Les vers de ce sublime poème d’amour dessinent le visage de la bien aimée. L’ai découvert tout jeune, à l’époque de mes premières amours tenues au secret par timidité. Ou bien parce que c’était sans doute plus fort encore de les taire et de leur préférer la beauté des lettres ainsi posées sur la feuille. Plus fort peut-être de s’attarder un instant sur les sons de ces mots à peine murmurés face à la fenêtre de ma chambre qui donnait sur la mer. J’ignorais à l’époque que ce texte figurait dans le recueil Poèmes de la paix et de la guerre, écrit par Apollinaire entre 1913 et 1916. La tragédie absolue de la Grande guerre vint en moi plus tard. Lorsque ma grand-mère raconta que son promis n’était jamais revenu du front.
» Reconnais-toi
Cette adorable personne, c’est toi
Sous le grand chapeau canotier
Œil
Nez
La Bouche
Voici l’ovale de ta figure
Ton cou Exquis
Voici enfin l’imparfaite image de ton buste adoré
Vu comme à travers un nuage
Un peu plus bas c’est ton cœur qui bat «
Guillaume Apollinaire (1880 – 1918)