
Petit moineau perdu –
Pas tant que ça
À l’agachon vers les miettes
L’art de la fugue, Jean-Sébastien Bach, par Glenn Gould
Un répit éclair –
avant la quête,
vers les petits insectes.
Assis sur son scooter il lui dit à voix basse
des mots que tu ne comprends pas
l’après-midi avance le soleil se devine
le perroquet écoute
comme surpris que son maître le sorte enfin un peu de la cage
où il tourne en rond à longueur de journée
bien sûr il n’est pas libre de s’envoler
une petite chaîne discrète lui enserre la patte
peut-être espère-t-il sans trop y croire
un soudain sursaut d’humanité
tu voudrais observer l’oiseau de plus près
contempler le lustré de ses plumes
le vermillon de son bec recourbé
saluer en souriant son petit œil cerné
lui souhaiter tout le courage du monde
alors tu t’approches doucement du scooter
et là patatras
le maître cesse de chuchoter te dévisage et lance
money !
Migrateur
migrateur
trime
gare
la ruelle
tuera
le rat git
la truite rame
le tigre mugit
la grue tire et le rate
lutte
ma mie
trie la lie
grime
et remue la lame
Juste en face est un nid
tout seul
tout rond
sous le toit bâti
dès l’aube il émet les cris
lancés par la petite hirondelle
à sa mère déjà partie
vers le ciel et ses insectes
je guette son retour fugace
quelques secondes à peine accrochée
pour donner la becquée
puis repartir sans tarder
j’aime quand elle virevolte
et trace de son ventre blanc
ses fugaces calligraphies
arabesques gorgées de vie
elle plane au-dessus des toits
jusqu’au crépuscule gris
où peu à peu s’efface et s’oublie
la déchirure de son cri
hirondelle du toit d’en face
reste encore un peu avec moi
le temps que ton petit s’envole
de ce nid rond comme une nasse
pourvu que bientôt reviennes
lorsque l’été s’éteindra
j’attendrai tout le temps qu’il faut
pour contempler tes ébats
L’été m’a donné des ailes
me suis échappé de la mer
et suis remonté vers le nord
porté par des flots d’air brûlant
parvenu en rivage de Seine
me suis posé près de l’eau
où flottaient bateaux par centaines
tous en papier, blancs et légers
vers où voguez-vous coquilles frêles
si loin encore est l’océan
votre appel à la mémoire vive
rend hommage à tous les migrants
l’été jamais ne soulage
ni la douleur du souvenir brûlant
de ceux qui en mer disparurent
ni le deuil de tous les survivants
C’était hier la Journée mondiale des réfugiés
Chez mon bouquiniste préféré
déniché ce petit recueil
Le sorbier des oiseaux
de Pierre Gamarra
ne résiste pas au plaisir
de lire l’un de ses poèmes
à voix haute
comme il se doit
me souviens qu’à l’école primaire
au CP ou au CE1
avions appris quelques poèmes
de Pierre Gamarra
comme celui-ci
Mon cartable
Mon cartable a mille odeurs,
mon cartable sent la pomme,
le livre, l’encre, la gomme
et les crayons de couleurs.
Mon cartable sent l’orange,
le bison et le nougat,
il sent tout ce que l’on mange
et ce qu’on ne mange pas.
La figue, la mandarine,
le papier d’argent ou d’or,
et la coquille marine,
les bateaux sortants du port.
Les cow-boys et les noisettes,
la craie et le caramel,
les confettis de la fête,
les billes remplies de ciel.
Les longs cheveux de ma mère
et les joues de mon papa,
les matins dans la lumière,
la rose et le chocolat.
Le matin parfois
surgit sur mon écran
une merveille
une parcelle de grâce
un fil précieux
relié à la vie paisible qui bat
juste à côté
un fragment de beauté
niché par surprise
juste en face de mon silence
ce rouge-gorge de là-bas
offert par terres d’encre
l’ai désiré ici aussi
tout près de ce ciel
qui nous unit
ai déniché sa voix
et me suis assis
sur le vieil amandier
pour l’écouter
Retrouver terres d’encre par ici et sur Twitter
Comme par enchantement
l’oiseau s’est juché là-haut
juste en face de toi
là où depuis un mois
reposes en paix, mon Jacques
sur l’arbre vigie des tombes
il est venu te conter
les joies et les regrets
les espoirs et les tourments
les souvenirs et les silences
qui peuplent nos journées
et nos nuits ici-bas
L’oiseau calligraphe –
pour vous chante l’automne,
Chine éternelle.