Jour après jour, un chapitre lu à voix haute de À la ligne – Feuillets d’usine, le roman de Joseph Ponthus (Chapitre 65)
Pour accompagner jusqu’à lafin la lecture du roman de Joseph Ponthus, chaque jour un titre de l’album Chansons d’usine, créé en 2019 à partir du livre par Michel Cloup Duo et Pascal Bouaziz.
Garçon Souris : – Il paraît qu’on s’en va aujourd’hui…
Fille Souris : – On s’en va où ?
G. – On se lève et hop !
F. – Comment ça, hop ?
G. – Le magasin rouvre, quoi !
F. – On redevient essentiels ?
G. – Il paraît que oui
F. – Et le virus alors ?
G. – Tout pareil
F. – Tout pareil quoi ?
G. – Il est toujours là
F. – Rien ne change alors ?
G. – Si, Noël approche !
F.- On va revoir le soleil alors ?
G. – Peut-être
F. – Pas sûr ?
G. – Il faudra se faire acheter !
F. – Et si personne ne veut de nous ?
G. – Nous resterons cloîtrés au pays des jouets
F. – On est bien quand même ici sur nos petits fauteuils
G. – Mouais… ça manque de vie, tu ne trouves pas ?
F. – La vie, c’est donc dehors que ça se passe ?
G.- La vraie vie, ce n’est pas dedans
F. – La vraie vie, c’est au-dedans de soi aussi
G. – Oui, oui. Mais pas de dedans de soi sans le dehors
F. – Tu philosophes maintenant ?
G. – Depuis le printemps, j’ai appris ; nous avons eu le temps de réfléchir, non ?
F. – Donc là, toi tu dis Youpi Tralala ?
G. – Je dis Ouf, surtout !
F. – Ouf, tu sais, c’est fou à l’envers…
G. – Oui, oui, c’est fou ! À l’image de nos vies…
Oui Oui au Pays des Jouets – Générique
Contribution #25 J’accueille aujourd’hui les photos et les mots de Delphine. Mille mercis !
Sur les hauteurs de Foix. De là-haut, rien n’a changé…
En suspension, hors du temps, retrouver la foi, miracle de la nature.
Rien n’a changé.
Un jour, un jour – Jean Ferrat chante Aragon
Remerciements chaleureux à Claude, Dany, Mimi, Dominique, Éric, Josie, Chantal S. C. , Anne, Noémie, Christine, Zoé, Chantal H. , Romain, Georges, Joss, Momomi, Toshiko, Paule, Annick, Franck, Mireille, Patricia et Delphine pour leur amicale participation au feuilleton, en photos et en mots. Ce fut un grand plaisir de lecture et de partage.
Oui, ils nous bastonnent. Oui, ils nous passent à tabac. Oui, ils nous contraignent. Oui, ils nous humilient. Oui, ils nous serrent la vis. Oui, ils n’ont pas de figure. Oui, ils nous pompent l’air. Oui, ils se croient tout permis. Oui, ils nous épouvantent. Oui, la casse va être terrible. Oui, nous nous souviendrons que nous avons eu peur. Oui, nous avons honte. Oui, nous sommes en colère. Oui, nous gardons la foi. Oui, la vie retrouvera un visage paisible. Oui, un jour, ça finira par passer. Oui, la route se dégagera bientôt. Oui, nous nous reprendrons à chanter et semer ensemble. Non, nous n’oublierons pas. Non, nous ne pardonnerons pas.
Esperanza – Ryon
Contribution #24 J’accueille aujourd’hui les photos et les mots de Patricia. Grand merci.
Il renferme bien des secrets, le lac où baigne mon village. Bien des souvenirs aussi. Du temps où nous vivions dans l’insouciance. Comme en apesanteur, dans cette Haute-Provence baignée des dieux. Mais l’accord parfait de ce ciel et de cette eau nous donne confiance en des jours plus souriants, plus paisibles, plus joyeux, plus légers. Comme au temps d’avant…
Comme un soudain désir de mer, de flots, d’embruns, de vagues qui tapent, d’écume qui danse, de palmes et de tuba, de nage vers le large, d’yeux qui piquent, de rochers salés, de crabes qui pincent, d’algues qui glissent, d’arapèdes qui s’accrochent, de poissons qui promènent, de coquillages qui coupent, de bateaux qui croisent, de gabians qui crient, de soleil qui cuit, d’horizon qui se dégage. Désir, ô désir, calme-toi, mon ami ! Tempère-toi si tu le peux ! D’ici, la mer t’attend hélas bien au-delà des vingt kilomètres autorisés. Alors, prends le large autrement. Évade-toi sur d’autres voies et poursuis ton inlassable et pénible marche sur les sentiers de la patience…
Well You Needn’t – Thelonius Monk (Live à Paris 1961)
Contribution #23 Accueillons aujourd’hui les photos et le texte adressés par Mireille. Mille fois merci !
Malgré cette période difficile, je voudrais être optimiste car je me sens privilégiée tous les matins lorsque j’arpente toutes ces jolies petites rues du Roucas et que j’aperçois cette belle Méditerranée si bleue si calme et solitaire sans les bateaux. Je recharge mon esprit de positif et je reprends espoir. Alors je voulais partager ce moment de bonheur avec ceux qui n’ont pas cette chance. Bonne journée à vous tous !
Le Moment. C’est un bien joli nom pour une librairie indépendante. Laure et Olivier, les libraires de la commune où je vis l’ont choisi. Avant le re-confinement, il m’aurait fallu l’écrire au pluriel parce que j’y passais du temps au Moment. Régulièrement. C’était essentiel de venir y flâner, échanger avec eux, s’entendre suggérer une lecture, conseiller un auteur, partager un coup de cœur, se laisser tenter et souvent acheter illico. Essentiel, oui. Depuis début novembre, ces moments se sont fait forcément moins nombreux et surtout très fugaces. Il a fallu se résoudre au clique et collecte. À chaque fois, entrer pour payer, prendre le(s) livre(s) puis ressortir dare-dare. Très frustrant pour eux comme pour moi. Mais bon, pas question de se couper les uns des autres. Le lien n’est pas rompu et c’est déjà ça. La pile de mes livres commandés par téléphone puis collectés s’est agrandie et ça n’est pas fini. Provisions pour l’hiver et les mois de claustration supplémentaires qui se profilent. Essentiel aussi de bien prendre la mesure de ce que l’adjectif non-essentiel – nos gouvernants n’ont quand même pas osé imposer d’en fabriquer des étiquettes en grosses lettres à coller sur les vitrines – a pu et peut encore provoquer comme colère, dégoût, sentiment d’injustice et d’humiliation chez Laure et Olivier tout comme chez tous les commerçants * contraints de rester fermés depuis toutes ces semaines, sauf pour le clic and collect. Et même si les librairies et autres commerces – à l’exception des restaurants et des bars – pourront rouvrir ce samedi 28 novembre, il est essentiel de ne pas oublier qui sont les responsables de cet abandon majuscule. Pas de pardon pour ces saboteurs de la culture et de notre vivre ensemble, qui permettent sans état d’âme dans le même temps à Amazon de continuer à étendre son réseau en France.
Essentielles – Ibrahim Maalouf
* Quitte à être mis à poil par le gouvernement, on a choisi de le faire nous-même !
Olivier s’est associé aux commerçant.e.s et artisans solidaires – qualifié.e.s de non-essentiel.le.s – qui ont choisi de protester et de résister aussi en photo, lors d’une séance de pose qui décoiffe. Sauras-tu le reconnaître ?
