Trois soleils ne suffiront pas
à réchauffer
les âmes grises
comme un totem effrayé
aux larmes noires
ils lancent leurs rayons
vers la blessure étonnée
passe le silence
restent les lignes éteintes
des jours clairs d’avant
Bordilles
c’est je l’avoue le premier mot qui m’est venu à la bouche
en apprenant hier la nouvelle de Bruxelles ensanglantée
très laid ce bordilles
presque aussi laid que ordures
traduction en français de ce mot marseillais
bordilles ! j’ai hurlé devant mon écran mais n’ai pas voulu en rester là, non
me suis dit que l’horreur et la peur jamais ne doivent et ne devront
gagner contre la beauté et la paix
alors, ai entonné Bella Ciao *
comme chaque fois qu’il s’agit de penser à résister
puisse ce chant remonter
jusqu’à Bruxelles l’endeuillée
* La version de Bella Ciao ici publiée est l’œuvre de l’Académie de Chant Populaire fondée à Marseille en 1994 par Alain Aubin. Le chœur qu’il dirige interprète un répertoire de chants de résistance et de lutte.
Je suis revenu sur nos pas
ce chemin bistre
où nous aimions jouer
c’était joli en été
tu te souviens ?
des coquelicots à foison
poussaient jusqu’à la porte
en apportions au chevrier
s’amusait de nos mains blanches
nous laissait caresser les bêtes sous le toit frais
se moquait de nos grimaces
quand buvions un coup de son vin
partagé à la bota
puis l’abandonnions à ses bêtes
collions nos bras contre les pierres
osions parfois quelques baisers
revienne le temps du vin vert
des murs chauds et du chemin bistre
des grimaces et des coquelicots
Juste en face de l’église, le poulailler de Monsieur le curé
sur les coups de midi me suis délicatement approché des gallines
pas osé arracher le grillage pour les libérer
ai senti qu’elles auraient bien fait un tour dans le village
auraient apprécié de prendre l’air
de s’éloigner un peu du coq qui les surveillait sans avoir l’air
la moins timide me l’a fait comprendre
a osé cligner de l’œil d’un cot cot cot sans équivoque
lui ai répondu d’un cot cot cot cot cot complice
s’en est vite retournée au fond du réduit
cot cot cot cot cot ai-je ajouté
histoire de dire cette nuit je viendrai vous libérer
cette audace folle de parler le poule
je la dois à Lucien Suel
poète jardinier dada de Picardie
le tweet ci-dessous posté par lui samedi
m’a totalement décomplexé
qu’il en soit moulte fois remercié
#Dadadata 99. "BOUM ! BOUM !" ce n'est pas "BOUM ! BOUM ! BOUM !" "Ouah ! Ouah ! " ce n'est pas "Ouah ! Ouah ! Ouah ! "
— Lucien Suel (@LucienSuel) 19 mars 2016
Avec Zoé et Marius, mes deux jeunes enfants, avons commencé à jouer au jeu de la cascade de mots.
Amusant, beaucoup. Déconcertant, un peu. Touchant, parfois.
Voici le premier épisode
Paisibles et silencieux
m’attendaient tout en haut
les chênes aux troncs décorés
jumeaux ou solitaires
à peine hommes
ou vieux sages
m’ont parlé de paix
offert sérénité
pour les remercier
les ai embrassé
puis m’en suis allé
ma maison retrouver
remonterai les saluer
* Il y a même des gens qui ont tellement embrassé les arbres qu’ils ne peuvent s’empêcher d’avoir envie d’initier les autres gens à ces embrassades 🙂
Tu n’en ressortiras pas vivant
de ces aller-retours saccadés
enfermé comme au jour dernier
tu étouffes à petit jeu
depuis quand ?
tu ne sais plus
alors, caresse les boiseries
lèche les poignées cuivrées
surtout ne t’enfuis pas
palpite encore près du miroir
ignore le bouton arrêt
imagine la place que prendrait
dans ta vie, Aimée la douce
là, juste devant ta face en feu
dirais les mots inavoués
et les paroles crues
oserais un baiser sur ses cils
tenterais de mordiller la langue
de celle qui te résisterait
dans la moiteur de l’ascenseur
l’ange bouillant s’en est allé
sans un regard vers ton visage
sens arriver la chute raide
déserté le chemin rêvé
la porte s’ouvre et tu t’écrases
sur le monde froid du rez-de-chaussée
Dans les froides rues mouillées
t’ai aperçu à la fenêtre
ne m’as même pas regardé
chat blanc aux fins yeux perdus
ai tenté de te réveiller
tapé des mains, crié, sifflé
es resté figé sans broncher
peut-être es-tu, petit chat blanc
statue de Bastet la déesse
ramenée de lointaine Égypte
par quelque amoureuse éperdue
lasse de se rêver attendue
et de lancer en vain ses griffes
aux carreaux froids de la fenêtre
En quête de miettes
sautillais sans peur
petite mésange
serais bien rentrée
piquer une miche
mais porte fermée
as raflé l’infime
sans te presser
puis t’es envolée
ai cherché tes noms
pour partir aussi
nonette ou lapone
noire ou azurée
bleue ou boréale
huppée ou lugubre
nord-africaine ou
charbonnière
crois que tu étais
petite mésange qui sans peur sautillais
Un chantier en bas au rez-de-chaussée
frisquet il fait
ce fut un beau dimanche de bal, il se dit
bijoux légers, cous brûlants et baisers aux sourcils
sourires offerts contre l’épaule
et ce désir de balancer les corps ensemble
en volutes tendres, en arabesques souples
dans la grande salle de danse au parquet verni
hélas close aujourd’hui puisque c’est lundi
encore tout chaud dedans du parfum de sa belle
le travailleur du chantier siffle
le Boléro de Ravel