. Avec son mari Wang, ils se sont installés là un beau jour sans rien demander à personne. Depuis, sans rien échanger d’autre que des éclats de rire, ils cultivent leurs légumes. Mei et Wang n’ont jamais eu d’enfant.

5. Hua a oublié le son de la première pièce jetée par un passant sur le trottoir où elle joue du ErHu près de la station de métro Xindianti. Hua ne connaît ni le visage ni le prénom du jeune homme qui chaque jour la ramène chez elle sur son vélo. Hua est aveugle et fêtera ses vingt ans le mois prochain.

6. Ting Ting est en colère mais seule Niu, sa fille de cinq ans, le sait. Tout à l’heure, à la sortie de l’école, elle a tendu la main au maître mais il l’a ignorée. Au début de l’année, pourtant, elle était allée le saluer. Il lui avait même souri. Aujourd’hui, il n’a parlé qu’avec les mamans qui lui tendaient une petite enveloppe.

7. Agenouillée face à une croix aux lumières fluorescentes rouges, Xia-He murmure sa prière à Jésus les yeux fermés. Elle a rencontré le pasteur et la foi au moment où son fils Deng s’enfonçait dans l’alcoolisme. Aujourd’hui Deng est mort et Xia-He se rend au temple chaque jour.

8. Yun ne dit jamais un mot aux joueurs dont elle porte le sac sur le parcours du Sheehan Golf Club. Elle se contente de leur sourire, de tenir le drapeau sur le green et de leur nettoyer les clubs, comme on le lui a appris. Parfois on lui tend la pièce après la partie. Yun la refuse toujours et tente d’oublier qu’ici, le droit de jeu dépasse ce qu’elle gagne en un mois.

9. Li Na avait trouvé une place de vendeuse chez un boulanger installé près du Bund. C’est la première fois qu’elle travaillait depuis la fin de ses études de psychologie. Li Na s’y plaisait bien, mais demain, il lui faudra quitter la boutique car son patron l’a surprise ce matin en train de manger un croissant en cachette.

10. Lo Shen n’en peut plus de cette chaleur dans la salle d’attente. La climatisation est en panne, ils lui ont dit à l’accueil de l’hôpital. Près de six heures qu’elle patiente parmi des dizaines d’autres mamans et elle n’est pas sûre de passer avant la nuit. Lo Shen n’a plus d’eau à donner à Zhou, son fils de six mois, exténué de fièvre.

11. Dans l’avion qui la ramène au pays, Xiu ne relève pas les sourires moqueurs et les plaisanteries grivoises de quelques passagers avinés. Elle continue de leur servir du champagne, le visage impénétrable. Demain-matin, elle ira réclamer à sa compagnie de ne plus l’affecter sur la ligne Shanghai-Paris.

Aux premières loges

auxpremieresloges

Dresser l’oreille
juste avant les éclairs
dans la moiteur de l’air
ma rue est un concert
piano, violon et hirondelles

encore quelques mesures
et le tonnerre approche
la féerie du matin
s’enfuit le long des murs
je reviendrai demain

 

Rêve d’orage

IMG_5756

Rêver d’orage
deviner le sombre
masqué par le doré
laisser grandes ouvertes les fenêtres
à peine clore les volets
laisser retomber le poids des heures
leur fureur comme leur vacuité
s’allonger et fermer les yeux
écouter le tonnerre approcher
l’entendre passer aux ras des toits
comme un avion de guerre
attendre un orage de paix

Il fait si chaud

chatdormeurlivres

Plus rien à lire ici
plus rien à découvrir
plus rien à écouter
sinon le frôlement fugace
des passants silencieux
des enfants pressés

il fait si chaud que mes heures défilent
à siester à l’aplomb des maisons

grand temps que reviennent les saisons
des journées fraîches
des passants bavards
des enfants étonnés
des livres palpitants

Hirondelle du toit d’en face

 

hirondelle1Juste en face est un nid
tout seul
tout rond
sous le toit bâti

dès l’aube il émet les cris
lancés par la petite hirondelle
à sa mère déjà partie
vers le ciel et ses insectes

je guette son retour fugace
quelques secondes à peine accrochée
pour donner la becquée
puis repartir sans tarder

j’aime quand elle virevolte
et trace de son ventre blanc
ses fugaces calligraphies
arabesques gorgées de vie

elle plane au-dessus des toits
jusqu’au crépuscule gris
où peu à peu s’efface et s’oublie
la déchirure de son cri

hirondelle du toit d’en face
reste encore un peu avec moi
le temps que ton petit s’envole
de ce nid rond comme une nasse

pourvu que bientôt reviennes
lorsque l’été s’éteindra
j’attendrai tout le temps qu’il faut
pour contempler tes ébats

hirondelle2JPG

Hirondelles des matins clairs

hirondelles

Jamais ne vous arrêtez
joyeuses hirondelles
le tournis toujours me donnez
à tire d’ailes

j’entends là-haut vos tout petits
les becs offerts
criez criez donc les chéris
un jour aussi fendrez l’air

prisonnier de la pesanteur
je vous envie
jamais ne vivrai le bonheur
de frôler vos nids

hirondelles des matins clairs
jamais ne cessez de voler
que monte vers vous ma prière
pour l’éternité