Ressortir le vélo. Besoin de tourner les jambes, même condamné à rester loin de la montagne escaladée jadis mais aujourd’hui interdite. Me vêtir chaudement car ça commence à pincer. Tirer sur les cuisses quand ça monte un peu. Grimacer. Respirer plus vite. Plus fort. Souffler. Retrouver la bonne trajectoire vers le bas de la pente. Réentendre le petit clic clic clic métallique du pédalier en roue libre. Savourer le tout léger frottement de la chaîne sur les pignons en ajoutant quelques dents. Aller saluer en vitesse mes copines les brebis. Leur lancer quelques bêêêêêê. Sourire de leur indifférence. Me remettre en selle. Pédaler souple. Savourer l’air frais sur les joues. Revisiter le Ventoux et l’Izoard, par flashes teintés de plaisir et de souffrance. Me rappeler les si précieux mots de Franck et de son papa qui me portèrent un jour avec amitié jusqu’en haut de l’Aubisque et du Tourmalet. Un coup d’œil sur la montre. Me résoudre à m’arrêter au bout d’une heure. Maudire les interdits absurdes. Envoyer au diable les faiseurs de lois liberticides. Lancer ciao bello ! à mon vieux Bianchi en le remisant. Me languir de la prochaine sortie. Rêver à une randonnée tout là-haut avec mon ami. Accueillir sa photo et ses mots, pour la contribution #22 Mille fois mercis, Franckie !
» Ce n’était rien qu’un peu de miel, mais il m’avait chauffé le corps, et dans mon âme il brûle encore à la manière d’un grand soleil. » Ne serait-ce qu’un instant, revenir dans le temps…
Depuis quelques jours, me voilà plongé dans le roman fleuve d’Herman Melville et accompagné de Moby Dick presque partout. Longer de larges demeures aux murs tout blancs, elle apparaît en plein soleil. Entendre le vent s’engouffrer dans une ruelle, la voilà qui se met à souffler. Devant ce jet d’eau, tout en haut d’un boulevard au visage charmant et paisible comme celui de l’océan avant le surgissement de la blanche baleine géante, Moby Dick n’en finit pas de respirer par son évent. Au stade de ma lecture, le monstre n’est pas encore apparu mais je sais qu’il ne tardera pas. Je me languis de le découvrir. Pour l’heure, je navigue paisiblement sur un baleinier, juché au poste de vigie et je savoure le voyage :
« Les trois hauts mâts dont occupés constamment du lever au coucher du soleil, les gabiers de l’équipage y prenant poste à tour de rôle (comme à la barre), et s’y relevant de deux heures en deux heures. Sous les cieux sereins des tropiques, c’est chose extrêmement agréable que d’être de vigie ; non, non ! pour un esprit méditatif et rêveur, ce sont de pures et suprêmes délices. Vous êtes planté là-haut, à quelques cent pieds au-dessus des ponts où l’on entend plus rien, déambulant à travers l’océan comme si les mâts étaient pour vous d’immenses échasses ; cependant qu’à vos pieds, entre vos jambes mêmes dirait-on, naviguent dans les eaux les plus fabuleux monstres de la mer, exactement comme autrefois passaient les voiles des bateaux entre les bottes du célèbre Colosse de Rhodes. Vous êtes là, perdu dans l’infini de la houle incessante et le déferlement immense des vagues de la mer ; pas d’autre bruit que le souffle de ces eaux. Le navire en extase se berce avec indolence et lenteur ; des alizés, les somnolentes brises vous caressent ; tout en vous se fond et s’évanouit en langueur. C’est que vous êtes la plupart du temps, dans cette vie de baleinier du Sud, dans une sublime ignorance de tous les évènements : pas de nouvelles à apprendre ; nulle gazette à lire ; nul article sensationnel avec des titres à tout casser pour des banalités, qui vous entraîne en des excitations indues… »
Another Day In Paradise – Phil Collins
Contribution #20 Ce sont les photos et les mots de Toshiko, adressés depuis Kamaishi au Japon, que nous accueillons aujourd’hui. Grand merci ! ありがとうございます
Beau ciel ! Aujourd’hui, je suis allé à l’intérieur des terres. La préfecture d’Iwate possède l’un des observatoires astronomiques nationaux. Le directeur, le professeur Homma, est le représentant de l’équipe japonaise pour le Black Hole Photo Project lancé l’année dernière. Le ciel était très beau grâce au beau temps. Le paysage des rizières après la récolte du riz était aussi magnifique.
Contribution #19 Place aujourd’hui aux photos et au texte adressés par Paule. Gratitude.
Et les jours s’égrainent, inexorablement. Ils passent dans notre vie comme passent les nuages dans le ciel, parfois teintés de rose, parfois de gris. Le temps qui s’écoule nous prive désormais de tous ces voyages improbables, de ces longues promenades sur des grèves oubliées, sur ces sentiers de montagne esseulés, sur ces plages lointaines où les alizés font frémir les grands filaos, sur ces larges avenues où les feuilles des platanes tombent en pluie dorée l’automne venu… Mais, peu à peu reviendra l’espoir de réaliser nos rêves d’évasion et de liberté. Soyons confiants. Le bonheur, il faut le goûter lorsqu’il est là, à portée de notre main, de notre cœur. Intensément, pour que son souvenir vienne adoucir nos jours de grande nostalgie et accrocher un sourire sur nos lèvres…
La petite mésange charbonnière m’a dévisagé un court instant lorsque je suis sorti de la boulangerie. La rue était très calme. Il faisait frisquet. Je ne sais plus si c’est son chant qui m’a fait dresser l’oreille ou si c’est le balancement de la branche sur laquelle elle était posée qui m’a capturé le regard. Peut-être les deux à la fois, dans la même seconde. Je me suis approché et hop, la mésange s’est envolée de l’autre côté du petit pont, pour se jucher tout en haut du poteau en fer forgé où l’on accrochait le panneau des fêtes, au temps où il y avait encore des fêtes. Je ne sais pourquoi elle s’est arrêtée de chanter dès lors que j’ai lancé mon regard vers elle, au pied du poteau. J’ai osé siffler quelques notes pour l’encourager mais ça ne lui a pas donné envie de tenter un duo. Alors, je me suis tu. Elle a lâché une minuscule fiente et a disparu au-dessus des toits.
Alone Together – Chet Baker
Contribution #18 Accueillons aujourd’hui les photos et le texte de Momomi. Mille mercis.
Qui a dit que la vie parisienne était stressante ? En temps normal, peut-être. Mais quand on a de beaux couchers de soleil et que le chat me regarde travailler de mes mains, que voulez-vous de plus ?
Redescendre sur terre. Revoir avec la nausée les violentes images de la répression des manifestants massés autour de l’Assemblée Nationale ce mardi, venus dénoncer le projet de loi de sécurité globale examinée par les députés. Relire Matin Brun, le livre de Franck Pavloff. Méditer sur nos petites lâchetés et nos renoncements… Remettre une bûche dans le poêle…
Extrait :« Ce matin, Radio brune a confirmé la nouvelle. Charlie fait sûrement partie des cinq cents personnes qui ont été arrêtées. Ce n’est pas parce qu’on aurait acheté récemment un animal brun qu’on aurait changé de mentalité, ils ont dit. « Avoir eu un chien ou un chat non conforme, à quelque époque que ce soit, est un délit. » Le speaker a même ajouté : « Injure à l’État national. » Et j’ai bien noté la suite. Même si on n’a pas eu personnellement un chien ou un chat non conforme, mais que quelqu’un de sa famille, un père, un frère, une cousine par exemple, en a possédé un, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, on risque soi-même de graves ennuis. Je ne sais pas où ils ont amené Charlie. Là, ils exagèrent. C’est de la folie. Et moi qui me croyais tranquille pour un bout de temps avec mon chat brun. Bien sûr, s’ils cherchent avant, ils n’ont pas fini d’en arrêter, des proprios de chats et de chiens. »
Prélude de la Suite 4 pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach – Mischa Maisky
Belle initiative à Pau. Les professionnels de la culture veulent dénoncer leur détresse. Et pourtant, permettre l’accès la culture est un important facteur à l’intégration sociale. Un très grand sentiment d’injustice pour eux et pour nous tous. L’art et la culture font du bien. L’échappée dans l’imaginaire et la sensibilité qu’ils procurent permettent à nombre d’entre nous de garder le cap sur l’espoir en ces temps difficiles. Il est donc légitime de nous demander si la culture et ses publics reçoivent tout le soutien qu’ils méritent de la part de nos gouvernants et de chacun d’entre nous à l’heure actuelle. Messieurs du gouvernement, revoyez votre copie !
