Fils d’instituteur je suis. Paul James Schulthess enseigna aux petits Marseillais pendant plus de trente ans. Je fus son élève. Pas simple mais quelle fierté, malgré la sévérité du bonhomme. Lire La Gloire de mon père, ce fut d’abord une histoire de fierté, je crois. Rencontrer Marcel dès l’enfance et partager cette admiration pour celui qui apprend, qui transmet.
Ce livre est gravé à vie aussi parce que j’ai passé tant et tant de dimanches et de vacances au pied du Garlaban, à Gémenos, chez ma grand-mère Hélène et Paul son ouvrier agricole de mari. Les parents de mon père. Je n’en oublie ni la lumière ni les parfums. Je les retrouve à l’identique dans ce premier tome des Souvenirs d’enfance, publié en 1957 par Marcel Pagnol. Trois ans après ma naissance.
« Je suis né dans la ville d’Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers.
Garlaban, c’est une énorme tour de roches bleues, plantée au bord du Plan de l’Aigle, et immense plateau rocheux qui domine la verte vallée de l’Huveaune.
La tour est un peu plus large que haute : mais comme elle sort du rocher à six cents mètres d’altitude, elle monte très haut dans le ciel de Provence, et parfois un nuage blanc du mois de juillet vient s’y reposer un moment.
Ce n’est donc pas une montagne, mais ce n’est plus une colline : c’est Garlaban, où les guetteurs de Marius, quand ils virent, au fond de la nuit, briller un feu sur Sainte-Victoire, allumèrent un feu de broussailles : cet oiseau rouge, dans la nuit de juin, vola de colline en colline, et se posant enfin sur la roche du Capitole, apprit à Rome que ses légions des Gaules venaient d’égorger, dans la plaine d’Aix, les cent mille barbares de Teutobochus . »