Les Acacias #6

P1010770Toujours pas de patron à l’horizon.

Mon ventre a commencé à gargouiller.

Une silhouette longue et haute m’a soudain distrait de mon estomac.

J’ai dressé la tête et je l’ai aperçue. Debout face à moi, immobile et calme, les bras croisés. Élancée comme une madone moderne avec son jean et ses baskets, souriante et muette.

D’habitude, les femmes me laissent de glace.

Mon regard les traverse et va se poser au delà de la lumière qu’elles agrègent à leur odeur et à leurs gestes. Je n’accroche plus leur chroma. Les mots qu’elles prononcent se noient tout autour de moi.

Depuis que Lou s’en est allée, j’ai fermé le verrou.

Mais aujourd’hui, l’improviste a su se faufiler en douce et il a pris le dessus.

Je me suis demandé ce qu’elle faisait là, droite et paisible sous les acacias. Si je l’invitais à déjeuner ? Je n’ai pas osé.

J’ai vite avalé ma question en retournant à mes nouvelles : la santé-record de la Bourse; l’expulsion d’un déserteur algérien à bord du Liberté; le triomphe de José Van Dam à l’Opéra.

J’ai fredonné Le Tilleul de Schubert et puis la douceur de Mars m’a fourré dans sa housse.

Je me suis laissé happer par sa caresse, les paupières relâchées face au soleil, concentré sur des cris minuscules encerclant les tables.

Les acacias criaient en silence comme des cigales à l’agonie.

Les épines palpitaient, les branches gémissaient, les troncs s’étouffaient, les racines tremblaient.

(à suivre)

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