À quelques minutes à peine de la maison, grimper là-haut pour retrouver le banc au pied du chêne. C’est mon oloé préféré. Lorsque la pente se fait un peu plus forte, sur le petit sentier humide qui serpente, me reviennent à chaque fois les parfums et les sons des chemins de randonnée où se lançaient nos pas vers les sommets, au temps d’avant. Le cœur battait plus vite, plus fort. L’air offert se faisait plus frais. Plus léger. Parvenu sur le banc, le souvenir s’estompe et laisse place à la replongée dans les pages. Rien d’autre ne vaut plus alors que ce voyage-là. Près des oiseaux. Face au soleil. À volonté. Hors du temps imposé.
Like a bird – Leonard Cohen (Live in London)
Contribution #16 Voici les photos et le texte que m’a envoyés Georges. Mille fois merci.
Avec ma compagne, nous y montions sur cette montagne au temps d’avant. C’était une joie de marcher sur le sentier qui mène à cette grande dame de Provence. Le souffle toujours en contrôle, nous nous souvenions des tableaux de Cézanne et nous imaginions ceux que Van Gogh aurait pu dédier à cette merveille des merveilles. Aujourd’hui, les couleurs de ces toiles nous aident à garder l’espoir de retrouver bientôt le chemin de Sainte-Victoire.
Continuez à m’adresser vos photos et textes sur cette adresse mail : ericschulthess@mac.com Grand merci !
Parfois, tu marches, le regard vissé sur la pointe de tes chaussures, et tu peines à relever la tête. Colère sourde au fond de la gorge face aux libertés qui rétrécissent. Lassitude des jours empesés. Faux rythme infusé par la claustration. La flemme aussi qui rode et n’attend qu’un signe pour te gangréner le cycle des heures. Le temps de soixante petites minutes tu avances et tu rumines. Tu racles semelles, tu piétines quelques cadavres de feuilles, tu envoies valdinguer un caillou, une pigne, un bout de bois atterri là va savoir quand et comment. Et puis survient l’embellie. Tu ne t’y attends point lorsqu’elle t’incite à te taire dedans, à te redresser et à oser pointer le regard là-haut, là où jamais personne n’osera te demander de montrer papiers ou patte blanche. Tu clignes des yeux, tu t’émerveilles et tu t’écries – ciel, ces cieux ! Alors tu restes là, tu te poses, tu te juches sur le plus haut sommet de lumière possible, tu survoles le plus haut des nuages et tu oublies qu’avant qu’il ne soit trop tard, il te faudra surveiller ta montre, redescendre et t’en accommoder. Jusqu’au jour d’après. Peut-être toucheras-tu alors du doigt la chance qui est tienne de te voir offert tant de grâce, en dépit des pesanteurs présentes, des menaces qui approchent et des colères contenues. Sans doute pour un temps seulement. Carpe Diem, te prendras-tu à murmurer. Mais jusqu’à quand ?
Shine On You Crazy Diamond – Pink Floyd
Contribution #15 J’accueille aujourd’hui les photos et le texte adressés par Romain. Mille mercis.
En effet, on est pas les plus à plaindre, et notre rythme n’a pas tellement changé. Je travaille toujours et nos sorties quotidiennes avec Noon sont toujours de mise, avec un peu de verdure proche de la maison, même si nous sommes en ville !
Contribution #14 J’accueille aujourd’hui la photo et le texte adressés par Chantal, après lecture de mon billet de mercredi dernier. Gratitude.
Cette promenade me fait penser à la petite parenthèse que je fais avec mes élèves, quand je sens qu’ils ne sont momentanément pas disponibles à m’écouter ou à recevoir des enseignements. Alors je les évade par exemple dans un verger, en leur parlant et en faisant appel à leurs sens, pour qu’ils sentent, voient, touchent, tout au long de la promenade. Le panier de fruits se remplit au fur et à mesure de leur avancée et je les invite ensuite à rentrer chez eux pour préparer une belle salade de fruits colorée, qu’ils partageront en famille. La parenthèse les rend plus calme et instaure un climat propice aux apprentissages. Le cours peut débuter.
Que voulez-vous, nous étions affamés. De paroles, d’échanges, de discussions autour d’une même table. Au grand air. Longtemps que nous n’y avions goûté. Même pas deux semaines de confinement, et déjà au fond de nous, le sentiment que ça fait des années… À cet isolement forcé qui nous renferme dans nos cases, au fond de nos coquilles, nous avons décidé de tirer la langue. De l’envoyer promener. Alors, C. a fait des crêpes, L. et W. ont apporté le cidre, nous avons invité D. et tous les cinq nous nous sommes régalés. Les choses partagées font du bien. Plus que jamais, ne pas se laisser abattre.
De l’aube claire jusqu’au crépuscule, les heures filent leur laine de silence. Dedans, le feu et son murmure. Comme un retour au monde d’avant. Le feu vit sa vie de feu et ça console un peu du morne automne. Dehors, la ville apprend à se taire. Tant de rideaux baissés. Tant de volets clos. Et ces pas furtifs croisés sur les trottoirs humides où se faufilent des silhouettes masquées. Demain, une aube claire encore, et des heures à espérer un grand retour de flamme.
Concerto pour violoncelle d’Elgar (1er mouvement) – Jacqueline Du Pré (violoncelle) avec l’Orchestre Philharmonique de Londres, dirigé par Daniel Barenboïm
Contribution #12 J’accueille aujourd’hui les photos et les mots de Zoé. Mille mercis.
Sortie de nuit, temps suspendu Plus personne dans les rues Je suis seule et il est tard Je n’entends rien, ne vois personne Toute la ville s’est teintée de violet Ma couleur préférée Je me balade dans les rues Bercée par Apocalypse de Cigarettes After Sex Un brin mélancolique Perdue dans mes pensées Je passe près de cette vitrine Des nains colorés me font un doigt d’honneur Un sourire, une photo et me voilà repartie Stranger In the Night de Sinatra dans mes oreilles Je ne suis plus seule dans la ville.
Monsieur le coq : – Tu l’as écouté Castex, hier-soir ?
Madame la poule : – Euh, non, je couvais tranquille. Mais j’ai entendu Mireille dire à la voisine que rien n’allait changer pour les quinze prochains jours
C. – Rien de rien ? Un peu de souplesse ? Un peu de mou ?
P. – Non ! Rien de rien. Les règles du confinement ne changeront pas
C. – Ah bon ? Et les commerces alors, toujours fermés ?
P. – Fermés, oui ! Les librairies, les fleuristes, les esthéticiennes, les coiffeuses, les salles de sport, tout ce qui est soi disant non-essentiel ne redeviendra pas essentiel. Il faudra patienter encore pendant au moins quinze jours avant d’espérer que ça bouge
C. – Et les bars et les restos ?
P. – Non-essentiels il a dit Castex. Enfin, il a fait comprendre que pour eux, pas d’embellie avant une paie…
C. – Et ensuite ?
P. – Ensuite, tu veux dire à l’approche de Noël ?
C. – Bè voui !
P. – Bè là, ça pourrait changer, c’est bien possible. Enfin, si on reste bien sages, bien gentils. Si on remplit bien nos déclarations de sortie, tout ça. On pourra aller dépenser nos sous ailleurs que sur internet. Mais après les fêtes, basta ! L’essentiel redeviendrait non-essentiel
C. – Une histoire de fous, non ?
P. – Ma foi, oui. Mireille a dit à la voisine que ça n’est pas près de s’arrêter…
C. – Ils nous prendraient pas un peu pour des c… ?
P. – Un peu beaucoup, oui, ça c’est sûr et certain !
Sûr et certain – Tonton David
Contribution #12 J’accueille aujourd’hui la photo et le texte adressés par Claude. Grand merci.
