Rester. Partir. Passer sa vie entre mer et collines ou s’escaper, mettre les voiles, changer d’horizon, désirer un ailleurs inconnu. Dilemme profond pour nombre de Marseillais. Beaucoup le tranchent en demeurant dans la ville natale. D’autres boulèguent. J’en suis. Mais toujours revenir… car ici, qu’est-ce que l’on voyage !
« …Celui qui naît et grandit à Marseille n’a pas besoin de partir : il est déjà parti. Comme ils rencontrent tous les visages et tous les peuples de la terre, entre les allées de Meilhan et les ports, la plupart de enfants ne rêvent pas de voir le monde. Un petit nombre d’autres brûle, au contraire, de tout quitter et de mettre le cap sur le large. Plus fort que le désir de voyage, le désir de la mer ; et plus que le désir de la mer, la nostalgie d’ailleurs. Où ? Ailleurs. À quelle fin ? Ailleurs. Pour quoi ? Ailleurs est le nom du pays inconnu, le plus beau des pays. Ailleurs, le pays où l’on n’est pas et où l’on pourrait être ; celui où nul n’a été, jusqu’à ce qu’on y soit.
À Marseille, comme dans tous le grands ports, l’indigène aime la mer à la façon des riverains amis de leur fleuve ou de leur rivière. Pour eux, la mer est la belle eau familière, l’air plus vif, l’aventure d’une demi-journée, le plus large rire de la nature, les bains dans le flot doré, le canot et la pêche.
Mais les amants d’Ailleurs ont pour la mer une toute autre passion. Jour et nuit, les mâts tissent le filet de la séduction, et le cœur du jeune homme fait nœud à chaque maille. Il ne dort plus. Que de navettes sur le ciel du Vieux Port ! Il est pris aux rets de sa convoitise… »
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