De glace et en feu

C’est comme un pèlerinage. Chaque fois que je monte à Paris, il me faut aller saluer Van Gogh. Au cinquième étage du Musée d’Orsay – il me semble que la dernière fois il était accroché plus bas – deux tableaux m’aimantent, peints lors du séjour de Vincent à l’hôpital de Saint-Rémy-de-Provence en 1899, un an avant sa mort.

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D’abord l’autoportrait au fond turquoise et au camaïeu de bleus. Me revoilà aussitôt happé, empoigné, dérangé par ce regard où sourdent incompréhension, révolte, angoisse et tristesse. J’ai beau à chaque fois me rapprocher de la toile autant que possible et oser lui murmurer quelques mots doux et paisibles, Van Gogh reste de glace et en feu. En silence, il continue de me dévisager et il continue encore et encore.

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Alors, je prends congé et me rapproche de La Méridienne, dit aussi La Sieste, l’autre tableau qu’il me faut retrouver.

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Aussitôt, je retourne dans la Provence de l’enfance, aux abords de Bauduen, où naquit ma grand-mère. Ébloui par ces nuances de jaune, je me replonge dans des lieux alors encore épargnés par le Lac de Sainte-Croix. Me revoilà en plein été dans les champs – sous les eaux depuis bientôt un demi-siècle – transpirant auprès de mon grand-oncle Bertin, de son cheval et de sa charrette cafie* de foin. Il quittait le village à la fraîche, descendait sur ses terres et travaillait dur. Au mitan du jour, lorsque le soleil tapait sans pitié, il s’allongeait lui aussi dans le peu d’ombre des meules pour une petite sieste. Campé devant le chef d’œuvre de Van Gogh, c’est ainsi que je l’imagine, Bertin. Apaisé pour une poignée de minutes.

De cette Provence de jeunesse et de rêve, je m’éloigne toujours à regret. Surtout quand l’hiver s’obstine à peindre Paris de ce gris terne et glacé qui incite à retourner bien vite au musée.

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*cafi : rempli, gorgé, en provençal

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