On est dans une basse-cour où tout le monde caquette en même temps. Je ne vois pas l’utilité d’y ajouter mes propres caquètements et de me mettre à hurler avec les poules ! (Tant pis si l’image est osée) Cela suffit aujourd’hui, on entend tout et n’importe quoi et sur tous les sujets. Finalement, je préfère le caquètement de mes poules et le cocorico de mes coqs.
Commencé la journée d’hier en réécoutant la lecture à voix haute par des acteurs de la Comédie Française des extraits de textes de trois écrivains qui vécurent la Grande Guerre : Paul Claudel, Francis Carco et Jean Giono.
Nous ne reviendrons plus vers vous – Comédie Française
Ai réécouté ensuite « L’Anarchœur » le documentaire audio publié par Marie Chartron sur Arte Radio et dédié à la chorale stéphanoise La Barricade.
L’Anarchœur – Marie Chartron
Et puis suis allé me recueillir au monument aux morts de ma commune, avec en tête, le refrain de la Chanson de Craonne. Il me revient comme une rengaine chaque fois que je me remémore la catastrophe absolue que fut la Guerre de 14-18. Cette chanson fut entonnée par les soldats de dizaines de régiments de l’armée française, qui se mutinèrent après l’offensive meurtrière du Chemin des Dames au printemps 1917.
Je me faisais la réflexion hier en marchant vers les jardins partagés de la commune pour déposer les déchets verts dans le bac à compost. Pas le moindre coup de feu aux alentours. Pour l’instant, je n’ai vu ni entendu aucun chasseur là où je promène chaque jour pendant mon heure règlementaire. Ou dérogatoire, je ne sais plus trop. Ce silence bienfaisant pourrait ne pas durer puisque pour des raisons d’intérêt général, la chasse est autorisée. Ils ont osé, oui. Depuis leurs bureaux et leurs salons dorés, ils ont osé donner leur feu vert à une heure de détente cygenétique, bref, aux coups de feu sur les sangliers, les cerfs, les chevreuils, les lapins, entre autres gêneurs de l’ordre public… Honte à eux ! Aux dernières nouvelles, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité n’a pas osé interdire la fréquentation des jardins partagés. Un silence inhabituel y règne. Une vraie détente que de s’y balader et d’y contempler les fleurs et légumes. En écoutant les oiseaux. Rêve éveillé. Parenthèse enchantée. Pour combien de temps ?
Le Cygne – (Le Carnaval des animaux), de Camille Saint-Saëns, par Gautier Capuçon (violoncelle), Katia et Marielle Labèque (piano)
Contribution #10 Place aujourd’hui aux photos et aux textes de Christine. Mille mercis.
En cette belle lumière automnale quelle surprise de découvrir tant de beautés, de fleurs et de fruits dans mon jardin. Les jolies roses jaunes de printemps continuent de dévoiler leurs couleurs même en cette saison, juste à côté du fruit d’automne, l’olive. Tant de fruits sur ce petit arbre qui ne donneront pas d’huile mais peut-être quelques olives salées pour l’apéro, partagé entre amis, hélas sur les réseaux sociaux uniquement… en cette triste période de confinement.
Une montagne, si et seulement si tu continues de rêver.
La Marelle (Amarelinha) – Rosemary Standley et Dom La Nena
Contribution #8 J’accueille aujourd’hui les photos et le texte que m’a adressés Anne. Gratitude.
À plus d’un kilomètre, rendre visite à Maryse. Il fait beau, personne sauf une dame qui vit peut-être ici, un arrosoir en main. Au loin, des bruits de travaux. Devant, une corneille. Le monde n’existe plus, surtout pas celui d’après, à plus d’un kilomètre.
(À demain, 8h30)
N’hésitez pas à continuer de m’adresser vos photos et textes : ericschulthess@mac.com
Elle est colère la marchande de chaussures tout près de chez moi. Et elle le fait savoir. Tout comme le libraire, la fleuriste, la coiffeuse, entre autres commerçants de proximité non-alimentaires, elle n’a pas le droit de recevoir de clients. Du coup, confinement oblige, on commande sur le pas de la porte et on n’entre – sur la pointe des pieds – que pour passer à la caisse. Déclarés non essentiels, ces commerces sont traités comme des va-nu-pieds par des technocrates parisiens bien au chaud dans leurs Derbies ou leurs Richelieus.
Blue Suede shoes – Elvis Presley
Contribution #7 J’accueille aujourd’hui la photo et le texte de Chantal. Mille mercis.
Quelque peu dérouté notre sanglier ! Il m’a dit, au creux de l’oreille, ne pas comprendre de voir si peu de monde depuis une semaine. – Ne t’inquiète pas, lui ai-je répondu, les gens sont confinés pour réfléchir à laisser la nature en paix, te protéger, toi et tes amis animaux, protéger notre mère nature et inventer un nouveau monde meilleur. – Enfin ils ont compris que c’est leur dernière chance, il m’a répondu …
« … J’ai rêvé d’une fleur, qui ne mourrait jamais… J’ai rêvé d’un amour qui durerait toujours… Pourquoi, pourquoi faut-il hélas que sur la Terre… Les amours et les fleurs soient toujours éphémères ?… » Je fredonne souvent cette chanson de Moussu T e lei Jovents – paroles d’Alibert – quand je promène – dans mon rayon d’un kilomètre autour de la maison – en croisant toutes sortes de fleurs dont j’ignore pour la plupart le nom. En fleurs comme en arbres ou en oiseaux, c’est fou ce que je suis inculte… Ce confinement me le fait davantage toucher du doigt.
Éphémères. Je trouve qu’il sonne joli ce mot. Propice à quelques rimes, à quelques jeux de sons, quelques mélis-mélos de sens. De bref passage ici-bas sont les fleurs comme nous autres les humains. Si ne l’étions pas, les garderions-nous longtemps en amour ? Pendant combien de temps nous resterait le goût d’en savourer les charmes ?
Petite fleur – Claude Luter et son orchestre
Contribution #5 Place aujourd’hui aux photos et au texte adressés par Josie. Grand merci.
Si la vue du ciel rouge et bleu vous remplit de joie, si les fleurs des champs ont le pouvoir de vous émouvoir, si les choses simples de la nature ont un message que vous comprenez, réjouissez-vous, la vie est belle !
Continuez à m’adresser vos photos et textes : ericschulthess@mac.com Merci à toutes et tous !
Pendant ce court instant de pause en altitude, à quoi penses-tu, toi l’ouvrier qui surplombes la ville ? Au vertige que tu maîtrises ? Au travail qu’il te reste à accomplir pour gagner ta journée ? À l’attestation de déplacement dérogatoire oubliée chez toi ce matin avant de partir au boulot ? À tes enfants serrés comme des sardines dans leur salle de classe ? À la bibliothèque rénovée qui bientôt ouvrira sur ce chantier et aux livres que tu viendras y chercher ? Aux arbres que tu domines du regard et qui nous observent en silence depuis des années et des siècles ? Aux montagnes que tu aperçois sans doute, là-bas ? Ces montagnes où il se raconte et se chante que tout paraît plus beau ?
Là-haut – Ryon au Festival No Logo BZH 2019
Contribution #4 J’accueille aujourd’hui la photo et le texte envoyés par Éric. Gratitude.
Quelque part au-delà de l’arc-en-ciel
Bien plus haut
Et les rêves dont tu as rêvés
Un jour dans une berceuse
Quelque part au-delà de l’arc-en-ciel
Les oiseaux bleus volent
Et les rêves dont tu as rêvés
Ces rêves se réalisent
Un jour je ferai un souhait en regardant une étoile
Me réveillerai là où les nuages sont loin derrière moi
Où les ennuis fondent comme des gouttes de citron
Haut au-dessus des cheminées, c’est là que tu me trouveras
Quelque part au-delà de l’arc-en-ciel les oiseaux bleus volent
Et le rêve que tu oses faire, pourquoi, oh pourquoi pas moi ?
Fleurir la mémoire de nos disparus et croiser soudain un prêtre, goupillon et petit seau d’eau bénite en mains, affairé à bénir les tombes et à prier pour les morts avec les vivants. Scène inédite pour moi, ma foi. Qu’en ont-ils pensé, mes défunts, de ce service sur mesure ? Je me le suis demandé en rentrant à la maison. Mémé Zoé, très catholique, a dû apprécier. Pépé Paul, protestant non-pratiquant, a probablement regardé ailleurs. Maman, qui perdit la foi à la trentaine, a sans doute haussé les épaules sans un mot. Papa, athée mais passionné de religions, a préféré j’en suis sûr, la Sarabande de Bach que je lui ait fait écouter au pied du Jardin du souvenir.
Contribution #1 J’accueille aujourd’hui la photo et le texte que m’ont adressés Claude et Dany. « Une apparition« . Grand merci.
Nous étions tranquillement confinés à la maison, quand tout à coup, est arrivée une famille bizarre. Ou tout du moins dans un accoutrement particulièrement bizarre. Nous avons eu peur. Mais vite après nous avons sorti l’apéro, et tout est rentré dans l’ordre. La vie est drôlement faite : finalement la Covid 19, ce n’est pas le plus effrayant… Il y a aussi la fête d’Halloween ! Restez chez vous ! Fermez la porte à double tour !
Photo et texte @Claude&Dany
Merci de continuer à m’adresser vos contributions sur ericschulthess@mac.com
Nous revoilà donc coupés les uns des autres. Pour un mois au moins. À nouveau confinés. Chacun chez soi et la peur du virus pour tous. Au printemps dernier, vous vous souvenez que notre désir de maintenir le lien entre nous s’était raconté en musique. Ensemble, nous avions fait vivre ici au quotidien « Trois petits tours et puis revient ». Nous avions partagé chaque matin des airs et des chansons. À distance mais ensemble, nous les avions découverts et fredonnés. Ce feuilleton sonore fut souvent joyeux. Mélancolique parfois. Poétique et émouvant aussi. Nous nous étions sentis moins seuls au fond de nos confinements. Je nous propose aujourd’hui de prolonger ce chemin commun non plus en sons mais en images et en mots. « Trois fois clic clac et puis revient », ça pourrait s’appeler.
Chaque jour, nous pourrions photographier ce qui nous entoure lors de notre « déplacement bref, dans un rayon maximal d’un kilomètre autour de notre domicile… » Nous pourrions partager ici une, deux ou trois de nos photos, accompagnée(s) d’une légende ou d’un poème, de quelques lignes de notre choix, histoire de faire découvrir aux autres le tout proche environnement de notre lieu de vie confinée et ce qu’il nous inspire.
Je vous propose d’accueillir vos photos et vos textes sur ma boîte mail ( ericschulthess@mac.com) et de les publier ici chaque jour à 8H30.
Allez, en ce premier jour de novembre, j’ouvre la voie de ce deuxième feuilleton et vous espère au rendez-vous demain et chaque jour, aussi longtemps qu’il nous faudra patienter avant de pouvoir à nouveau nous revoir en vrai et nous serrer dans les bras.
Marcher sous le soleil d’octobre. Oublier un instant toute contrainte. Faire fi de ma colère. Respirer profondément. Sourire à l’automne encore tiède et à cet oloé couleur ciel. Une heure, c’est bien court pour se poser ici. Manquerait du temps pour bouger les gambettes. Se promettre de revenir en savourer la quiétude, livre en main, dès que possible. Et pourquoi pas y faire sonner mon violoncelle un de ces quatre matins…
Contribution #10 J’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a adressé Toshiko depuis Kamaishi, au Japon : l’air traditionnel Kamaishi Kouta. Merci à elle, du fond du cœur.
« Ici on est à Kamaishi, au port de trésor,
Il y a de l’or et de l’argent
C’est un endroit merveilleux
Venez ne serait-ce qu’une fois, venez voir ! »
(À demain 8h30…)
Photos @ToshikoMiyazaki
« Mon gîte au printemps Parce qu’il n’y a rien De rien je ne manque. »
Kobayashi Issa
Les mots pour le dire
« Tu vas être d’accord avec moi, le monde ne nous fait pas de cadeau en ce moment, comme s’il nous disait à tous : vos guirlandes de Noël… vous n’êtes pas près de les ressortir. Et pourtant, ces temps-ci, ma boîte mail m’en offre, des cadeaux. Je reçois de nombreux enregistrements, et ça fait vraiment du bien. Le dernier en date remonte à hier-soir, en provenance du Japon, de Kamaishi. Kamaishi, c’est l’une des villes terriblement meurtries par le tsunami de mars 2011. Cette contribution, vous irez l’écouter dans un instant. Deux photos l’accompagnaient : des merveilles de cerisiers en pleine floraison. Du coup, je me remets un peu à croire à nouveau à la possibilité d’un Noël, et à la réalisation de l’un de mes rêves les plus grands : grimper un jour jusqu’au sommet du Mont Fuji, la montagne sacrée des Japonais. »
Contribution #8 Et puis, petit bonus, j’accueille aujourd’hui l’enregistrement que m’a transmis Vincent, depuis Bordeaux : Hasta siempre, de Carlos Puebla. Merci à lui.
(À demain 8h30…)
Les mots pour le dire
« À la boulangerie l’autre matin, je patiente sagement, je rêvasse comme souvent, je me tiens bien à distance des autres clients, lorsque soudain, je sens sur ma droite que des gâteaux me font de l’œil. Oui, oui, les gâteaux confinés derrière la vitre du présentoir. Ils m’aguichent, les petits. Ils me disent : – tu peux nous sortir de là ? tu veux bien ? Je résiste quelques secondes, oh pas plus longtemps, et lorsque mon tour arrive, je demande à la boulangère de délivrer pour moi un éclair au chocolat et un baba au rhum. En sortant, je croise un client qui porte un maillot de foot tricolore. Rouge jaune et violet, les couleurs de la Seconde République Espagnole, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Franco. Au revers de ce maillot, deux mots : NO PASARAN ! Tu l’as déjà vu, toi, ce maillot ? »
« Les mois filent si vite que je ne me rappelais plus cette date… le 15 avril 2019. Notre-Dame de Paris en flamme, le peuple parisien effondré, le chagrin, l’impuissance. Un an après jour pour jour, j’ai reçu d’une amie le son du gros bourdon de la Cathédrale. Il a résonné hier-soir à 20 heures au moment où tant de gens partout dans le monde applaudissent les soignants aux fenêtres et aux balcons. Alors, je me suis souvenu. M’est revenu aussi le souvenir du tout premier voyage à Paris. J’étais minot, avec mes parents, nous étions montés en train, c’était loin, c’était si beau. Je m’étais senti presque comme dans un lieu familier, un lieu joyeux, un endroit unique au monde. Je me souviens très bien de ces journées de printemps, la promenade à Montmartre, le Mur des Fédérés au Père Lachaise, Papa nous avait parlé de la Commune. Ce qui m’a marqué aussi c’est que lorsque nous avions quitté Notre-Dame, les cloches carillonnaient. »
« À Paris », chanson interprétée par Yves Montand sur des paroles de Francis Lemarque
« Comme en plein été, sans prévenir, l’orage a surgi sur la ville et a pris ses aises. Gros grains de pluie et tonnerre à cœur joie, comme les après-midis d’août à Bauduen, dans notre Provence de l’enfance, lorsque le ciel grondait soudain et nous sortait de la sieste qui nous tenait à l’abri de la canicule. Pas d’éclair au-dessus des toits. Rien que le rythme jazzy des gouttes sur les vitres et les tuiles. »
Un rêve de la nuit d’avant. Une arène immense et nous tous dedans. Des murs blancs tout autour et du sable clair sous nos pieds. Pas de trace de sang. Pas de taureau. Pas de souffrance. Rien que le son de nos voix étonnées de nous retrouver face à face et de nous parler. De nous sourire et nous embrasser à nouveau après tout ce temps. Sans cette distance qui nous assèche et nous rend infirmes de nos sens. Tout autour de l’arène, la montagne respirait. Il aurait pu y avoir la mer et ses baleines mais dans ce rêve, c’était la montagne et ses immortelles qui nous réunissait.
Le soir venu, fenêtre entrouverte sur la ville plus muette encore malgré la pluie, se mettre en pause monde. Laisser de côté l’écran. Retourner à la lecture. Retrouver le tempo lent des phrases et des mots du roman de Pierre Lemaître, « Au revoir là-haut ».
« Grâce à la conquête de la côte 113, l’hôpital de l’avant, qui s’était légèrement assoupi ces dernières semaines dans l’attente de l’armistice, avait repris de l’activité, mais, comme une attaque n’avait pas été trop dévastatrice, on y adopta un rythme normal qu’on n’avait pas connu depuis presque quatre ans. Un temps où les sœurs infirmières pouvaient se consacrer un peu aux blessés mourant de soif. Où les médecins n’étaient pas obligés de soigner des soldats longtemps avant qu’ils soient vraiment morts. »
J’ai beau savoir que Facebook nous espionne, quelle surprise en me connectant, hier-matin ! Papa en photo sur mon mur, sérieux comme un pape, le dos à la mer. Dans ses bras, du mimosa, sa fleur préférée. Remonter le temps. Marseille. L’appartement face à la rade. Il y aura vécu trente-deux ans, après son départ à la retraite. Six ans jour pour jour, cette photo. Postée avec un petit lien pour l’écouter évoquer l’un des souvenirs les plus marquants de sa vie. Son destin d’instituteur de la République. Retrouver sa voix pour la première fois depuis son départ vers le Grand Tout, fin février. Arrêter le temps.
Vous aussi j’en suis sûr. En dents de scie, le sommeil. Chaotique. Nuits confinées, nuits agitées. Dormons mal. Cauchemardons. Pire avec la pleine lune. Trois, quatre, cinq fois dans la nuit, se frotter les yeux et regarder l’heure. Trop tôt pour se lever. Tourner virer sous la couette. Bailler. Et puis, allez, debout ! Déjà le jour d’après. Tenter de ne pas trop ruminer ses mauvais rêves. Accepter de lâcher prise, de partir un peu en vrille.
En attendant le jour d’après, leitmotiv de nos journées qui rallongent, laisser entrer en soi la tristesse et la mélancolie qui débordent du monde. Laisser sourdre sa rage aussi, en effeuillant les mots et les phrases qui fleurissent au dehors de nos confinements, sur des banderoles de fortune, dans nos villes et nos villages. Y dénicher de quoi affiner nos analyses et esquisser les contours possibles d’un bonheur commun à construire :
« Vous ne confinerez jamais notre colère ! », « Soignants sans armes », « Nous ne sommes rien sans ceux qui ne sont rien ! », « Les derniers de cordée sont devenus les premiers », « Le soin c’est de l’humain, pas du chiffre ! » « De la thune pour l’hôpital, pas pour le capital ! », « Santé, social, écologie, confiné.e.s de tous les pays, unissez-vous ! »
Espérer que sonne bientôt l’heure de sortir et d’agir.
Pour continuer à prendre patience, précieuse est la compagnie des livres et de la musique. Certains jours, c’est compliqué de se concentrer sur la lecture. Un peu moins de s’adonner à de petites récréations sonores, à des rendez-vous qui nous rassemblent. Depuis que sommes confinés, les Live fleurissent sur les réseaux sociaux, et ça fait du bien. Concerts annulés, tournées reportées, les artistes accusent le coup. Privés de scène, ils restent debout aux côtés des soignants et de nous autres, ils s’installent sur la Toile et ils partagent. D’où que nous les écoutions, nous nous évadons et nous nous tenons proches. Le temps d’un confinement musical, remercions tous ces gens du spectacle qui nous aident à continuer à prendre patience.
(À demain 8h30…)
Le chant des oiseaux – Gautier Capuçon et 28 jeunes violoncellistes
Un petit matin en apnée. La guerre mondiale des masques. Le déferlement des courbes statistiques. Les violences aux femmes en hausse. Les vieux triés dans les EHPAD. L’aumône aux sans domicile. Les livreurs à vélo en danger. Les propos racistes sur les ondes. Les phrases assassines des autorités policières. Les dénonciations comme en 40. La fermeture de lits hospitaliers annoncée. Comme un trop plein de nausée. Tenter de l’évacuer un court instant en écoutant Yolande chanter depuis son balcon marseillais.
Escapade pour quelques courses. Remplir attestation. Râler dans ma barbe. Prendre chariot à roulettes. Comme les petits vieux. Douceur de l’air dehors. Pour tout le monde. Saluer de loin les gens connus. Hausser les épaules. Plus de poignée de main. Éternuer dans mon coude. Me dire » à tes souhaits ! « . Se tenir à distance des autres. Se méfier de son prochain comme de soi-même. Colère rentrée. Chez l’épicier, ne pas trainer. Hop hop hop ! Aller droit au but, puis renouer un court instant avec la radio, autrefois si familière, si nécessaire, si légère.
Lire ces mots dans les carnets d’Arnaud Maisetti : « Il n’y a pas d’horizon dans ces jours d’attente et de répétition, qui entasse rage, dégoût, désespoir et silence : pas d’horizon, seulement l’acharnement à construire du temps qui saura le transpercer et renverser le désespoir et la rage en monde. » Penser à mon ami Frank, en mission dans une raffinerie de Taranto, au sud de l’Italie. Demain dimanche, son horizon s’écrira en lettres plus claires. Il pourra quitter les 20 mètres carrés de la chambre d’hôtel où il est confiné depuis le 21 mars. En retrouvant l’air libre, la rage et le dégoût devant la tragédie vécue par le peuple italien ne l’auront pas quitté, non. Il n’oubliera pas non plus le monde imaginé chaque jour de quarantaine en apercevant la mer depuis sa fenêtre.
(À demain 8h30…)
Supplique pour être enterré à la plage de Sète – Georges Brassens
Je suis sûr que vous faites pareil. Dès le saut du lit, avec Chantal, nous prenons des nouvelles des êtres chers. Qu’ils vivent à deux pas de la maison ou bien un peu plus loin ou bien encore plus loin, très loin même. Sans doute davantage qu’en temps normal, besoin de nous rapprocher des proches et des amis. Ne pas perdre le fil de ce qui continue de nous relier. Même si ce lien s’est dissous parfois au fil des années, il ne s’efface pas. Il continue de nous tenir ensemble. Ce-matin, devant un café au lait, c’est d’un homme qui nous raccorde à nos enfances à toutes et tous qu’ensemble nous nous sommes rapprochés.
« On naît, on vit, on part, on est tous de passage. On se succède les uns aux autres. C’est la loi de la nature. Je n’ai pas peur qu’on m’oublie. L’essentiel est que mes enfants et ma famille ne m’oublient pas. »
Je vais faire mon curieux. Sur l’écran noir de vos journées et de vos nuits blanches, quel film vous projetez-vous ? Lequel s’accorde le mieux à vos pensées, à votre humeur, à votre désir ? La Grande Illusion ou la Grande Vadrouille ? Le Dernier Métro ou Le Dernier Tango à Paris ? La Liste Schindler ou Inglorious Basterds ? Apocalypse Now ou Cinema Paradiso ? Jules et Jim ou Marius et Jeannette ? Hier, j’avais un rendez-vous dans un motel en plein désert…
Ô joie, en une seule journée, six de vos contributions sont arrivées dans ma boîte mail ericschulthess@mac.com.
Demain, ici même, je publierai l’une d’entre elles.
Ils ont osé. Alléluia. Huit jours à peine que je partage ce petit feuilleton sonore et ils ont osé faire fi de tout ce que la timidité nous empêche de faire parfois, de tout ce que la pudeur nous interdit d’exprimer, au point de rester sans voix alors que nous voudrions tant sortir du silence. Joss et Dgégé sont les premiers à me rejoindre et à se lancer dans la ronde. Joliment, en plus. Grand merci à eux deux. Ça fait chaud au cœur de rester debout. Tous ensemble. En lien et en partage.
Parfois, le matin, en ouvrant la fenêtre de ma chambre, je me dis que je vais voir la mer en vrai, comme quand j’étais minot depuis notre maison d’Endoume, à Marseille. Et bien non, il n’y a pas la mer. C’est joli dehors mais il n’y a pas la mer. Ça m’attriste un peu. Et puis je me dis que lorsque tu ouvres ta fenêtre toi aussi, tu ne vois ni la mer ni le ciel. Tu n’aperçois même pas un arbre. Ça me fend le cœur de réaliser ça. Je sais aussi qu’il y en a qui ouvrent leur fenêtre le matin, qui voient la mer et qui sont tout aussi tristes.
Je sais, je ne devrais pas surfer pendant le petit-déjeuner. Depuis dix jours, j’explose mes temps d’écran. J’avoue que de bonne heure, je m’introduis dans le tourbillon chaotique des journaux en ligne, des blogs et de Twitter. J’y navigue pour me tenir informé, cueillir des éclats de colère, m’éveiller à l’humour des autres, glaner des éclairs de beauté et de solidarité. Hier-matin, entre deux tartines, je découvre la photo ci-dessus – signée David Coquille, journaliste au quotidien La Marseillaise – d’une banderole géante déposée devant l’Institut Hospitalo-universitaire Méditerranée Infection du Professeur Didier Raoult. La banderole a été fabriquée par les South Winners 87, un groupe de supporters de l’Olympique de Marseille. J’applaudis illico presto et me mets à fredonner.
Petite sortie déchets verts hier-matin, jusqu’aux jardins partagés. Joindre l’utile à l’agréable. Sous l’évier, le bac était en passe de déborder, donc action réaction. Sur le trajet vers l’aire de compost, soudain, une chorale de poules, confinées derrière une haie de sapinettes. Je me serais bien volontiers joint à elles un moment pour crier ma colère, mais je n’ai pas osé. Pas sérieux ces temps-ci de s’éterniser dehors. En plus, je ne sais pas trop caqueter. Du coup j’ai pris congé fissa et choisi l’option chanson.
La neige hier-matin sur la Corse. Un paysage de dessin animé. Sur le continent, n’avons pas eu d’hiver et nous demandons s’il y aura un été, un vrai de vrai, après ce printemps de cauchemar au visage emmasqué. À l’heure de l’angélus, j’ai fermé les yeux, me suis téléporté sur l’Île saupoudrée de flocons pour accompagner les prières…
Dio vi salvi Regina – Jean-Paul Poletti et le Chœur d’hommes de Sartène (1999)
Réveil d’une petite sieste hier après-midi. Des voix d’enfants m’attirent vers la fenêtre de la chambre laissée ouverte au soleil. Ils jouent au ballon dans leur jardin, de l’autre côté de la rivière qui glisse en silence juste en bas de la maison. À l’air libre au sommet de la vitre, une araignée prend le temps de savourer le printemps. En moi, ni chagrin du matin, ni espoir du soir. Juste le souvenir soudain d’un après-midi de promenade en Haute-Provence, il y a cinq ans. Mon petit-fils Clément est juché sur mes épaules et il chante.
Trois petits tours et puis revient 3
À Shanghai, Clément et ses deux frères – Alexandre et Raphaël – commencent à entrevoir le début de la fin de leur confinement, entamé il y a deux mois. Dimanche, avec Noémie et Dawei, leurs maman et papa, ils sont allés balader dans un parc et ont lancé au ciel leurs cerfs volants. Ils ne savent toujours pas quand ils pourront retrouver leurs copains d’école et de collège pour jouer au foot…
Frères d’Italie, sœurs d’Italie, au réveil tout à l’heure, avant même que s’ouvrent mes yeux, tournait en moi un air familier. Entendu tant de fois ces semaines passées. Une mélodie chantée par vous, confinés partout. Jouée depuis les balcons de vos villes, de vos quartiers, de vos cités, de vos villages. C’était joyeux au creux de mes paupières, bleu azur comme le maillot de votre Squadra azzurra. Le plus beau des bleus. Dans mes draps, je l’ai savouré comme un air d’opéra. Ensuite, il m’a ouvert le chemin jusqu’au café que nous avons partagé.
Trois petits tours et puis revient 2
Frères d’Italie, sœurs d’Italie, il y a si peu de mots ce matin encore pour vous accompagner du plus profond de notre affection. Seuls flottent en silence et en boucle, au creux de nos lèvres et de nos gorges confinées, stupeur, chagrin, deuil, colère, justice. Et puis tourne cet air d’opéra qu’ici, à vos côtés, nous dégusterons toujours, Fratelli e Sorelle d’Italia…
J’ai dû hériter ça de Papa. Dès le saut du lit, je sifflote, je fredonne, chansonne, chantonne, scie, vibre, vocalise, dans ma barbiche blanche. Ça tourne en boucle dans ma tête, dans crâne, bouche, nez. J’en perds la voix aussi lorsque la gorge se noue. Ça m’arrive, oui.
Un mois que Papa est parti et voilà que ces mélodies se font plus présentes chaque jour. Même dans la nuit ces refrains s’installent. Ils tournent en moi encore davantage depuis les premières heures de ce tunnel de confinement. Parfois je sifflote aussi. Pas toujours juste mais qu’est-ce que ça fait du bien d’accueillir ces sons, de les lancer doucement dans l’espace de la chambre, du bureau, de la salle à manger, du balcon, sur le court chemin des courses vers le pain, le vin, la salade, les lentilles et le fromage.
Ces jours-ci, une envie est née au fond de moi. En douceur. Les partager ces sons. Pas les garder pour moi. Les faire sortir de leur confinement. Les lâcher en liberté. Oser le faire, oui. Sur la pointe des pieds. Et pardon pour les fausses notes, les rythmes à la six quatre deux, les tempos chaotiques. Sans doute un écho à nos quotidiens fragiles de confinés. Allez, la première mélodie nous ramène en hiver avec Franz Schubert. Je ne me lasse pas de ce voyage.
Trois petits tours et puis revient 1
Tant que ne prendra pas fin notre film noir, je viendrai ici chaque matin à 8H30, en catimini, pour partager ce qui rythme mes heures et me tient en éveil près de vous qui fredonnez, chansonnez, chantonnez sans doute aussi.
Jean-Michel ne se voit pas les dimanches à la messe il s’entend
ou plutôt son jeu s’écoute mêlé aux paroles et aux prières
il est l’organiste remplaçant de la paroisse
lorsque le curé a besoin de lui il arrive se met à son instrument et joue
parfois Jean-Michel vient maintenir en souffle de vie l’orgue de l’autre église de la commune
c’est là que je l’ai accompagné
admiratif de cet homme cent pour cent autodidacte
une matinée musicale façon feuilleton audio en trois épisodes pour terminer cette année et entamer 2018 en beauté
Grande Grassouillette Sauvage et Trompe-la-mort
ce sont les vaches de Maïté
factrice à la retraite elle monte s’en occuper tous les jours
sur la ferme paternelle trois granges et des pâturages à volonté
y vivent aussi des chats des poules et des canards
ai accompagné Maïté là-haut un après-midi auprès de ses Blondes d’Aquitaine
voulais toucher du doigt et des oreilles à quoi pouvait donc ressembler cette passion pour les vaches qu’elle avait avouée ici il y a deux semaines
un après-midi à la ferme façon feuilleton audio en sept épisodes.
Demain, épisode #2 « ces vaches, elles vont bouger aujourd’hui ? »
Une ultime journée de répit et de fraternisation pour Alphonse et Marius de Mallemoisson, avant l’assaut des soldats vers les coteaux où sont planqués les Allemands.
En marche vers Coincourt, sous la canicule, les soldats ont faim et soif. Convoqué par l’adjudant, Alphonse Richard craint le pire. Il a été dénoncé lorsque la veille, il s’est éloigné de la troupe pour prendre quelques photos.
Une journée presque entre parenthèses. Alphonse découvre la poésie de Victor Gélu, récitée à voix haute par les Marseillais du régiment, et il se souvient d’Augustine.
Parvenue en Lorraine, la troupe marche toute la journée en direction de Saint-Nicolas-du-Port, au bord de la Meurthe. La peur commence à tenailler le ventre d’Alphonse et de ses camarades.
Aux côtés de ses camarades du 3ème Régiment d’Infanterie, Alphonse quitte Marseille. Pendant le voyage en train vers la Lorraine, le silence se mêle à tant de souvenirs de leur sol natal. Le Vest Pocket commence à sortir de la poche du caporal.
Alphonse découvre enfin Marseille. Seul. Sans Louise, hélas. La ville lui apparaît telle que ses instituteurs la lui avaient décrite. Dans les jardins du Pharo, il sympathise avec un vieux peintre généreux.
L’heure est venue pour chacun de dire adieu au campanile de Saint-Jérôme et au Cousson. Il faut maintenant s’arracher de Digne et marcher en direction du train qui mènera Alphonse et ses camarades vers la Lorraine, via Marseille.
La fraternité douce d’Alphonse Richard avec ses copains soldats du 3ème Régiment d’Infanterie.
Ils se prénomment Germain, Marcel, Jeannot, Louis, Antonin …
Le caporal patiente à leurs côtés, crayon en main.
Alphonse retrouve la caserne Desmichels, quittée il y a neuf mois à peine, à la fin de ses trois années de service militaire. Il y fait connaissance avec des dizaines jeunes Bas-Alpins, désormais camarades de régiment.
Depuis ce dimanche de malheur, à Digne comme partout en France, la paix ne se conjugue presque plus qu’au passé. Alphonse met de l’ordre dans ses affaires, rassemble les quelques souvenirs qu’il emportera avec lui à la guerre et retourne se rafraîchir à la Bléone.
Depuis son retour du service militaire en novembre 1913, Alphonse Richard a retrouvé son métier de ferblantier mais il a perdu Louise, sa promise, qui lui a dit adieu avant de devenir Carmélite. Comme chaque dimanche, Alphonse monte promener sur les hauteurs de Digne d’où il rêve, depuis tout petit, de découvrir la mer.
Traverser une rue
saison après saison
effleurer une vie
sans le savoir
apprendre un beau jour
qu’elle fut stoppée net
un beau jour d’été
par la folie de la guerre
alors rejoindre le chagrin
de tant d’humains endeuillés
et se prendre de compassion
pour les promises
les veuves
les orphelins
les parents et les grands parents
brisés dans leur chair
par le départ sans retour d’un être cher
ensuite imaginer ce que fut la vie
de celui dont prénom et nom sont écrits
à l’angle de cette rue
traversée tant de fois
il s’appelait Alphonse Richard
le premier Dignois tué à la Grande Guerre
le 14 août 1914
l’imaginer, ce jeune homme
pour tenter de lui rendre la vie
lui qui fut arraché de sa Haute-Provence natale
pour aller mourir « à l’ennemi » là-haut
dans un coin de Lorraine
j’ai imaginé et écrit ce que furent les 14 derniers jours de sa vie
le livre paraîtra très bientôt
d’ici là
à écouter au quotidien
sur ce carnetdemarseille et sur le site des Éditions Parole
le récit à voix haute
de chacune de ces 14 journées
aujourd’hui, fermons les yeux
et remontons le temps aux côtés d’Alphonse
jusqu’au samedi 1er août 1914
#journeemondialedelaradio
le hashtag a fleuri ce lundi sur Twitter
d’ordinaire je me tiens à distance de ces messes
artificielles
désincarnées
sans intérêt
mais là, pas le même feeling
parce que la radio
plus de trente ans de ma vie qu’elle résonne fort et fait sens
mondiale donc cette journée
alors j’ai ressorti de l’ordi un souvenir sonore
ramené l’automne dernier de Shanghai
depuis l’intérieur d’un taxi
branché sur un feuilleton radiophonique
n’ai rien compris du tout
of course
mais ai bien observé le visage du chauffeur
tandis qu’avançaient la voiture et l’épisode
le vivait intensément
entre froncements de cils et sourires
me suis souvenu des dames d’un certain âge
dans mon quartier de Marseille
étaient abonnées à leurs feuilletons
ne loupaient pas un épisode
c’était un rendez-vous important de leur journée
en ai oublié les noms l’INA m’en a rappelé quelques uns Noëlle aux quatre vents San Antonio
et puis mon ami Fañch Langoet
mémoire vivante de la radio
m’a parlé de sa grand-mère
elle écoutait 51, rue courte sur Radio Luxembourg La Famille Duraton aussi
lui assis sur ses genoux
– et aujourd’hui lui ai-je demandé ?
– pas grand chose hormis le Feuilleton de France Culture
quotidien du lundi au vendredi
pour lequel la chaîne ne fait pas grande publicité …
et pourtant
cette Amérique de Kafka
entre autres rendez-vous du soir
elle en vaudrait bien de la promo, non ?
suis pas un penseur de la radio
loin s’en faut
mais peut-être y aurait-il quelque chose de beau
d’intelligent
de sensible
à creuser et créer dans le filon du feuilleton
quelque chose d’utile aussi
à feuilletonner et feuilletonner encore
avec de belles histoires
de la mise en haleine
de l’étonnement
des rendez-vous d’écoute et de partage
ça nous changerait de la fade et triste radio filmée
dont il paraît que c’est moderne et tout et tout
que c’est l’avant-garde de l’audiovisuel
peuchère …
en attendant
le podcast est là et bien là
et je ne m’en prive pas
Binge Audio et Julien Cernobori par exemple
ont créé chaque jour le désir d’être en même temps
aujourd’hui et le lendemain
pour suivre leur Super Héros
Hélène elle se prénomme
vivement le 21 mars
pour découvrir le deuxième personnage exceptionnel
de ce très beau feuilleton
ce sera un jeune homme
À la demande générale, voici l’intégrale du feuilleton consacré au parler de Marseille. Pas interdit de venir tchatcher avec nous. Histoire d’écouter in situ ces mots et ces paroles de chez nous. Et de nous dire ce que ça vous évoque. C’est quand voulez.
Par paresse ou facilité, c’est souvent par des clichés et des images toutes faites que l’on évoque Marseille et les Marseillais. Notre parler peut s’y prêter. Pierre Échinard, membre de l’Académie de Marseille, ne néglige pas ce travers qui rode autour de notre langue.